Commentenlever la colle Du simili cuir CanapĂ© Acheter du dissolvant d'encre de spĂ©cialiste ou de gel d'encre pour le cuir si vous ĂȘtes prĂ©occupĂ©s par l'utilisation d'alcool Ă  brĂ»ler ou que vous voulez ĂȘtre sĂ»r que la tache disparaĂźtra. Utilisez un nettoyant pour cuir sur le stylo Ă  bille bleu. Ensuite, mettre un peu de dissolvant d'encre pour le cuir sur un coton-tige et
Le savon de Marseille est la base du mĂ©nage au naturel ! C’est un vĂ©ritable must-have car il est Ă  la fois Ă©conomique et multiusage. Voici donc quelques usages du savon de Marseille. Attention toutefois Ă  bien sĂ©lectionner un vrai » savon de Marseille, sans glycĂ©rine et Ă  l’huile vĂ©gĂ©tale pour que son efficacitĂ© soit au rendez-vous. Pour en savoir plus sur l’origine et la crĂ©ation du savon de Marseille, rendez-vous ici. À quoi reconnait-on un vrai savon de Marseille ? 95% des savons de Marseille seraient des contrefaçons. Le problĂšme ? L’appellation savon de Marseille » n’est pas protĂ©gĂ©e. Difficile alors de s’y retrouver. C’est pourquoi 4 savonneries se sont regroupĂ©es sans l’Union des Professionnels du Savon de Marseille UPSM La Savonnerie Marius Fabre nos chouchous La Savonnerie du Fer Ă  Cheval, Ă  Marseille La Savonnerie du Midi, Ă  Marseille La Savonnerie Le SĂ©rail, Ă  Marseille Ensemble, ils ont dĂ©finit les critĂšres du vrai savon de Marseille Sa composition Son procĂ©dĂ© de fabrication Son origine gĂ©ographique Qu’est ce qu’un vrai savon de Marseille ? Le vrai savon de Marseille est composĂ© ainsi Huile vĂ©gĂ©tale Ă  72%. Cette huile est gĂ©nĂ©ralement de l’huile d’olive avec un peu d’huile de coprah. L’huile de coprah est un dĂ©rivĂ© de l’huile de coco qui permet de solidifier » le savon et de le faire mousser ; De l’eau et du sel ; Des traces de soude issues du processus de saponification ; De la GlycĂ©rine ; Ces ingrĂ©dients se prĂ©sentent ainsi sur l’étiquette Sodium Olivate, Sodium Cocoate Aqua, Glycerin, Sodium chloride, Sodium hydroxide Votre vrai savon de Marseille doit donc correspondre Ă  ces critĂšres Fabrication française par l’un des membres de l’UPSM Pas plus de 6 ingrĂ©dients 72% d’huile vĂ©gĂ©tale minimum Pas de graisse animale, pas de colorant, pas d’additif, pas de parfum. Le savon de Marseille sert avant tout Ă  se nettoyer. Mais il peut ĂȘtre utilisĂ© pour de nombreuses autres choses. Voici 10 usages du savon de Marseille Ă  dĂ©couvrir. 1 – Nettoyant multisurface Frottez une Ă©ponge ou un chiffon humide sur votre savon de Marseille et nettoyez avec toutes les surfaces la table, le sol, les meubles, le carrelage, le bois etc. 2 – Dentifrice fait-maison DĂ©coupez un tout petit peu de savon de Marseille en petits morceaux et faites les fondre dans l’eau. Ajoutez quelques gouttes d’huiles essentielles de votre choix la menthe est toute dĂ©signĂ©e pour donner l’haleine fraiche. Frottez votre brosse Ă  dents lĂ©gĂšrement dans le mĂ©lange – n’en mettez pas trop car le mĂ©lange mousse beaucoup ! 3 – Laver le linge dĂ©licat Remplissez un seau d’1,5 litre d’eau chaude et rĂąpez 50 grammes de votre savon. Trempez-y vos prĂ©cieux vĂȘtements toute la journĂ©e ou la nuit avant de les rincer. Une recette idĂ©ale pour les chemisiers dĂ©licats. 4 – Éviter les crampes nocturnes Une lĂ©gende dit que si on glisse des morceaux de savon de Marseille sous sa couette, ça Ă©vite les crampes nocturnes. 5 – Repousser les mites Avec son odeur si particuliĂšre, le savon de Marseille serait un excellent repoussoir Ă  mites. On peut donc en mettre quelques morceaux dans nos placards pour Ă©viter les trous dans nos jolis pulls. 6 – Remplacer le liquide vaisselle Vous avez la flemme de crĂ©er un liquide vaisselle maison ? Voici une façon toute simple de faire la vaisselle dĂ©posez un savon de Marseille sur un porte savon ou dans un bocal et utilisez une brosse en bois. Humidifiez la brosse et frottez lĂ  sur le savon c’est parti, vous ĂȘtes prĂȘt ! Le savon de Marseille dĂ©graisse facilement, lave toutes les surfaces verres compris et la brosse ne raye pas les poĂȘles
 une solution Ă©conomique et rapide ! 7 – Mousse Ă  raser Le savon de Marseille mousse facilement et est recommandĂ© pour le soin de la peau. Il suffit de le faire mousser et de passer le rasoir ensuite une mousse efficace pour homme comme pour femme. 8 – DĂ©tachant Laissez tremper votre linge dans une bassine aprĂšs l’avoir bien frottĂ© avec du savon de Marseille pendant plusieurs heures. Votre tĂąche disparait ! 9 – Laver le cuir avec du savon de Marseille Le savon de Marseille serait recommandĂ© pour le lavage du cuir, que ce soit des meubles ou des habits. C’est Ă©tonnant, mais c’est possible ! Pour laver une surface en cuir, on frotte le cuir avec un chiffon prĂ©alablement imbibĂ© d’eau dans laquelle on a fait fondre un peu de savon de Marseille. Il faut compter 1 cuillĂšre Ă  cafĂ© de savon de Marseille par 500ml d’eau chaude. 10 – Nettoyer les pinceaux de maquillage Le savon de Marseille par son pouvoir dĂ©graissant est idĂ©al pour nettoyer en profondeur, et enlever tout rĂ©sidu de fond de teint et de poudre. Sa formule douce permet un entretien rĂ©gulier sans abĂźmer les poils dĂ©licats des pinceaux. Mais son usage le plus courant en ce moment, c’est pour la rĂ©alisation de produits d’entretien maison. Des produits maison Ă  base de savon de Marseille Chez Mes courses en vrac, nous utilisons le savon de Marseille pour faire la vaisselle. C’est Ă  la fois dĂ©graissant, dĂ©tachant et Ă©conomique. On s’en sert aussi en copeaux pour fabriquer des produits comme la lessive maison ou le produit pour le sol. Comment nettoyer sa maison Ă  l’aide du bicarbonate de soude ? 20/01/2021 2 commentaires Le Bicarbonate de soude – aussi appelĂ© bicarbonate de sodium – est une poudre...Lire plus 3 astuces pour un repas de NoĂ«l Ă©colo 17/12/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac Laisser un commentaire Dans 16 jours, nous n’aurons plus besoin d’excuses pour noyer notre frustration dans le...Lire plus Comment fabriquer un emballage en cire d’abeille 16/12/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac Laisser un commentaire L'emballage en cire d'abeille est un tissu enduit de cire qui remplace le cellophane...Lire plus Comment fabriquer un Furoshiki 14/12/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac Laisser un commentaire Le Furoshiki est un carrĂ© de tissu qui permet d'emballer un objet et en...Lire plus Ma routine cheveux zĂ©ro-dĂ©chet 02/12/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac 2 commentaires Si prendre soin de ses cheveux est un besoin et un plaisir avant tout,...Lire plus Ma recette de granola Maison 04/11/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac Laisser un commentaire Qu'est ce qu'un bon brunch sans un bon granola ? Mais au fait, le...Lire plus Bicarbonate de soude & vinaigre blanc comment les utiliser ? 28/10/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac astuces, Bicarbonate de soude, brosse vaisselle, DIY, mĂ©nage, recettes, vinaigre blanc 4 commentaires Lorsque j’ai commencĂ© Ă  chercher des façons de nettoyer mon appartement de façon plus...Lire plus Que faire de mes vieux livres ? 20/01/2021 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac dĂ©sencombrement, livres, RĂ©duire Laisser un commentaire Au fil des annĂ©es, on accumule de nombreux objets dont parfois des livres. On...Lire plus Une recette pour ma gourde Ă  compote rĂ©utilisable 27/10/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac gourde Ă  compote 1 commentaire Connaissez-vous les gourdes Ă  compote rĂ©utilisables ? Elles ressemblent aux petites compotes jetables qu'on...Lire plus 10 astuces pour limiter son empreinte Ă©cologique en entreprise 28/10/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac astuces, Bureau 2 commentaires Le sujet du zĂ©ro dĂ©chet Ă  la maison est de plus en plus abordĂ©...Lire plus Masque capillaire Ă  la banane & Ylang Ylang 28/10/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac DIY, shampoing solide, Ylang-ylang Laisser un commentaire Pollution, soleil et maintenant le froid nos cheveux subissent des agressions extĂ©rieurs Ă ...Lire plus 5 astuces pour une rentrĂ©e scolaire zĂ©ro-dĂ©chet 27/10/2020 Par RĂ©gis de Mes courses en vrac 2 commentaires L'Ă©tĂ© n'est pas encore tout Ă  fait fini que dĂ©jĂ  il faut commencer Ă ...Lire plus
LeShampooing Anti Poil IncarnĂ© VeloutĂ©es prĂ©vient, traite et Ă©limine les taches, les boutons, les poils incarnĂ©s cuir chevelu et les dĂ©mangeaisons sur le cuir chevelu et sur la nuque. Fait disparaĂźtre les imperfections et irritations, inhĂ©rents aux hommes Ă  la peau mate aux origines diverses et Ă  ceux qui ont les poils drus ou frisĂ©s et engendrĂ©es aussi bien par le rasage, et par Le dentifrice Utiliser un dentifrice en tant que dissolvant permet de diluer la substance colorante de votre vernis. Il suffit de l’appliquer Ă  l’aide d’un coton et de le laisser agir quelques minutes avant de le retirer. Cette solution permet d’éliminer toutes les taches sans aucun effort.. Comment enlever du vernis sans dissolvant et alcool ? MĂ©langez du dentifrice avec du bicarbonate ; Sur chaque ongle, dĂ©posez un peu de ce mĂ©lange et frottez pour Ă©liminer les couches de vernis. Vous pouvez utiliser pour cela une brosse Ă  dents usagĂ©e. Cette mĂ©thode, 100 % naturelle, fera des merveilles sur les mains abĂźmĂ©es ou fragiles. Comment enlever du vernis avec du vinaigre blanc ? Le vinaigre blanc et citron Le dĂ©capage de votre vernis est alors efficace. MĂ©langez ces 2 ingrĂ©dients dans un rĂ©cipient avant de plonger vos doigts dans la solution pendant une quinzaine de minutes. Essayez dĂ©jĂ  de retirer le vernis au bout de 5 minutes de trempage en grattant avec les ongles. Comment faire un dissolvant naturel ? Tout ce dont vous aurez besoin, c’est d’un peu de vinaigre blanc et d’un citron jaune. Une fois que vous avez mĂ©langĂ© les deux dans un rĂ©cipient, trempez vos doigts Ă  l’intĂ©rieur l’espace de 10/15 minutes pour que le vernis ait le temps de bien se ramollir. Comment enlever vernis gel Ă  la maison ? Deux techniques s’offrent Ă  vous – Le bain trempez le bout de vos doigts directement dans le dissolvant, que vous aurez versĂ© dans un rĂ©cipient. Laissez le gel se dissoudre doucement. – L’enrobage par papillotes imbibez gĂ©nĂ©reusement de dissolvant 10 morceaux de coton, des ouates ou des tampons dĂ©maquillants. Comment enlever du gel sans acĂ©tone ? La premiĂšre des solutions consiste Ă  couper trĂšs court les faux ongles en acrylique Ă  l’aide d’un coupe-ongle. Ensuite, on lime chaque ongle avec une ponceuse Ă©lectrique spĂ©cialement conçue Ă  cet effet. Il ne doit rester qu’une couche trĂšs fine d’ongle acrylique sur nos ongles naturels. Comment faire du dissolvant Ă  ongles ? La rĂ©alisation Dans un bol, mĂ©langer du vinaigre blanc et du jus de citron Ă  parts Ă©gales. Laisser tremper quelques boules de coton dans ce mĂ©lange. SĂ©cher puis appliquer les boules de coton imbibĂ©es sur les ongles et laisser agir 20 Ă  30 secondes. Essuyer doucement le vernis et rĂ©pĂ©ter l’opĂ©ration si nĂ©cessaire. Comment faire de l’acĂ©tone ? Sucre et alcool Ă©thylique Vous aurez besoin de petites doses d’alcool Ă©thylique et de sucre blanc. Une fois que vous avez achetĂ© un rĂ©cipient appropriĂ© pour la fabrication d’acĂ©tone fait maison par exemple, un pot de verre de confitures trĂšs simple, commencez par ajouter deux cuillĂšres Ă  soupe d’alcool Ă©thylique. Comment fabriquer du dissolvant avec acĂ©tone ? Comment enlever du vernis avec du gel hydroalcoolique ? Vaporisez le produit sur l’ongle − sauf si vous choisissez le gel hydroalcoolique auquel cas il faudra verser quelques gouttes sur un disque de coton − attendez quelques instants, et frottez dĂ©licatement l’ongle avec le coton pour retirer le vernis. Comment crĂ©er son propre dissolvant ? Tout ce dont vous aurez besoin, c’est d’un peu de vinaigre blanc et d’un citron jaune. Une fois que vous avez mĂ©langĂ© les deux dans un rĂ©cipient, trempez vos doigts Ă  l’intĂ©rieur l’espace de 10/15 minutes pour que le vernis ait le temps de bien se ramollir. Comment retirer tache gel hydroalcoolique ? Diluez le gel au plus vite avec un peu d’eau minĂ©rale de prĂ©fĂ©rence gazeuse puis Ă©pongez avec du papier absorbant. Si la tache de gel hydroalcoolique a sĂ©chĂ© sur le tissu, nettoyez la tache de gel Ă  l’aide d’un linge imbibĂ© d’eau et de liquide vaisselle. Faites mousser, frottez puis rincez. Qu’est ce qui remplace l’acĂ©tone ? Le citron va Ă©galement fortifier les ongles et les blanchir. Si on a la peau sensible, il est conseillĂ© de diluer le jus de citron dans un peu d’eau. Pour utiliser un citron comme dissolvant, on presse un citron bien juteux. Est-ce que le gel hydroalcoolique part sur les vĂȘtements ? En effet, il n’est pas rare de renverser quelques gouttes sur un pantalon, un t-shirt ou une veste. Comme pour tous les autres produits d’entretien professionnels ou non Ă  base d’alcool, le gel peut entraĂźner une tache plus ou moins importante Ă  cause de sa grande concentration en Ă©thanol. Comment enlever du gel sur un vĂȘtement ? On nettoie une tache de gel avec du jus de citron Pour nettoyer une tache de gel sur un tissu, on verse quelques gouttes sur une Ă©ponge humide. Puis on frotte dĂ©licatement la surface Ă  traiter, jusqu’à disparition totale de la tache de gel. On rince ensuite la surface en la tamponnant Ă  l’eau claire. Comment enlever du gel hydroalcoolique sur du simili cuir ? Retirez la tĂąche le plus rapidement possible avec un tissu imbibĂ© d’eau savonneuse et de quelques gouttes de vinaigre blanc. Une fois fait, essuyez le tout avec un linge propre et sec. Comment retirer son vernis Ă  ongles avec du dentifrice ? Utilisez du dentifrice pour enlever un vernis. Posez une bonne noisette de dentifrice sur votre ongle et frottez avec une vieille brosse Ă  dents ou de l’ essuietout. Souvent, les dentifrices blanchissants marchent, car ils diluent la couleur du vernis. Comment enlever le vernis Ă  ongle sans coton ? DĂ©couper l’une des deux Ă©ponges en deux avec une paire de ciseaux pas la seconde. Placer l’éponge et demi dans le bocal en verre. Ajouter du dissolvant et refermer avec le couvercle. C’est terminĂ© ! Comment enlever le vernis d’un meuble sans poncer ? Humidifiez lĂ©gĂšrement le support avec un chiffon ou une Ă©ponge. Saupoudrez ensuite du bicarbonate sur la surface. Avec une brosse Ă  dĂ©caper, frottez vigoureusement le support. Si le vernis est fortement incrustĂ©, utilisez du vinaigre blanc avec le bicarbonate. Quel produit pour enlever le vernis sur du bois ? RĂ©alisez un dĂ©capant pour meuble verni fait-maison avec un litre de lessive de soude et de la colle Ă  papier. MĂ©langez les deux ingrĂ©dients jusqu’à obtention d’une pĂąte homogĂšne et Ă©paisse. Appliquez-la Ă  l’aide d’un pinceau et laissez agir pendant 30 min avant de rincer Ă  l’eau. Comment faire du dissolvant maison sans vinaigre blanc ? Le citron Pour ce faire, faites tremper vos doigts dans l’eau tiĂšde jusqu’à 5 minutes. Ensuite, frottez la tranche de citron et vous verrez que les ongles vernis deviendront naturels. Une solution idĂ©ale pour ceux chez qui le dissolvant provoque des gĂȘnes respiratoires. Comment remplacer de l’acĂ©tone ? Le citron. Le citron est une astuce naturelle pour se dĂ©barrasser de son vernis Ă  ongles. Cette mĂ©thode Ă  l’avantage d’ĂȘtre sans danger, bon pour les ongles et Ă©conomique. Le citron va Ă©galement fortifier les ongles et les blanchir. OĂč trouver du dissolvant sans acĂ©tone ? dissolvant sans acetone. Comment enlever du vernis gel sans acĂ©tone ? Utilisez l’huile pour cuticules ou l’huile d’olive. Appliquez de l’huile sur l’ongle en gel et sur celui que vous utilisez pour l’enlever. Glissez ensuite l’ongle naturel sous celui en gel et enlevez-le doucement. N’oubliez pas de partager l’article !

Onconstate d’abord des taches blanchĂątres Ă  la surface du vĂȘtement. Si ces derniĂšres ne sont pas nettoyĂ©es rapidement, le cuir peut souffrir de dommages irrĂ©versibles. DĂ©couvrez toutes nos astuces de grand-mĂšre pour sauver vos vestes de la moisissure. PrĂ©cedent Suivant Votre veste en cuir a moisi dans le placard ?

un jour, une description 17 aoĂ»t 2022 Un bateau brĂ»le sur la mer, dans un port. L’air sent le fuel. Les larmes refusent le deuil. On entend encore le bruit du clapot contre sa coque. 2 juillet 2022 Une vieille dame essaie de se souvenir de quelque chose. Ses yeux bleus fouillent l’espace comme si sa mĂ©moire pouvait ĂȘtre lĂ , devant elle. Quand elle voit la mer, elle respire mieux. Sa malice revient. 16 juin 2022 Une petite fille pleure sur ue plage. Son pĂšre la regarde indiffĂ©rent ou jouant l’indiffĂ©rfence. Le soleil tape et on s’inquiĂšte pour elle. On attend les hirondelles qui sortiront plus tard. 25 avril 2021 Une femme assise Ă  son bureau. Elle Ă©crit avec son ordinateur un court texte. Elle regarde des notes sur un carnet, fait souvent des pauses, se relit. Chaque jour ou presque, elle regarde au-delĂ  et quand elle ne peut pas sortir, elle Ă©coute. Elle a toujours aimĂ© cela, regarder les gens autour d’elle, prĂȘter attention Ă  des petites choses, des petits gestes, des paroles, des rires. Elle ne veut surtout pas faire un journal, parler d’elle lui semble sans intĂ©rĂȘt, alors elle fait un journal Ă  l’envers dans lequel elle dĂ©crit quelqu’un, une situation, une chose, ceux qui la marque et l’accompagne. Et puis elle l’a mis en ligne, comme pour que ce temps suspendu existe peuplĂ© de ses descriptions qui ne sont pas vraiment des rencontres. Cela fait un an qu’elle a commencĂ©. Est-ce que cela mĂ©rite un anniversaire ? Est-ce que cela mĂ©rite une pause ? Un arrĂȘt ? Juste de poursuivre ? Elle ne le sait pas encore. Elle sait qu’elle va continuer, mais elle ne sait pas encore comment. 23 avril 2021 Une rĂ©union par zoom. Elle rassemble douze personnes qui ne se connaissent pas pour la plupart et qui vont participer ensemble Ă  une expertise. La rĂ©union permet de bien expliquer Ă  tous les tenants et les aboutissants de cette expertise, notre rĂŽle et les enjeux. Un homme plutĂŽt jeune se prĂ©sente et nous explique qu’il travaille en Suisse oĂč il est actuellement et qu’il a toujours travaillĂ© Ă  l’étranger oĂč il a Ă©tudiĂ©. Comme tous, il explique pourquoi il a acceptĂ© de faire cette expertise qui est longue, chronophage et mal rĂ©munĂ©rĂ©e. Il dit trĂšs clairement qu’il veut comprendre comment fonctionne le systĂšme qu’il doit Ă©valuer car il le trouve obsolĂšte et ne comprend pourquoi nous y sommes tellement attachĂ©s. On est tous sciĂ© et la prĂ©sidente du jury doit prendre sur elle, pour calmement revenir sur les enjeux d’une expertise qui n’est pas un jugement ou une inspection. Il se tait saisissant vite la rĂ©probation commune. Dans la deuxiĂšme partie de la rĂ©union, des points plus techniques sont abordĂ©s et il dit qu’il ne comprend pas de quoi on parle et pose des questions qui ont toutes Ă©tĂ© traitĂ©es auparavant. On se rend compte qu’aprĂšs sa prĂ©sentation, il a dĂ» faire complĂštement autre chose et n’a rien Ă©coutĂ©. La prĂ©sidente prend un malin plaisir Ă  rappeler l’importance de l’écoute entre nous, d’une collĂ©gialitĂ© dans le respect et sans mĂ©pris aucun, et finit par et ce sont toutes ces valeurs-lĂ  que nous partageons au sein de notre beau systĂšme solidaire dans lequel nous prenons le temps de prendre soin les uns des autres ». Il fait la tĂȘte. Comme un gamin arrogant pris sur le fait et qui a Ă©tĂ© puni. 22 avril 2021 Un cabinet mĂ©dical. MalgrĂ© les restrictions sanitaires, la salle d’attente est pleine. On se sent mal Ă  l’aise sans pouvoir nommer pourquoi. On regarde les autres personnes qui attendent et on se sent une intruse. Peu Ă  peu, on se rend compte qu’on est la seule femme Ă  l’exception des secrĂ©taires mĂ©dicales. Tous les autres patients sont des hommes de plus de 65 ans et certains sont beaucoup plus ĂągĂ©s. C’est un cabinet d’urologie, on pense prostate ». Ils le pensent tous aussi, ils savent tous qu’ils sont lĂ  pour cela, mais tant qu’ils Ă©taient entre eux, cela allait. Avec notre irruption fĂ©minine, d’un coup, c’est comme si leur souci devenait public et honteux. Une atteinte Ă  leur virilitĂ© qui serait dĂ©voilĂ©e Ă  une femme. A notre arrivĂ©e, deux hommes se parlaient, ils ont immĂ©diatement cessĂ©. Le silence s’installe, chacun est dans son tĂ©lĂ©phone, les mĂ©decins, tous des hommes aussi, viennent chercher leur patient et mĂȘme eux vous jettent un regard surpris. Une jeune femme arrive avec un petit garçon de sept ans environ. Il s’assied sur les genoux de sa mĂšre et lui demande ce que va lui faire le docteur. Elle lui explique qu’il va l’examiner sans lui faire mal, que ce docteur a l’habitude. Elle lui demande Tu sais pourquoi on est ici ? Chez ce docteur ? », il lui rĂ©pond trĂšs sĂ©rieusement et sans aucune gĂȘne Pour mon pipi ». Il prĂ©cise Parce que je fais pipi au lit ». On sent aux sourires qu’il y a presque comme un soulagement d’entendre cet enfant parler si directement, si spontanĂ©ment et Ă  voix haute de ses soucis. La tension se dĂ©noue un peu. Sa tranquillitĂ©, sans honte, nous a fait du bien. A tous. 21 avril 2021 Une dame d’une soixantaine d’annĂ©es qui parlent avec un monsieur un peu plus ĂągĂ© au milieu d’un petit jardin public oĂč un grand nombre d’enfants jouent en ce mercredi. A part les parents et les grands-parents qui sont sur les bancs, ce sont les seuls adultes. Elle est habillĂ©e tout en noir. Elle porte un chemisier dans une matiĂšre assez brillante, puis une jupe qui semble longue mais qui est composĂ©e d’une jupe trĂšs courte prolongĂ©e par de la dentelle qui descend jusqu’au genou, dessous elle porte des collants en dentelle puis des ballerines. Elle a les cheveux blonds coiffĂ©s en chignon, ses yeux sont trĂšs maquillĂ©s et elle porte un masque bleu sous le nez. On remarque ses boucles d’oreilles or et noir qui sont assez longues et semblent lourdes. Elle promĂšne un chien en laisse. Il est tout petit avec un nez Ă©crasĂ© et le poil ras. Ils regardent tous les deux le chien qui semble ĂȘtre leur sujet de conversation. Elle fait mine de partir, puis prend le chien dans ses bras et se retourne pour dire Ă  nouveau quelque chose au monsieur. On voit Ă  sa maniĂšre de se retourner, de pencher la tĂȘte, qu’elle minaude et essaie de garder l’attention de ce compagnon. Il lui rĂ©pond et fait un geste du bras qui montre tout Ă  fait une autre direction que celle vers laquelle elle allait. Elle le salue d’un petit geste de la main et part. Quand on la croise, on voit que son regard est triste, son visage fermĂ©. Elle soupire puis relĂšve le menton et se redresse. Elle sourit et retrouve de sa superbe. Haut les cƓurs ! 20 avril 2021 Une petite fille dans un jardin dans une grande ville. Elle doit avoir environ douze ans. Elle est assez grande avec des longs cheveux noirs ondulĂ©s, un visage rond avec un menton pointu, des grands yeux noirs avec des sourcils trĂšs marquĂ©s et une bouche assez large. Elle est habillĂ© d’un long T-shirt blanc Ă  manches longues et porte un pantalon Ă©trange comme un legging moulant qui imiterait le cuir noir mais qui semble ĂȘtre en plastique. La petite fille est proche d’un des portails du jardin et regarde Ă  l’extĂ©rieur en faisant visiblement la tĂȘte. Elle regarde de maniĂšre insistante un garçon et une fille, du mĂȘme Ăąge qu’elle, qui sont sortis du jardin et se parlent Ă  part de tous les autres. Elle sort du jardin et fait quelques pas vers eux, le visage fermĂ©. Elle reste Ă  distance et on voit qu’elle regarde le garçon et qu’elle commence Ă  bouger comme pour attirer son attention. Elle finit par dire quelque chose, l’appeler peut-ĂȘtre, il se retourne, la regarde et lui fait un signe de la main comme pour lui dire attends ». L’autre petite fille sourit. Ils continuent de parler ensemble. Le visage de la petite fille semble se flĂ©trir de tristesse. Elle ne bouge pas. Elle est au bord des larmes. Quand elle sent qu’elle va vraiment pleurer, elle se tourne. On voit deux larmes briller sur ses joues comme un Ă©cho Ă  la brillance Ă©trange de son pantalon. Elle s’éloigne. Un chagrin d’amour. DĂ©jĂ . 19 avril 2021 Un homme qui doit avoir une soixantaine d’annĂ©e peut-ĂȘtre plus. Il est sur la grand place d’un marchĂ©. Il est trĂšs Ă©lĂ©gant. Il porte des mocassins Weston » fauves avec des chaussettes bleues que l’on entraperçoit et un pantalon bleu certainement en laine qui semble trĂšs souple et dont le revers se casse lĂ©gĂšrement sur la chaussure. On remarque ensuite sa chemise bleu clair, son gilet de costume bleu foncĂ© boutonnĂ© avec des beaux boutons en corne et sa veste grise de costume avec une coupe plutĂŽt cintrĂ©e et dans un tissu qui ressemble Ă  du feutre. Il est peut-ĂȘtre plus ĂągĂ© qu’on ne l’a cru en voyant sa silhouette mince et trĂšs dynamique. Son long visage est marquĂ© et assez creusĂ© sous les pommettes saillantes. Son nez est long et droit, ses yeux sont bleus et il a un grand front. Il porte un masque bleu foncĂ© assorti Ă  son pantalon et Ă  son gilet. Ce qui est trĂšs Ă©tonnant dans cette grande Ă©lĂ©gance, ce sont ses cheveux. Il est chauve sur tout le haut du crĂąne et, pour le cacher, il prend une grande mĂšche sur le cĂŽtĂ© et la rabat sur son crĂąne qu’il recouvre ainsi voulant donner l’impression qu’il a encore quelques cheveux. Ces mĂšches plaquĂ©es sont enduites de gel, que l’on voit briller, pour bien tenir. Le vent souffle, il met la main Ă  sa tĂȘte ayant peur que sa longue mĂšche se soulĂšve dĂ©voilant sa calvitie. Il ne veut pas de cette atteinte Ă  son image. Il attend que la rafale de vent soit terminĂ©e pour reprendre sa lente promenade dont le seul but semble de se montrer sous ses plus beaux atours. Une parade. 16 avril 2021 Ce sont deux hommes qui traversent la rue. Ils doivent avoir autour de soixante-dix ans. Ils ont Ă  peu prĂšs la mĂȘme taille, moyenne, l’un se tient un peu voĂ»tĂ©, l’autre trĂšs droit. L’un est habillĂ© avec un pantalon en velours cĂŽtelĂ© sombre et un blouson de cuir brun fermĂ©, l’autre avec un jean et une doudoune courte grise. Tous les deux ont les mĂȘmes chaussures de type MĂ©phisto » aux pieds. Ils portent tous les deux des masques blancs. Ils sont presque chauves mais avec encore quelques cheveux trĂšs courts, gris. Ils parlent en marchant, l’un Ă  les mains dans les poches, l’autre fait des grands gestes. Ils sortent d’une petite rue et s’engagent sur le passage piĂ©ton devant eux pour traverser un grand boulevard Ă  double sens. Ils ne regardent ni l’un ni l’autre s’il y a des voitures, continuent de se parler et avancent comme s’il n’y avait aucun danger. Ils traversent, ils sont sur un passage piĂ©ton, ils sont dans leur droit, les voitures doivent s’arrĂȘter. Elles s’arrĂȘtent. On sent dans leur posture, et dans une petite raideur au moment de s’engager dans la chaussĂ©e, qu’ils sont parfaitement conscients de ce qu’ils font mais qu’ils veulent absolument faire ce qu’ils ont le droit de faire. Ils n’auront ni l’un ni l’autre jamais jetĂ© un coup d’Ɠil Ă  gauche puis Ă  droite, ils marchent comme s’ils Ă©taient sur un trottoir. Quand ils sont de l’autre cĂŽtĂ© du boulevard, ils sourient et poursuivent leur marche Ă  pas vifs. On les entend presque commenter leur action et fanfaronner un peu. Comme une petite victoire. 15 avril 2021 Un petit garçon traverse une place sur une petite trottinette. Il est sĂ»r de lui, il va vite. Alors qu’il roule, il se met Ă  danser en remuant des hanches et des fesses et, s’enhardissant, en bougeant tout le corps sauf les pieds et les mains bien arrimĂ©s. Il doit avoir six ans. Il est habillĂ© d’un jean, de baskets colorĂ©es et d’un tee-shirt Ă  manches longues Ă  rayures bleues et blanches. Il est brun avec des cheveux un peu longs, il a un visage fin dans lequel on remarque des yeux d’un bleu intense. Il a un air rieur et sourit tout seul en faisant sa petite danse. Il s’arrĂȘte quand il arrive au bout de la place, se retourne et attend sa mĂšre qui arrive en tirant une petite trottinette en plastique avec, certainement, sa petite sƓur debout dessus. Il remonte sur sa trottinette prĂšs Ă  aller de l’avant mais il attend toujours. Il se remet Ă  danser en bougeant de plus en plus les fesses. Au fur et Ă  mesure que sa mĂšre et sa sƓur avance, on a vraiment le sentiment que ce jeu leur est adressĂ© et qu’il accentue de plus en plus ses mouvements. Les passants le regardent en riant et sa sƓur commence Ă  pouffer. Sa mĂšre lui crie quelque chose. Il s’arrĂȘte sans se retourner vers elles et repart trĂšs vite en chantant assez fort je montre mes fesses, je montre mes fesses ». Il rit et avance rapidement toujours en dansant. Il s’arrĂȘte Ă  nouveau assez loin de sa mĂšre et sa sƓur et reste debout de dos. On se dit qu’il va recommencer mais sa mĂšre a accĂ©lĂ©rĂ© le pas et est trĂšs proche. Il semble le sentir, descend de sa trottinette et attend sagement tout en souriant. Il a l’air trĂšs content. Il chantonne. Il grandit. 14 avril 2021 Une dame ĂągĂ©e dans le grand marchĂ© de la ville. Elle est trĂšs petite et voĂ»tĂ©e. Elle a des cheveux gris presque blancs qui portent la trace d’une ancienne mise en plis ou d’une permanente. Son visage est rond, on voit des rides autour de ses yeux bruns, elle porte un masque bleu. Elle est habillĂ©e d’une doudoune noire un peu longue et d’un pantalon gris comme un jogging qui n’aurait pas d’élastique aux chevilles. Elle a aux pieds des chaussures noires dans un tissu Ă©lastique tressĂ© qui nous semblent de qualitĂ© et dĂ©tonner dans la pauvretĂ© de sa tenue. On les apercevra plus tard dans la devanture d’une pharmacie, ce sont des chaussures orthopĂ©diques. Elle tire un chariot gris sur lequel elle s’appuie de temps en temps. Elle longe les Ă©tals des poissonniers en regardant par terre. Elle se penche, ramasse un brin de persil et tend le bras pour attraper un sac plastique. La poissonniĂšre lui demande de ne pas le toucher et lui en donne un. Elle met avec beaucoup de prĂ©caution le brin de persil dans le sac puis ouvre son chariot et le met dedans et repart. Elle continue Ă  regarder par terre. C’est certainement une glaneuse qui ramasse les produits jetĂ©s par les marchands et qui sont encore consommables. On pense qu’elle ne le fait pas par choix mais par nĂ©cessitĂ©. Dans ce moment oĂč on ne peut pas s’approcher des Ă©tals, on se demande comment elle peut atteindre les produits. On se demande comment elle peut se nourrir. Elle arpente les allĂ©es. Son chariot est presque vide et ne contient que le brin de persil. 13 avril 2021 On est assise Ă  une table sur la terrasse de toit d’un immeuble face Ă  un autre immeuble. La rue est Ă©troite alors les toits sont proches. Il est dix-neuf heures. On voit une fenĂȘtre de toit s’ouvrir, et un, deux, trois, jusqu’à sept jeunes gens en sortir grĂące Ă  une Ă©chelle et aller s’installer sur le faĂźte du toit, les jambes le long des tuiles. Ils sont bien alignĂ©s, ils ne bougent pas trop ou avec prudence, la plupart ont une canette de biĂšre Ă  la main ou leur tĂ©lĂ©phone portable. Ils sont tous habillĂ©s dans des couleurs assez sobres, deux ont des chapeaux. Il semble qu’il y ait quatre filles et deux garçons. Une fois assis, ils sont face Ă  nous et sont surpris de nous voir. On les salue de la main, en montrant notre thĂ©, ils nous saluent bruyamment avec leur biĂšre. Ils ont l’air parfaitement tranquilles. Ils parlent, rient, boivent, se font passer un sac de chips, se font Ă©couter de la musique, se font voir quelque chose sur leur portable, se montrent le soleil couchant sur la chaĂźne des Puys. C’est la maniĂšre qu’ils ont trouvĂ© pour rester ensemble aprĂšs le couvre-feu, mais en plein air. On trouve cela malin. Rassurant et drĂŽle. Comme une forme de vie Ă  eux malgrĂ© tout, sans s’enfermer. D’un coup, leur geste nous parle de libertĂ© et de lĂ©gĂšretĂ©. On imagine tous les jeunes gens de cette ville universitaire, alignĂ©s sur les faĂźtes des toits. Comme des moineaux. Ils nous ont fait beaucoup de bien. 12 avril 2021 Une femme et deux enfants sur le bord d’un boulevard d’une grande ville. On les remarque parce que le plus jeune enfant qui marche maladroitement est trĂšs prĂšs de la chaussĂ©e. Il sont Ă  l’angle du boulevard et d’une rue, il y a des objets qui semblent jetĂ©s lĂ  dont un grand matelas debout contre le mur. Les deux enfants sont encore petits. Ils ont deux et trois ans peut-ĂȘtre et sont habillĂ©s avec des habits trop grands et usĂ©s. Le plus grand n’a pas de chaussures. On ne peut savoir si ce sont des garçons ou des filles, leurs cheveux sont courts, bruns, ils ont des visages fins avec des grands yeux sombres. La mĂšre semble jeune, elle est habillĂ©e d’une robe brune assez longue, d’un gilet de laine grise Ă©pais, et est chaussĂ©e de baskets. Elle est chĂątain clair, coiffĂ©e d’une queue de cheval un peu lĂąche, elle ne porte pas de masque. Son visage est rond avec des yeux bruns et elle tĂ©lĂ©phone. Elle parle tout en surveillant ses enfants qu’elle ramĂšne de l’autre main, vers le matelas. Elle regarde le matelas de prĂšs, le touche, semble Ă©valuer son confort, discute en faisant de grands gestes et on comprend qu’elle le dĂ©crit Ă  quelqu’un peut-ĂȘtre pour pouvoir le rĂ©cupĂ©rer et le rĂ©utiliser. Elle raccroche et attrape ses enfants qu’elle fait asseoir d’autoritĂ© sur le matelas. Elle reste debout et semble surveiller autant les enfants que l’objet d’un Ɠil inquiet. Elle veille, l’air sĂ©rieux en jetant de temps en temps un coup d’Ɠil vers le boulevard guettant certainement quelqu’un. Les enfants s’amusent assis Ă  rebondir sur le matelas qui a l’air Ă©pais. Elle les regarde et sourit. 9 avril 2021 Un homme qui conduit une voiture, un chauffeur uber ». Il semble assez ĂągĂ©, d’une cinquantaine d’annĂ©es ce qui contraste avec la plupart des autres chauffeurs. Il est assez imposant et semble engoncĂ© dans son siĂšge auto, il est chauve avec quelques rares cheveux gris et porte un masque noir. Ses lunettes lĂ©gĂšrement fumĂ©es nous empĂȘche de bien voir ses yeux qui ont l’air sombres. On est Ă©tonnĂ©e de ne pas voir, comme d’habitude, le tĂ©lĂ©phone portable et l’application waze » en route. L’homme connait visiblement le chemin mais s’énerve vite dans les embouteillages inĂ©vitables dans ce quartier. Il engueule les autres conducteurs et nous dit que lui, il a eu son permis en deux jours. On s’étonne. Il nous raconte qu’il est un ancien militaire et qu’il a passĂ© son permis Ă  l’armĂ©e. Il nous fait la liste de tous les pays oĂč il a combattu. Et puis, il se met Ă  rĂąler contre une conductrice qui porte un hidjab. Ses propos flirtent avec le racisme et le sexisme mais il sent qu’il ne doit pas aller trop loin. On lui dit que comme tous les militaires, il a eu son permis dans une pochette surprise et comme il conduit mal, il engueule tous les autres conducteurs. On le dit sur le ton de la plaisanterie mais on le dit quand mĂȘme. Il est sciĂ© et puis il rit. C’était quelque chose qui se disait que les militaires et ceux qui avaient passĂ© leur permis Ă  l’étranger l’avait eu dans une pochette surprise ». Il le sait. Il finit par nous dire que lui, il est un des meilleurs chauffeurs uber » de la capitale et qu’on a un sacrĂ© caractĂšre, que c’est bien, une femme avec de la poigne ». Il essaie de reprendre la main. On sourit sans rien rĂ©pondre. Surtout pas. 8 avril 2021 Un homme d’une soixantaine d’annĂ©es dans un train. Il passe Ă  plusieurs reprises dans le couloir et finit par s’asseoir dans un ensemble de places en carrĂ©. Il se met le long des fenĂȘtres, un autre homme Ă©tait dĂ©jĂ  assis en face mais sur le siĂšge cĂŽtĂ© couloir. Il marmonne en s’asseyant et on comprend qu’il dit qu’il va se mettre lĂ  parce que c’est “une bonne place”. Pendant tout ce temps, il a son masque sous son nez. Le voyageur qui Ă©tait dĂ©jĂ  assis lĂšve les yeux de son ordinateur, le regarde longuement et se replonge dans son travail. Le contrĂŽleur arrive. Le monsieur lui tend son billet que le contrĂŽleur ne prend pas tout de suite car il contrĂŽle l’autre passager. L’homme lui tend brutalement son billet et le contrĂŽleur lui dit je contrĂŽlerais votre billet quand vous mettrez votre masque correctement, monsieur ». L’autre explose de colĂšre, le contrĂŽleur ne dit rien et attend. L’homme finit par mettre son masque sur le nez. Le contrĂŽleur part, l’homme le remet sous son nez et vitupĂšre sans cesse dans un dĂ©lire de plus en plus effrayant. L’autre voyageur lĂšve Ă  plusieurs reprises les yeux de son ordinateur, exaspĂ©rĂ©, et finit par lui demander, trĂšs poliment, de mettre son masque et de se taire. On dirait que cet homme attendait cela pour dĂ©verser un torrent de rĂ©criminations et d’inepties. Une logorrhĂ©e paranoĂŻaque qui est autant irritante qu’inquiĂ©tante. Un homme plus loin crie trĂšs fort ta gueule, maintenant, tu nous emmerdes». Et il se tait tout de suite. Comme s’il fallait cette violence verbale pour lui faire peur. Ou l’apaiser. Un homme perdu. Encore un. 7 avril 2021 Un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es dans un avion. Nous nous sommes cĂŽte Ă  cĂŽte donc trĂšs prĂšs. Nous portons des masques. Il est assez grand, assez fort et dĂ©borde un peu de son siĂšge. Chauve, on voit juste de lui des petits yeux bruns au dessus de son masque blanc. Pendant tout le temps de remplissage de l’avion, il ne bouge pas, ne lit pas, ne regarde pas son tĂ©lĂ©phone. On se dit qu’il est peut-ĂȘtre tĂ©tanisĂ© par la peur d’une trop grande proximitĂ©. De temps en temps, il regarde la place qui est restĂ©e libre prĂšs du hublot. Quand les portes de l’avion se ferme, la place est toujours libre mais il ne la prend pas alors que cela nous permettrait d’ĂȘtre Ă  distance. On attend un peu et puis on lui fait signe en lui montrant la place et en lui disant que, peut-ĂȘtre, il pourrait la prendre. Il ne semble pas comprendre et puis, d’un coup, il se dĂ©place en nous disant vous avez raison, vous aurez plus de place » comme si c’était la question. On le remercie. Quelques minutes plus tard, les hĂŽtesses font bouger tous les passagers quand c’est possible pour que les uns et les autres soient Ă  distance. Il regarde ces mouvements, et, tout Ă  coup, il semble comprendre, il touche son masque et se met Ă  se laver frĂ©nĂ©tiquement les mains au gel hydroalcoolique sorti de son sac. Comme si, pris par le vol, l’avion, il avait oubliĂ© la pandĂ©mie, les gestes barriĂšre », le masque et qu’il venait de s’en rappeler. Il se tourne vers nous et se tape la tempe avec deux doigts en secouant la tĂȘte. On lui sourit largement espĂ©rant qu’il pourra saisir notre expression. Il regarde par le hublot, on se plonge dans notre livre. 6 avril 2021 On est dans un taxi, ou plutĂŽt , un uber ». La course va ĂȘtre longue, on va Ă  l’aĂ©roport le plus Ă©loignĂ© de la grande ville. Le chauffeur n’est pas jeune, il a au moins une cinquantaine d’annĂ©es, quand il est sorti pour mettre notre valise dans le coffre, on a remarquĂ© qu’il Ă©tait petit et lourd, pas gros mais Ă©pais. Il dĂ©cide de prendre un itinĂ©raire qui nous surprend et dont on sait qu’il risque d’ĂȘtre embouteillĂ©, il nous explique qu’il est le roi des itinĂ©raires, qu’il y a des manifestations et qu’il sait ce qu’il fait. Il le fait poliment mais avec condescendance, on pense d’abord qu’il croit qu’on ne connait pas Paris et puis on comprend que c’est parce qu’on est une femme. Evidemment, on se retrouve dans des bouchons et il commence Ă  s’énerver contre une voiture qui roule assez lentement et finit par dire ça, c’est ou un arabe ou un noir ». On lui demande pourquoi il tient ses propos racistes, il est surpris par notre rĂ©action sĂ©rieuse, et bredouille que c’est vrai quoi, soit c’est eux et soit c’est une femme ». On lui rĂ©pond que c’est de mieux en mieux et on le prie de se taire. Un quart d’heure aprĂšs, il recommence dans les mĂȘmes termes, juste en riant un peu, et en disant je plaisante ». On lui redit qu’on ne plaisante pas, que ses propos sont insupportables et on lui fait comprendre qu’on va les signaler Ă  la plate-forme s’il continue. Il est stupĂ©fait. MĂȘme pas en colĂšre, stupĂ©fait. Il ne comprend pas notre fermetĂ©. Tout le long du parcours, il essaiera de nouer une complicitĂ© avec nous. On est polie mais on refuse tout rire, toute connivence. On quitte la voiture soulagĂ©e. AttristĂ©e, aussi. 5 avril 2021 Deux jeunes femmes, plutĂŽt deux jeunes filles, sur un toit. On est sur une terrasse et tout Ă  coup on voit apparaĂźtre sur le toit de la maison d’en face un peu en contrebas, deux jeunes femmes qui s’installent sur le faĂźte du toit tranquillement. L’un des deux tient un tĂ©lĂ©phone portable devant elles et visiblement, elles font un appel FaceTime avec quelqu’un. Celle qui tient le tĂ©lĂ©phone est plutĂŽt petite, elle semble ronde, elle porte des baskets blanches, des collants noirs, une robe bleu clair avec des bretelles comme une salopette et un tee-shirt noir. Elle est brune et ses cheveux sont attachĂ©s. L’autre a l’air plutĂŽt grande, blonde avec des cheveux qui sont cachĂ©s par un chapeau. Elle a un pantalon noir, des baskets blanches et un tee-shirt blanc. Elle est comme posĂ©e sur le faĂźte du toit, les jambes entiĂšrement Ă©tendues le long des tuiles et les deux bras sur les deux genoux. Elle fait penser Ă  une figure de Watteau, une figure de jeune homme placide qui regarde devant lui sans ciller. Pendant toute la conversation, qui dure bien depuis maintenant vingt minutes, elle n’a pas bougĂ© et elle a montrĂ© aucune expression, seule sa copine parle. A un moment donnĂ©, celle qui tient le tĂ©lĂ©phone Ă©clate de rire bruyamment et longuement, l’autre ne regarde pas le tĂ©lĂ©phone mais regarde sa compagne comme si elle Ă©tait Ă©tonnĂ©e. Et puis ça continue, elle a fait juste ce mouvement de tĂȘte. Comme un numĂ©ro de duettistes dont on ne sait s’il est rĂ©current. Un clown blanc et un Auguste. 31 mars 2021 Une dame d’une soixantaine d’annĂ©e est assise sur le rebord d’une fontaine au centre d’une place. C’est une belle place du quartier chic sur la presqu’üle d’une grande ville. Les bĂątiments autour sont beaux, la fontaine ancienne coule. Quand on est assis, on n’entend presque pas le bruit de la ville, seulement le bruit de l’eau. Elle a devant elle un panier Ă  courses Ă  roulettes gris, elle porte une longue doudoune rouge, un pantalon noir et des baskets noires Ă©largies et affaissĂ©es. Elle a un visage rond et rouge, comme gonflĂ©, ce qui est accentuĂ© par ses cheveux trĂšs courts, gris. Quand on la voit on pense Ă  quelqu’un de malade. On pense Ă  l’alcool aussi. Ses yeux sont comme enfoncĂ©s dans la chair. Ce qui est Ă©tonnant est qu’elle a des sourcils trĂšs Ă©pilĂ©s, dessinĂ©s, qui partent de chaque cĂŽtĂ© en une ligne fine qui descend sur les tempes. Comme une coquetterie qui serait restĂ©e. Elle semble assise trĂšs lourdement et on voit que ses jambes sont enflĂ©es. On a le sentiment qu’elle ne peut plus se relever. Quand on repasse une bonne heure plus tard, elle est toujours lĂ  et elle nous fait coucou de la main. On ne sait si elle attend quelqu’un, si elle se repose, ou si elle passe ses journĂ©es lĂ , au soleil, Ă  Ă©couter l’eau. Ou si elle n’a nulle part oĂč aller. 30 mars 2021 Une jeune femme Ă  l’accueil d’un hĂŽtel au centre d’une grande ville. Elle est assise derriĂšre son comptoir en bois, sĂ©parĂ©e des clients par une grande vitre. On ne l’a jamais vue debout mais on pense qu’elle est petite et assez fluette. Elle a un visage tout Ă  fait rond avec des yeux bridĂ©s trĂšs noirs, un petit nez certainement et des cheveux noirs, raides ramenĂ©s en queue de cheval. Son visage est toujours cachĂ© par un masque bleu mĂȘme derriĂšre la grande vitre. Elle porte un T-shirt blanc et une veste verte en laine assez Ă©paisse. Quand on revient le soir, elle a mis une Ă©charpe colorĂ©e autour du cou. Elle ne parle pas tout Ă  fait bien le français et quand on lui pose une question qui sort des questions habituelles, elle nous fait rĂ©pĂ©ter deux fois et va chercher son tĂ©lĂ©phone pour nous montrer la rĂ©ponse plutĂŽt que de la dire. Elle est seule Ă  l’accueil de cet hĂŽtel. On s’étonne car on n’aura vu qu’elle, l’aprĂšs-midi, le soir et le lendemain. On se demande si elle a dormi lĂ  et quand on part le lendemain matin, on se rend compte qu’elle a l’air fatiguĂ© et qu’elle a Ă  cĂŽtĂ© d’elle un grand mug de cafĂ©. On se dit qu’en fait, elle travaille seule dans cet hĂŽtel semi dĂ©sertĂ© et qu’elle fait tout 24 heures sur 24. Peut-ĂȘtre qu’elle n’a mĂȘme pas de chez elle et que, comme dans les tous petits hĂŽtels, elle vit sur place. C’est Ă©trange dans ce boutique-hĂŽtel qui n’est pas un palace mais qui est plutĂŽt chic. Dans cette ambiance bobo, on l’imagine la nuit dormant sur le canapĂ© aux coussins gris avec une couverture ou un sac de couchage comme ceux qui dorment dehors, juste de l’autre cĂŽtĂ© de la vitrine. 22 mars 2021 Il faut partir une semaine. Ce serait comme une respiration, un ailleurs regardĂ© ou plutĂŽt revu. Retourner sur ses pas comme pour les compter. Essayer de le faire bien. Et puis revenir et reprendre. 19 mars 2021 Une femme qui tient une brocante dans une rue passante d’un petit village. Elle semble avoir autour de soixante-dix ans. De taille moyenne, on l’a connue ronde, elle est aujourd’hui assez mince. Elle porte des baskets de tissus blanc, un jean, un tee-shirt en lin blanc et un gilet ample en coton gris. Elle est dĂ©contractĂ©e mais trĂšs Ă©lĂ©gante. Ses cheveux sont gris avec des restes de blondeur et sont coiffĂ©s en un chignon simple. Elle a un trĂšs beau visage ovale avec des pommettes hautes, un nez fin et droit, des yeux bleus et une bouche fine. Elle n’est pas du tout maquillĂ©e et portent quelques bijoux qui mĂ©langent savamment des beaux bijoux anciens et des jolis babioles. Son visage s’éclaire dĂšs que quelqu’un entre dans sa boutique. Elle est trĂšs avenante, toujours rieuse et attentionnĂ©e. Pourtant, on sent en permanence une tension dans son regard. Alors qu’elle plaisante avec des connaissances Ă  l’entrĂ©e de son magasin, elle guette ce qui se passe Ă  l’intĂ©rieur de la boutique. Ses amis ne vont rien acheter, elle le sait, alors elle Ă©courte la conversation mais quand on Ă©voque la chute des affaires et le peu de clients, elle se remet Ă  parler avec passion et oublie les clients qui ressortent. Elle fait comme un geste de la main pour les retenir et puis elle poursuit sa conversation. Cette femme qui a passĂ© des annĂ©es dans cette boutique, aime particuliĂšrement parler, prĂ©senter, expliquer, vendre. On sent que la solitude dans ce magasin lui pĂšse, comme si elle Ă©tait coupĂ©e d’une part d’elle-mĂȘme. La situation s’inverse, ses amis ont envie d’aller poursuivre leur marchĂ©, et c’est elle qui les retient. Quand ils s’en vont, elles les regardent partir. Quand ils repassent, ils l’aperçoivent assise devant son petit bureau, elle attend. 18 mars 2021 Une femme d’une trentaine d’annĂ©es ou un peu plus, il y a quarante ans. Dans la cour d’une grande maison, il y avait de nombreuses personnes qui parlaient entre elles, certaines avec un micro. C’était Ă  la fois un lieu de dĂ©bats et un lieu de rencontres autour d’Ɠuvres d’art dont certaines Ă©taient montrĂ©es un peu plus loin ou dans la ville plus bas. La femme est arrivĂ©e et a marchĂ© lentement Ă  la pĂ©riphĂ©rie du cercle de lumiĂšre oĂč elle est entrĂ©e d’un coup. Elle semblait grande, avec des formes fĂ©minines trĂšs soulignĂ©es. Elle Ă©tait perchĂ©e sur des hauts talons aiguilles noirs, les jambes Ă©taient nues, puis elle portait une robe noire qui lui descendait en plis aux genoux et qui Ă©tait cintrĂ©e par une large ceinture en cuir noir, ce qui mettait sa taille et sa poitrine en valeur. Le haut de la robe Ă©tait Ă  manches courtes avec un col lĂ©gĂšrement Ă©vasĂ© sur les Ă©paules. Le cou Ă©tait fort, trĂšs droit et la tĂȘte dĂ©gageait un sentiment de puissance. Ses cheveux noirs Ă©taient coupĂ©s trĂšs courts, on n’avait jamais vu de femme coiffĂ©e comme cela Ă  cette Ă©poque-lĂ . Le visage Ă©tait ovale avec des grands yeux noirs en amande presque globuleux, un nez fort un peu aquilin et une large bouche aux lĂšvres Ă©paisses. Elle Ă©tait trĂšs maquillĂ©e, avec un fond de teint clair, un rouge Ă  lĂšvres rouge et des yeux soulignĂ©s avec un eye-liner noir. Au milieu des autres femmes qui Ă©taient pour la plupart sans maquillage, habillĂ©es de vĂȘtements amples, de jean, de sabots, marquĂ©es par les derniers temps des baba-cool », elle dĂ©notait complĂštement et il y avait un moment de stupeur quand elle approchait. Ce sentiment de quelque chose de fictionnel voire d’un moment cinĂ©matographique, Ă©tait accentuĂ© par le chien, immense, qu’elle tenait en laisse. Un dogue allemand gris et son collier Ă©trangleur. On s’est dit une femme forte, puis une femme qui veut ĂȘtre forte. Comme la mise en scĂšne d’une apparition. Et quand elle a voulu disparaĂźtre, c’était presque comme si elle n’avait jamais Ă©tĂ© lĂ . Un sentiment d’injustice. 17 mars 2021 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©es derriĂšre un comptoir. Son Ă©tal de volailles semble tout petit mais il communique avec la grande boucherie qui est Ă  cĂŽtĂ© et on comprend que c’est la mĂȘme maison. Elle semble de taille et de corpulence moyennes. On voit qu’elle porte un gros pull rouille Ă  col roulĂ© et un tablier bleu, et que par dessus, elle a un gilet Ă©pais, beige, ouvert, Ă  grosses mailles et gros boutons de bois. Elle a une Ă©charpe blanche et noire autour du cou, un masque, des yeux noirs assez maquillĂ©s, des cheveux auburn avec une grande frange et une queue de cheval plutĂŽt basse. On voit qu’elle a enlevĂ© la chapka gris-vert qu’elle a souvent sur la tĂȘte et qui est posĂ©e Ă  cĂŽtĂ© de la balance. On se dit que le matin, il doit faire trĂšs froid et qu’elle se dĂ©couvre petit Ă  petit mĂȘme si, dans ce marchĂ© couvert sans soleil, il ne fait jamais chaud sauf pendant le plein Ă©tĂ©. Elle vous sert et prĂ©pare ses volailles avec beaucoup d’attention et de mĂ©tier. A un moment donnĂ©, elle entend les deux jeunes bouchers discuter de quel morceau de viande choisir pour une commande. Elle quitte un instant son Ă©tal pour entrer cĂŽtĂ© boucherie et leur dit tout bas une phrase. L’un se remet Ă  servir, l’autre va dans la chambre froide. En l’absence du patron, c’est elle qui commande. C’est sa fille. 16 mars 2021 Un homme ĂągĂ© qui marche dans son grand potager. Il n’est pas trĂšs grand, assez gros, lourd. C’est l’étĂ©. Il est habillĂ© d’un marcel blanc, d’une salopette de travail bleue et de chaussures de jardin en caoutchouc vertes. A la taille, il a une drĂŽle ceinture en tissu et Ă©lastique qui a l’air bricolĂ©e, sur laquelle sont attachĂ©s des bouts de tuyaux en plastique, comme des fragments de canalisations d’eau sciĂ©es et tenues Ă  la ceinture par des bouts de ficelles. Dans chacun de ses tronçons de tuyaux sont enfilĂ©s des outils de jardin, une serpette, une binette, un sĂ©cateur, 
 Il a tous ses outils autour de lui Ă  portĂ©e de main. On pense que c’est Ă  la fois malin et trĂšs incongru. Tous les outils sont peints en rouge. Il nous avait expliquĂ© que c’était pour les voir mieux dans le jardin s’ils tombaient. Il avait les cheveux gris coiffĂ©s en arriĂšre, un visage plutĂŽt long mais Ă©paissi, avec des grand yeux en amande brun vert, des lunettes en Ă©caille plutĂŽt rectangulaires et massives, un nez fort et une bouche assez large et une petite cicatrice sur le menton. Il sue Ă  grosses gouttes en travaillant dans le jardin et il sort rĂ©guliĂšrement un mouchoir en tissu de sa poche pour s’essuyer. Souvent, il porte une casquette en toile beige. Il boite et on avait pu apercevoir parfois sur la mĂȘme jambe le trou fait par une balle et la longue cicatrice aprĂšs un accident qui lui avait dĂ©finitivement abĂźmĂ© le genou. Cette boiterie qui ne lui demande pas encore de canne, semble faire partie de lui et donne quelque chose de fragile Ă  celui qu’on devinait comme quelqu’un d’une grande force. Comme le coin d’une blessure secrĂšte et ancienne fichĂ©e dans le corps. 15 mars 2021 Un homme qui doit avoir une cinquantaine d’annĂ©es. Il est difficile de savoir exactement quel est son Ăąge car ses cheveux bruns sans cheveux blancs lui donnent un air plus jeune. Il est plutĂŽt petit, mince avec une tĂȘte trĂšs ronde. Il a un teint mat et des yeux noirs, perçants, un nez fin et droit. On remarque qu’il a gardĂ© un petite canine de lait qui vient se superposer Ă  sa dentition. Il est habillĂ© d’un jean, de chaussettes vert pomme, de chaussures comme des mocassins trĂšs souples en cuir fauve qui laissent apparaĂźtre ses chaussettes, et en haut il a une chemise Ă  petits carreaux et un gilet bleu foncĂ©. Une certaine Ă©lĂ©gance avec une touche d’excentricitĂ©. Il est anglais. Il est direct et sympathique faisant souvent des plaisanteries caustiques trĂšs drĂŽles. Il est Ă  l’aise partout. On le surprend Ă  plusieurs reprises Ă  jeter un regard trĂšs aigu sur les personnes prĂ©sentes comme s’il voulait comprendre ce qui se passe entre elles. Il le fait sans inquiĂ©tude mais on a la sensation qu’il veut entendre tout ce qui se dit et, sans ĂȘtre au centre des conversations, avoir une forme de maĂźtrise de ce qui se passe entre les gens. Peut-ĂȘtre a-t-il pris cette habitude quand il est arrivĂ© en France et qu’il a dĂ» se concentrer pour comprendre les conversations. Pourtant on se dit que cela correspond bien Ă  son regard, Ă  cette forme de contradiction que l’on sent entre son sourire, sa drĂŽlerie so british », sa faconde et une forme de duretĂ© dans les yeux. Son regard est comme en retrait. Comme lui certainement mĂȘme s’il ne nous le montre pas. Cela nous fait penser Ă  certains enfants qui ne jouent pas avec les autres et observent. Quelque chose d’ancien qui affleure. 12 mars 2021 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©es entre dans une boucherie. Elle est de taille moyenne, mince et porte un long manteau noir trĂšs simple avec un col montant mao » qui semble bien coupĂ© et Ă©lĂ©gant. On aperçoit des petites bottines noires plates et un pantalon gris un peu court. Elle porte un masque gris, des lunettes entiĂšrement transparentes, rondes, sans monture et ses cheveux blancs sont coupĂ©s trĂšs courts. Quand elle arrive, sans mĂȘme qu’elle ait dit un mot, la bouchĂšre qui tient la caisse, demande Ă  son mari si la commande de Madame ElĂ©onore » est prĂȘte. La femme dit d’abord bonjour madame » Ă  la bouchĂšre, puis bonjour messieurs » aux deux bouchers, le pĂšre et le fils, puis nous dit bonjour madame ». Elle l’a fait chaque fois avec un petit hochement de tĂȘte dans nos directions d’une voix douce et posĂ©e. Le boucher lui explique qu’il n’a pas exactement ce qu’elle lui a demandĂ© et lui propose d’autres morceaux. Elle se dĂ©place alors lentement et lui demande de voir les morceaux proposĂ©s. Elle les regarde et commence avec le boucher une longue discussion trĂšs technique sur les qualitĂ©s des diffĂ©rents morceaux par rapport au mode de cuisson qu’elle veut faire. Ils tombent d’accord et le boucher se met Ă  prĂ©parer la viande. C’est un trĂšs bon technicien qui travaille toujours les viandes que vous achetez, mais lĂ , on voit qu’il fait particuliĂšrement attention. Elle attend, paie, remercie et dit au revoir Ă  chacun. La bouchĂšre quand elle est partie se tourne vers son mari et dit quelle classe ». Il lui rĂ©pond en se tournant vers nous cette dame connait vraiment trĂšs bien la viande ! ». Il a l’air heureux de l’avoir servie et revient sur terre avec notre demande qui doit lui paraĂźtre bien simple. 11 mars 2021 Une dame trĂšs ĂągĂ©e assise dans une salle d’attente d’un grand hĂŽpital. Elle est assise trĂšs droite sur sa chaise et elle tient entre ses deux genoux et avec ses deux mains, sa canne anglaise. Comme elle est toute petite, ses pieds touchent Ă  peine par terre. Elle porte des chaussures noires qui ont la forme de charentaises mais plus fines et en velours. Elle est vĂȘtue d’une trĂšs longue jupe noire avec des motifs de petites fleurs blanches et par-dessus un gilet de laine blanc avec des motifs gĂ©omĂ©triques bordeaux. Elle est coiffĂ©e d’un foulard de couleur bleu clair qui lui entoure la tĂȘte et dont les deux pans se croisent sur sa poitrine et sont coincĂ©s dans sa jupe qui monte haut. Son visage est entiĂšrement mangĂ© par son masque bleu et des lunettes simples en Ă©caille. Le front est cachĂ© par un foulard noir trĂšs serrĂ©, comme si elle portait un hidjab noir sous son foulard bleu. On voit que son Ɠil droit est presque fermĂ© et certainement elle ne voit plus avec. Pendant toute l’attente, elle ne bouge pas, elle ne regarde jamais l’homme qui l’accompagne, son mari ou son grand fils. Elle s’est assise tout de suite sur la premiĂšre chaise, seule, loin de cet homme et elle fixe la porte du mĂ©decin. RĂ©guliĂšrement, elle serre la canne anglaise avec ses mains. Elle a peur. Quand le mĂ©decin vient et appelle quelqu’un d’autre, on voit qu’elle est comme soulagĂ©e. Quand c’est son tour, elle avance doucement, tĂȘte baissĂ©e et d’un geste vif refuse l’aide de l’homme qui la suit. Comme si elle avait besoin d’y aller seule pour se donner du courage. 10 mars 2021 Une salle d’attente dans un hĂŽpital. L’ambiance est calme pour ces simples consultations non urgentes. Un homme et une femme arrivent. On remarque leur diffĂ©rence d’ñge et on pense tout de suite Ă  une mĂšre et son fils dĂ©jĂ  ĂągĂ© d’une quarantaine d’annĂ©es. Ils sont tous les deux obĂšses et tombent littĂ©ralement sur leur chaise en soufflant. Il a entre les mains un document Ă  remplir pour le secrĂ©tariat mĂ©dical, elle essaie de le lui arracher des mains en disant mais donne ! ». Il dĂ©tourne le document pour l’empĂȘcher de l’atteindre et continue de le lire. Elle crie presque Christophe ! ». Il sourit, nous sourit et lui dit je remplis ce papier ». Il a l’air d’ĂȘtre habituĂ© Ă  ce comportement de sa mĂšre qui fait comme s’il Ă©tait un adolescent immature. Elle enlĂšve son masque pour fouiller son sac et lui baisse le sien pour emplir le dossier. On leur fait remarquer qu’il faut qu’ils mettent leur masque, lui le fait mais elle explique qu’elle ne doit plus le faire parce qu’elle est vaccinĂ©e ce qui provoque une discussion avec les autres patients prĂ©sents qui lui disent tous qu’il faut qu’elle mette un masque quand mĂȘme. Le fils semble trĂšs heureux de pouvoir se liguer avec tous, ou quasiment, contre sa mĂšre. Il en rajoute. Etonnement, elle a l’air de se complaire dans cette situation et on sent qu’en fait cela les rend complices. Quand le mĂ©decin arrive et dit son prĂ©nom et son nom Ă  lui, elle se lĂšve prĂ©cipitamment et difficilement et dit on est lĂ  ». Tout est dit. 9 mars 2021 Un vaste hall d’exposition qui sert pour les foires et qui est entiĂšrement vide mais dont le bĂątiment administratif et de rĂ©ception est transformĂ© en espace de vaccination. Une dame d’une cinquantaine d’annĂ©es est assise sur une chaise en plastique comme beaucoup d’autres avec une distance de deux mĂštres entre chaque chaise. C’est la salle de repos. Tous vaccinĂ©s attendent une demi-heure lĂ  pour s’assurer que tout va bien. Elle porte des baskets en cuir blanc, un legging bleu, un grand pull gris clair avec un large col et elle a posĂ© sur ses genoux une petite doudoune bleu clair. Elle semble plutĂŽt ronde, elle est masquĂ©e et a un vĂ©ritable casque de cheveux roux avec un carrĂ© long et une frange. Elle est sans cesse en train de regarder les personnes qui arrivent et reconnaĂźt un homme de son Ăąge qu’elle appelle et qui trouve une chaise prĂšs d’elle. Ils se mettent Ă  parler, puis elle interpelle encore un autre homme, puis une femme et ils finissent tous par se regrouper chacun sur leur chaise. C’est drĂŽle parce qu’ils plaisantent, s’interpellent, rient, exactement comme s’il Ă©taient au cafĂ©, en faisant beaucoup de bruit, en parlant fort, heureux de se retrouver lĂ  ensemble. On sent aussi dans cette gaietĂ©, un soulagement. L’un d’entre eux Ă  un moment donnĂ© finit par lĂącher et bien si on m’avait dit que je serais si heureux d’avoir un piqĂ»re
 » et la femme Ă  cĂŽtĂ© de lui, se tourne vers les autres c’est qu’il a la phobie des piqĂ»res depuis qu’il est petit ! ». Les autres recommencent Ă  plaisanter, se moquent de lui mais une Ă©motion palpable les a traversĂ©s. Comme un dĂ©but de la fin de la peur. 8 mars 2021 Une place de marchĂ© dans une grande ville. Le bar-restaurant est fermĂ©, bien entendu, mais il fait traiteur et des cafĂ©s. De nombreuses personnes viennent prendre un plat, surtout des habituĂ©s, d’autres juste un cafĂ© et il leur est demandĂ© de ne pas s’attrouper pour le boire. On s’éloigne et on s’adosse Ă  des barriĂšres mĂ©talliques qui empĂȘchent de s’asseoir sur le banc et de se servir des jardiniĂšres des grands arbres comme tables hautes. Pourtant, on voit le long du pot, une pissaladiĂšre et un paquet avec des beignets. Pendant qu’on boit notre cafĂ©, un homme d’une quarantaine d’annĂ©es arrive et nous dit sur le ton de la plaisanterie alors, on mange mon dĂ©jeuner ? ». On comprend qu’il parle de la pissaladiĂšre et des beignets et on fait le geste de se pousser mais il nous dit de ne pas bouger qu’il repassera les prendre. Il est hĂ©lĂ© par une jeune femme brune et va vers elle en plaisantant dĂ©jĂ . On le voit allant des uns aux autres, galĂ©jant », riant, interpellant, discutant. Il est habillĂ© en jean, il a des Converse » aux pieds et a un tĂȘte toute ronde surmontĂ©e de cheveux frisĂ©s gris. Il porte le masque sur le menton comme beaucoup qui boivent, fument et mangent mĂȘme si lui parle seulement. Il revient et nous rĂ©-aborde. Il voit bien que l’on remet notre masque Ă  son approche. On pense que cela l’amuse et qu’il va nous faire bouh » comme on fait peur Ă  un enfant. Il nous agace mais on se dit que pour lui, ne plus pouvoir prendre un cafĂ© avec ses amis, ses connaissances, au bar cela doit ĂȘtre terrible. C’est lĂ  qu’est son espace de vie et de ses rencontres quotidiennes et il lui est enlevĂ©. Alors il papillonne bravement. 5 mars 2021 Sur le bord d’une route assez passante, un magasin et sa production artisanale de cĂ©ramiques et de carrelages. On s’arrĂȘte et on va voir. Le magasin semble complĂštement vide. On croise deux clients et puis enfin, un homme d’une quarantaine d’annĂ©es qui visiblement travaille-lĂ  et parle avec un client. On est seuls au centre de l’espace, au milieu de centaines de terres-cuites et carrelages de grande qualitĂ© quand un vieux monsieur s’avance vers nous. Au dĂ©part, on ne sait pas s’il travaille-lĂ , notamment parce qu’il semble trĂšs ĂągĂ© et qu’il hĂ©site Ă  nous aborder. Il est de taille moyenne, mince et lĂ©gĂšrement voĂ»tĂ©, il marche trĂšs lentement et Ă  petits pas en traĂźnant un peu des pieds. Il porte des chaussures ou des chaussons en tissu molletonnĂ© mais qui ont la forme d’une espadrille, puis un jean et un pull un peu large qui semble en coton, bleu clair, une veste en tissu avec un petit col qui fait penser aux vestes d’ouvrier. Il est masquĂ© et on distingue juste ses yeux bruns et ses cheveux blancs assez longs. Il finit par nous demander ce qu’on veut et quand on lui explique nos hĂ©sitations, il tranche tout de suite et nous dĂ©signe ce qu’il faut qu’on prenne. A la maniĂšre dont il nous parle, on devine qu’il n’est pas habituĂ© Ă  ce rĂŽle lĂ , Ă  s’occuper des clients, Ă  les aider Ă  choisir, Ă  leur donner des explications, Ă  les Ă©couter patiemment. On le regarde s’éloigner et, Ă  la maniĂšre dont il regarde et dont il touche les carreaux, on se dit qu’en fait ce doit ĂȘtre le patron historique de cette fabrique ancienne de cĂ©ramiques. Peut-ĂȘtre, ne travaille-t-il plus vraiment mais il vient lĂ  sentir l’odeur de la terre, traĂźner dans les ateliers, regarder ce qui sort des fours, et mĂȘme, mettre la main Ă  la pĂąte. LĂ , tous les jours depuis toujours. 4 mars 2021 Un petit village dans le sud de la France. Il est trĂšs prĂ©servĂ© avec son chĂąteau, son Ă©glise, ses passages couverts, ses portes anciennes, son jardin Ă  la française et sa riviĂšre dont le bruit est prĂ©sent partout. PrĂšs de cette riviĂšre, en contrebas du chĂąteau, quelques maisons et un jardin clos. Ce n’est qu’en hauteur qu’on peut voir ce qu’il y a l’intĂ©rieur de ce petit espace ceint de murs et d’un haut et large portail en bois plein et vert. On peut voir Ă  l’intĂ©rieur un petit appentis ouvert, recouvert de tuiles et un peu de guingois, une Ă©chelle rose, un fauteuil de jardin vert pomme, recouvert de coussins orange, un bout de fausse pelouse, des multiples pots suspendus par des filets en macramĂ©, des cuvettes roses et violettes, une petite table jaune, un fauteuil en osier peint en orange, un tabouret haut rose, un autre Ă©chelle mauve et sur chaque barreau sont accrochĂ©s plusieurs pots de toutes les couleurs. Il n’y a pas une seule vraie plante. On en oublie certainement car ce qu’on dĂ©couvre ensuite ce sont deux mannequins ou grande poupĂ©es qui semblent d’une taille adulte. L’une, fĂ©minine, est assise Ă  une table, elle est toute ronde avec un chapeau blanc, une robe Ă  smocks rose et lui est debout accrochĂ© Ă  la clĂŽture, en frac et avec un haut de forme. Au milieu de ce village de pierre dorĂ©e et de fontaines moussues, cette mise en scĂšne grotesque est grinçante. Comme une bordĂ©e d’injures dans un dĂźner chic. Pourtant, cette fausse enfance caricaturĂ©e ne fait pas sourire et nous laisse avec le sentiment d’un malaise diffus. 3 mars 2021 Une grande jardinerie Ă  la pĂ©riphĂ©rie d’une grande ville. Au-delĂ  des serres, il y a un vaste espace extĂ©rieur avec des allĂ©es d’arbres, de grandes plantes, de rosiers, de tout ce qui ne craint pas le froid trĂšs relatif de ce bord de mer. Une dame d’une soixantaine d’annĂ©es marche lentement, regardant certaines plantes mais on ne comprend pas bien ce qu’elle cherche car elle passe d’une allĂ©e Ă  l’autre, d’une plante Ă  un arbre fruitier, puis aux oliviers, et elle revient vers les lauriers oĂč vous ĂȘtes depuis un moment. Elle vous dit combien c’est difficile pour elle de choisir quelque chose. Que la semaine prĂ©cĂ©dente, elle a achetĂ© un abricotier mais qu’elle sait bien qu’il faudra des annĂ©es pour avoir des fruits, qu’elle ne se fait pas d’illusion, alors elle est revenue, voir ce qu’elle pourrait prendre d’autre. On remarque qu’elle est entiĂšrement habillĂ©e en blanc, baskets en cuir, pantalon en jersey, doudoune sont immaculĂ©s. C’est surprenant car avec la terre qu’il y a partout et notamment sur les pots, c’est un lieu oĂč l’on se salit facilement. Elle n’a aucune tĂąche et porte juste un minuscule petit pot en plastique avec dedans une pensĂ©e blanche. Elle s’éloigne dans les allĂ©es portant prĂ©cautionneusement son petit pot comme un objet prĂ©cieux. Cette forme blanche qui se dĂ©place doucement de maniĂšre un peu hasardeuse dans la jardinerie Ă©voque une forme errante, flottante. Une hallucination, qui nous fait la chercher pour bien vĂ©rifier que cette rencontre a eu lieu. 2 mars 2021 Un petit village dans un arriĂšre pays du sud de la France. Le village est construit autour de la route principale qui est bordĂ©e par des maisons d’un Ă©tage. La plupart sont anciennes avec une large porte cochĂšre fermĂ©e par une imposante porte Ă  double battant en bois. Devant l’une de ces portes, ouverte, un homme trĂšs ĂągĂ©. On peut voir Ă  l’intĂ©rieur un vaste atelier avec des tables, un petit tracteur, des outils, des dames-jeannes, et devant, mordant sur le trottoir assez large Ă  cet endroit, un Ă©tabli. Dessus un enchevĂȘtrement de planches de bois et d’outils. Le vieux monsieur bouge lentement autour de l’établi, touche parfois un objet sans que l’on puisse comprendre ce qu’il fait. Il est habillĂ© d’un pantalon vert de travail qui tient avec des bretelles sur un tee-shirt Ă  manches longues gris, un peu large. Aux pieds, il porte des souliers de jardin en plastique noir. Il est un peu voĂ»tĂ©, on ne distingue pas bien son visage qui n’est pas masquĂ© et il a des cheveux blancs, courts sous une casquette en laine grise. On a le sentiment, qu’il ne fait pas vraiment quelque chose mais qu’il bricole doucement ou qu’il range. On se dit qu’il a gardĂ© cette habitude de bricoler lĂ , au milieu de la rue oĂč tous devaient travailler, vaquer, vendre, s’assoir pour se reposer ou parler. Ces moments oĂč la rue Ă©tait l’espace de vie. Dans le va-et-vient des voitures et des passants masquĂ©s, il semble ne pas s’apercevoir qu’il est seul. Il poursuit son travail, et mĂȘme s’il est trop ĂągĂ© pour rĂ©ellement faire, peu importe. Il est lĂ . 1 mars 2021 Une femme sur la place du marchĂ© du vieux quartier d’une grande ville du bord de mer. On ne sait quel Ăąge lui donner en la voyant marcher de loin, elle paraĂźt grande et trĂšs mince. Elle a des cheveux noirs, longs, coiffĂ©s savamment en arriĂšre. Son visage est triangulaire avec un menton pointu, un petit nez droit. Ses yeux sont invisibles derriĂšre des grandes lunettes de soleil et sa bouche est cachĂ©e par son masque. Elle est habillĂ©e d’une petite veste noire avec un unique bouton dorĂ© pour la fermer. Dessous, elle porte un haut blanc qui semble trĂšs simple. Puis, un jean usagĂ© certainement volontairement blanchi, trĂšs serrĂ©, et elle est chaussĂ©e de bottines noires pointues qui arrivent juste au-dessus de la cheville et qui sont trĂšs hautes avec des talons noirs trĂšs, trĂšs, fins. Elle n’est pas grande mais de loin, avec ses talons, elle le paraissait. Elle doit avoir autour de quarante ans, peut-ĂȘtre un peu moins, peut-ĂȘtre un peu plus, mais le masque rend difficile de le savoir et sa silhouette est juvĂ©nile. On l’a remarquĂ©e Ă  sa dĂ©marche. Elle marche comme si elle Ă©tait sur une ligne droite sans bouger les hanches, exactement comme un mannequin. C’est Ă©trange au milieu des gens qui vont et qui viennent, des vĂ©los, des scooters, des cris, des enfants qui courent. OĂč qu’elle soit, elle marche sur un Ă©ternel podium. Dans la maĂźtrise infinie de son rapport Ă  l’espace et au sol, elle flotte avec application. 22 fĂ©vrier 2021 On dirait que ce serait les vacances. On ferait comme si. Presque comme un jeu. Comme on s’allonge au soleil et on ferme les yeux. 20 fĂ©vrier 2021 Une dame d’une soixantaine d’annĂ©es avec son chariot Ă  provisions. Elle est petite et marche Ă  tous petits pas. Elle est chaussĂ©e de courtes bottines vernies noires avec un petit talon carrĂ©, d’un pantalon noir Ă  pattes d’élĂ©phant, d’un chemisier blanc rentrĂ© dans le pantalon, d’une large ceinture en cuir noir avec une grosse boucle, d’un gilet noir avec des boutons dorĂ©s et d’un manteau noir, assez court, restĂ© ouvert. Autour du cou, elle a un foulard blanc Ă  motifs bruns et de multiples chaines en or ou dorĂ©es. Elle est masquĂ©e. Elle porte des lunettes de soleil rondes, assez grandes et on voit de lourdes boucles d’oreilles dorĂ©es qui tombent assez bas dans son cou et sur son foulard. Elle est menue et sa tĂȘte semble petite coiffĂ©e d’un vĂ©ritable casque de cheveux. Ils sont teints en blond platine et sont artificiellement bouclĂ©s mais pas frisĂ©s. Ils sont littĂ©ralement montĂ©s en Ă©paisseur de maniĂšre Ă  former une large boule autour de sa tĂȘte qui tient visiblement grĂące Ă  de la laque. Quand elle remue, ses cheveux ne bougent pas du tout et on voit qu’en surface, ils semblent mĂȘme un peu Ă©crasĂ©s. On pense qu’elle porte peut-ĂȘtre une perruque mais en la regardant mieux, il ne nous semble pas. On a le sentiment que cette masse de cheveux impeccablement bĂątie est trop lourde pour sa tĂȘte et son corps. On a le souvenir d’images de magazine des annĂ©es soixante-dix avec ce type de coiffure comme un Ă©chafaudage Ă  la fois pesant et fragile. On se dit que cette dame a gardĂ© sa coiffure d’alors, sans en bouger, comme une fidĂ©litĂ© Ă  ces moments-lĂ . Une forme de libertĂ©, peut-ĂȘtre. 19 fĂ©vrier 2021 Une femme d’environ soixante-dix ans, ou mĂȘme plus, dans une rue des beaux quartiers d’une grande ville du bord de mer. Elle n’est pas grande, mince et d’une rare Ă©lĂ©gance. Elle porte des chaussures Richelieu » plates, bordeaux, des collants opaques, prune, une jupe sous les genoux et assez Ă©troite d’un rouge sombre, une veste matelassĂ©e bordeaux, un foulard grenat et un bonnet prune dont dĂ©passent quelque cheveux blancs coupĂ©s courts. Elle est donc entiĂšrement habillĂ©e en une gamme de rouge dont aucun n’est un rouge vif mais qui vont du prune, le plus brun, au grenat. Les passants se retournent sur son passage. D’abord on voit un peu d’amusement dans leurs yeux avec ce cĂŽtĂ© inĂ©vitablement petit chaperon rouge » et puis, trĂšs vite, de l’admiration car c’est extrĂȘmement bien fait pour que justement cela ne soit pas d’une uniformitĂ© clinquante. On pense que cette dame doit prendre beaucoup de soin Ă  choisir les habits qu’elle achĂšte, puis Ă  composer ses tenues. On imagine les habits prĂ©parĂ©s sur un lit ou un valet de chambre pour qu’elle puisse vĂ©rifier que les accords sont parfaits. Ni trop, ni pas assez. On imagine qu’elle a la possibilitĂ© comme cela suivant le temps et l’humeur de s’habiller dans des gammes de bleu, de vert, mais on ne la voit pas en rose ou jaune. On se souvient de Peau d’ñne » et ses robes couleur de beau temps, de lune et de soleil. On se dit que cette femme rĂȘve en s’habillant. 18 fĂ©vrier 2021 Une vitrine d’un magasin du quartier chic d’une grande ville. On vend essentiellement des vĂȘtements dans cette petite boutique un peu dĂ©suĂšte mais il y a aussi quelques paires de chaussures pour femmes. Ce sont toutes des escarpins. Sur le cĂŽtĂ© de la porte, il y a une petite vitrine avec quelques Ă©tagĂšres et au milieu, un escarpin que l’on voit de profil. Le talon est trĂšs fin et trĂšs haut, la courbe du pied est tellement raide qu’elle est presque verticale. Le bout de la chaussure est extrĂȘmement pointu. Le talon et le bout du pied sont en mĂ©tal dorĂ© couleur cuivre. Ce n’est pas juste le bout extrĂȘme qui est en mĂ©tal mais une bande de trois centimĂštres environ. Ensuite la chaussure est faite d’une alternance de rayures vert amande et beige de la mĂȘme largeur. Quand on les regarde, on pense que ces chaussures ne sont pas mettables ou plutĂŽt, mĂȘme si on peut les enfiler, on se demande comment on peut marcher avec. Pourtant on sait que des femmes les achĂštent et marchent avec. On ne sait pas pourquoi cela nous met toujours mal Ă  l’aise d’imaginer la contrainte des pieds dedans, la douleur mĂȘme. Mais surtout ces chaussures-lĂ . On devine que c’est Ă  cause du bout pointu qui est fait de mĂ©tal. C’est une arme. Pour faire mal ou se dĂ©fendre mais le bout si pointu est comme une dague au bout des pieds. Des images de films avec des pointes acĂ©rĂ©es qui sortent de chaussures nous reviennent. On regarde avec beaucoup de tendresse nos gros souliers Ă  bouts ronds qui ne peuvent qu’heurter mollement les autres passants. 16 fĂ©vrier 2021 Deux dames qui montent doucement la petite route qui borde votre maison. Elles sont ĂągĂ©es et marchent lentement en parlant. Elles sont toutes les deux petites, l’une est voĂ»tĂ©e et l’autre pas. Elles sont toutes les deux habillĂ©es en noir mais l’une est en jupe et l’autre en pantalon. Elles portent toutes les deux des chaussures Ă  lacets de type MĂ©phisto », des collants opaques noirs pour celle en jupe, une jupe Ă  mi-mollet, pour celle en pantalon large , une doudoune noire et pour l’autre un manteau court de type caban » noir. Elles n’ont pas de sac. Elles sont masquĂ©es, portent des lunettes qui nous semblent plutĂŽt fines et ont les cheveux courts, blancs avec une coupe trĂšs simple. Elles parlent et leur conversation est animĂ©e, gaie. L’une d’entre elles tient en laisse un petit chien blanc. On ne sait de quelle race, peut-ĂȘtre un bichon maltais. Il a un petit foulard colorĂ© autour du cou et monte avec difficultĂ© la pente raide. On pense que c’est un vieux chien Ă  son allure et Ă  la texture du poil. Au milieu, de la montĂ©e, les deux dames s’arrĂȘtent. Celle qui avait le chien en laisse, le prend dans les bras, le dĂ©tache et le donne Ă  l’autre qui prend une laisse dans sa poche, l’attache et le remet par terre. Le chien s’est laissĂ© faire trĂšs tranquillement comme s’il en avait l’habitude . On ne comprend pas la manƓuvre. Pourquoi ne pas avoir juste passĂ© la laisse ? On se dit qu’il doit y avoir lĂ  un rituel immuable qui nous Ă©chappe, comme si le chien avait deux maĂźtresses et que la passation entre les deux devait obĂ©ir Ă  des gestes prĂ©cis. Une forme singuliĂšre d’intimitĂ© et de partage. 15 fĂ©vrier 2021 Il est 17 heures et 47 minutes. On entend des pas de courses qui descendent dans la toute petite rue qui borde notre maison. On ne peut pas voir qui court mais chaque soir entre 17h47 et 17h50, on entend le mĂȘme pas, Ă  la mĂȘme heure. Il est trĂšs reconnaissable car il est lourd malgrĂ© la course, et on sent que le coureur ou la coureuse cherche Ă  se ralentir dans la pente. Cela produit un bruit Ă  la fois mat et claquant trĂšs particulier. On se surprend certains soirs Ă  l’attendre, guettant parmi tous ceux qui prennent ce petit raccourci en voiture, en scooter ou Ă  pied. Contrairement aux autres coureurs, on n’entend pas son souffle, juste le pas. On se demande comment quelqu’un peut courir avec cette prĂ©cision pour passer aux mĂȘmes endroits, Ă  la mĂȘme heure, Ă  cinq minutes prĂšs. On comprend le pourquoi de cette prĂ©cision car dix minutes aprĂšs le couvre-feu commence et on pense que cette personne doit habiter tout prĂšs. On imagine aussi que ce coureur ou cette coureuse n’est pas du tout un sportif qui fait du jogging mais quelqu’un qui descend en courant Ă  toute vitesse la pente pour arriver Ă  temps chez elle. Quand on entend sa course, on pense aux grandes courses de l’enfance quand on se laissait happer par une pente en se faisant peur, en essayant de ralentir Ă  tous prix et en s’arrĂȘtant en bas comme on peut, essoufflĂ©e, apeurĂ©e et contente. 12 fĂ©vrier 2021 Un homme qui marche le long d’un trottoir dans un quartier populaire alors qu’il commence Ă  pleuvoir. Il n’a pas de parapluie. Il semble ĂągĂ©. Il est petit, assez lourd avec des Ă©paules tombantes. Du coup, ses bras semblent longs et ses jambes assez courtes. Il a une tĂȘte carrĂ©e et son cou est enfoncĂ© dans une parka noire Ă  col montant. Elle est boutonnĂ©e de bas en haut et est un peu grande. Il porte un masque et au-dessus on voit juste ses lunettes avec une monture trĂšs simple et ses cheveux gris presque blancs avec un dĂ©but de calvitie sur le sommet du crĂąne. Son parka descend jusqu’aux genoux puis il porte un jogging noir qui semble aussi un peu trop grand. Quand on regarde ses pieds, on est trĂšs surpris car on voit de magnifiques chaussures de style anglais qui font penser Ă  des Weston en cuir naturel impeccablement cirĂ©es, ce ne sont pas des copies. Des chaussures hors de prix. Il les porte avec le plus grand naturel, elles n’ont pas l’air trop grandes contrairement Ă  tout le reste de sa tenue et il marche avec comme si c’était ses chaussures de tous les jours. On a le sentiment d’un copiĂ©-collĂ©. On peut avoir l’impression que ses habits lui ont Ă©tĂ© donnĂ©s mais, Ă©trangement, pas ses chaussures. Elles font corps avec lui, avec ce qu’il est peut-ĂȘtre. Ou ce qu’il a Ă©tĂ©. 11 fĂ©vrier 2021 Une femme assise presque par terre sur un petit rocher qui borde le chemin des douaniers longeant un cap au bord de la MĂ©diterranĂ©e. Il fait extrĂȘmement beau, mais la mer est encore houleuse de la tempĂȘte d’il y a trois jours. Il y a des promeneurs, la plupart sont en couple ou en famille, d’autres sont lĂ  pour courir. Tous regardent la mer se fracasser rĂ©guliĂšrement sur les rochers en immenses gerbes d’eau et d’écume. Certaines montent trĂšs haut et les aspergent. Le spectacle est magnifique. On remarque cette femme parce qu’elle tourne le dos Ă  la mer. Elle est assise non pas sur un banc ou dans un endroit agrĂ©able mais sur un rocher qui borde le chemin et elle regarde devant elle. Elle ne semble pas regarder les passants non plus. Elle est habillĂ©e en habits citadins contrairement Ă  tous les autres promeneurs. Elle porte un pantalon beige, des boots en cuir marron Ă  petits talons, un manteau prune et elle serre son sac Ă  main bordeaux. Son visage est rond, elle semble avoir une cinquantaine d’annĂ©es. Elle a des cheveux trĂšs noirs coiffĂ©s en un chignon bouffant autour du visage. Ses yeux sont noirs et regardent dans le vague, sa bouche est fermĂ©e. Elle ne semble pas sur le point de pleurer, elle semble absente, transportĂ©e par une vague et posĂ©e lĂ , dans une tristesse glaçante. Comme si elle Ă©tait dans une zone d’ombre alors que tout est dans le soleil. Une femme Ă©chouĂ©e. 10 fĂ©vrier 2021 Une femme certainement d’une soixantaine d’annĂ©es qui vous accueille Ă  l’entrĂ©e de son bureau, vous propose de vous asseoir et s’assied. Elle n’est pas grande, mince. Ses cheveux sont coupĂ©s au carrĂ© et teints en blond, le visage est plutĂŽt triangulaire avec des grands yeux bruns lĂ©gĂšrement maquillĂ©s. Elle porte des lunettes carrĂ©es avec une monture dorĂ©e assez fine. Le bas du visage est masquĂ©. Elle est habillĂ©e avec des richelieu » vernies, un pantalon noir avec des trĂšs fines rayures dorĂ©es, un chemisier blanc que l’on voit Ă  peine et une veste noire sans boutons avec sur chaque manche deux lignes blanches et une trĂšs grosse broche faite de brillants en forme de fleurs sur le revers de cette veste. Elle a devant elle des livres, des cahiers, des stylos. On parle avec elle, on lui explique quelque chose, elle prend des notes et on se demande ce qu’il manque. Quelque chose manque mais on ne sait pas quoi. Ce n’est que tardivement qu’on se rend compte que sur son bureau, il n’y a pas d’ordinateur. On a tellement l’habitude de voir des ordinateurs sur les bureaux des mĂ©decins, des banquiers, dans les administrations, dans tous les secrĂ©tariats, que voir cette avocate sans ordinateur nous sidĂšre. On le lui dit. Elle rĂ©pond qu’elle en a jamais voulu, qu’elle a commencĂ© sa carriĂšre comme ça. Sa rĂ©ponse provoque presque une forme de malaise, comme si elle n’avait pas voulu voir le temps passer. Comme si elle Ă©tait figĂ©e dans un temps suspendu pendant les quarante derniĂšres annĂ©es. Une paralysie presque glaçante. 9 fĂ©vrier 2021 Une toute petite fille d’environ quatre ans qui sort de l’école. Sa maman la tient par la main, elles traversent la rue et vont attendre le tram. Elle est habillĂ©e de petites chaussures noires vernies, d’un collant de laine blanc, d’une jupe en velours cĂŽtelĂ© bleu foncĂ© et d’une doudoune bleu clair longue et froncĂ©e Ă  la taille. Elle a un visage rond avec des grands yeux noirs et un petit menton pointu. Ses cheveux sont bruns, trĂšs denses presque crĂ©pus et montent assez haut au dessus de sa tĂȘte et, dessus, est posĂ© un petit chapeau pointu rouge avec des Ă©toiles jaunes. Il est en carton avec un Ă©lastique fin passĂ© autour de son cou. On pense Ă  un reste de dĂ©guisement, une fĂȘte, un goĂ»ter de la Chandeleur, un numĂ©ro de clown ou juste un petit cadeau. Elle n’arrĂȘte pas de le toucher et tout le long du chemin, elle parle. Elle ne parle pas Ă  sa mĂšre, elle se parle Ă  haute voix. Elle raconte quelque chose dont on n’entend presque rien sinon qu’il est question du chapeau autour duquel elle créé un rĂ©cit. Elle a l’air Ă  la fois sĂ©rieuse et ravie. On la perd de vue. On entend un long cri d’enfant. C’est elle. Sa mĂšre lui a enlevĂ© son chapeau, le tram arrive. La petite fille ne pleure pas mais hurle. Et cherche Ă  reprendre le chapeau. Sa mĂšre le lui rend, un peu gĂȘnĂ©e. Elle remet son chapeau posĂ©ment presque avec une forme de gravitĂ©, passe bien l’élastique et lĂ , on voit qu’elle sourit mais qu’elle a les yeux plein de larmes. De soulagement peut-ĂȘtre. Elle grandit. 8 fĂ©vrier 2021 Une jeune femme qui travaille dans une banque. Elle vient nous chercher Ă  l’accueil. On entend ses talons avant qu’elle n’arrive. Elle marche Ă  petits pas trĂšs saccadĂ©s. Elle s’assoit derriĂšre son grand bureau et vous propose de vous assoir en face d’elle. Elle est habillĂ©e d’un pantalon noir Ă  pinces, d’un pull en laine mohair lie de vin et de hautes chaussures prunes, assorties au pull, avec des talons Ă  bouts carrĂ©s et une petite boucle sur le devant. Elle a de longs cheveux chĂątains avec des mĂšches blondes, ils sont assez volumineux et, rĂ©guliĂšrement, elle les prend entre ses mains et elle les froisse pour les faire bouffer. Elle a des grands yeux noir qui sont maquillĂ©s. Ils sont soulignĂ©s d’un trait noir, de fard Ă  paupiĂšres argentĂ© presque blanc et de mascara. Ses sourcils sont Ă©pilĂ©s et retravaillĂ©s au crayon. Elle porte un masque bleu. On ne voit pas le bas de son visage mais on s’aperçoit quand mĂȘme qu’elle doit ĂȘtre plus ĂągĂ©e qu’on ne l’a cru d’abord en voyant sa silhouette juvĂ©nile. Elle travaille sur son ordinateur tout en nous parlant. LĂ  on remarque ses mains. Elle ne porte quasiment pas de bijoux, juste une bague Ă  l’annulaire gauche. On voit elle a des ongles trĂšs courts et carrĂ©s comme si elle s’était rongĂ© les ongles pendant longtemps. Ses mains sont trĂšs fortes, on se dit, bĂȘtement, masculines. Elles sont Ă©paisses et larges aussi bien les doigts ronds et lourds que la paume qui contraste avec la finesse de l’os du poignet. Elle n’a pas les mains de sa silhouette, de ses habits, de son mĂ©tier. Quand elle les passe dans ses cheveux dans son geste rĂ©pĂ©tĂ©, on a l’impression que cette main dans ses cheveux n’est pas la sienne. Ces mains terriennes qui pianotent sur le clavier d’un ordinateur, nous semblent vivre dans une tranquillitĂ© des gestes ancestraux au milieu de cet environnement bureautique de plastique et de talons qui trottinent. 5 fĂ©vrier 2021 Un homme qui travaille dans un hĂŽpital. On ne peut le voir qu’assis au bureau derriĂšre lequel il nous accueille, ou plutĂŽt une sorte de comptoir bas puisqu’on peut s’assoir aussi face Ă  lui. Nous sommes sĂ©parĂ©s par une paroi de verre avec une juste une fente pour laisser passer les cartes et papiers. La premiĂšre vision est un choc car on a l’impression que ses Ă©paules sont littĂ©ralement coincĂ©es entre les murs de son box de travail. Il n’est pas gros mais trĂšs corpulent. On pense Ă  un culturiste, un joueur de rugby ou un lanceur de poids, Ă  un sportif dont la masse a du mal Ă  ĂȘtre contenue dans son tee-shirt gris. Cette impression de dĂ©mesure est renforcĂ©e par son cou Ă©norme et sa tĂȘte toute ronde, le crĂąne rasĂ© et sa barbe taillĂ©e court qui forme comme une boule dans laquelle on voit les yeux bruns en amande et le masque. Il est tatouĂ© sur tous les bras oĂč on distingue, une rose, une sĂ©rie de croix, des lettres mais aussi dans le cou oĂč on distingue comme des flammes. On a l’impression que s’il se lĂšve le box d’accueil va exploser. Sa voisine de secrĂ©tariat en voulant attraper un papier devant lui, lui Ă©rafle le crĂąne avec son bracelet et il saigne. Elle lui donne une lingette dĂ©sinfectante avec laquelle il se tamponne le haut du crĂąne. Il se tourne vers elle et lui dit mais ça pique ! » d’une voix douce d’enfant outrĂ©. 4 fĂ©vrier 2021 Un homme dans un musĂ©e fermĂ©. Il doit avoir une cinquantaine d’annĂ©es, il est assez grand et trapu. Il est habillĂ© en habits rĂ©glementaires de gardien et il porte un masque, on ne distingue donc que ses yeux bruns plutĂŽt ronds, ses sourcils Ă©pais et ses cheveux noirs. Il est seul et fait des va-et vient devant l’entrĂ©e. Il attend quelques visiteurs professionnels qui ont l’autorisation de venir voir l’exposition. Il est impatient et leur demande Ă  plusieurs reprises s’ils sont prĂȘts. C’est lui qui assure la sĂ©curitĂ© pendant leur visite et il les suit pas Ă  pas. On remarque qu’il Ă©coute ces spĂ©cialistes avec attention comme s’il devait faire attention qu’ils ne disent pas de bĂȘtises ou du mal de l’exposition dont il est lĂ , vĂ©ritablement, le gardien. Eux, Ă©changent sur les dates, les liens avec d’autres artistes, certains critiquent des Ɠuvres, des rapprochements, s’exclament admirativement, ils prennent des notes et des photographies sans faire attention Ă  lui. A un moment donnĂ©, se sachant autorisĂ©es Ă  le faire, les deux femmes s’asseyent chacune leur tour sur un pouf de fausse fourrure noire muni d’une queue animale et s’amusent de cet attribut masculin dont elles se voient ainsi pourvues. Il est trĂšs gĂȘnĂ© et a mĂȘme l’air stupĂ©fait comme s’il n’avait pas vu et entendu que toute l’exposition parle de sexe et de genre. Certainement que la situation quasi intime de la visite le met dans une situation complexe, il se sent complice de cette lĂ©gĂšretĂ©. Pourtant il salue chaleureusement chacun des visiteurs et a mĂȘme l’air triste de leur dĂ©part. On se dit que jamais on n’aurait imaginĂ© cela il y a encore quelques temps. Un gardien qui regarde partir des visiteurs avec le sentiment d’ĂȘtre abandonnĂ©. Il va continuer de veiller sur son exposition. Vide. 1 fĂ©vrier 2021 Une femme qui vend des objets dans une brocante. Elle doit avoir une soixantaine d’annĂ©es. Elle est debout au milieu de son stand. Elle est petite et est habillĂ©e chaudement avec un pantalon en velours cĂŽtelĂ© brun, des chaussures de type MĂ©phisto », puis, on aperçoit un pull en mohair rose, une veste matelassĂ©e Ă  col mao » crĂšme avec des petites fleurs, une veste Ă©paisse en cuir retournĂ© et une grande Ă©charpe bleu et vert entourĂ©e autour de son cou. Elle semble complĂštement engoncĂ©e. Ses cheveux trĂšs blonds, longs et ondulĂ©s, la font paraĂźtre plus jeune. On voit ses yeux clairs et son masque noir est baissĂ© sur son menton. Elle fume. Elle tient la cigarette dans sa main droite et aspire goulĂ»ment des grandes bouffĂ©es, puis souffle doucement la fumĂ©e. Elle ferme les yeux, concentrĂ©e sur le plaisir de fumer sans plus rien regarder autour, ni objets, ni flĂąneurs, ni clients. Debout, comme tanquĂ©e » dans ses gros habits, elle se consacre Ă  sa cigarette. On remarque ses doigts jaunis de grande fumeuse. Quelqu’un lui pose une question, elle est obligĂ©e de se tourner et de lui rĂ©pondre, de bouger. Elle pose sa cigarette dans un gros cendrier en verre, rĂ©pond, dit un prix puis elle revient, elle se remet exactement dans la mĂȘme position et elle reprend sa cigarette. On dirait une adolescente qui fume pour la premiĂšre fois dans un plaisir dĂ©fendu sans cesse recommencĂ©. 30 janvier 2021 Un homme devant un bar fermĂ© mais qui fait des cafĂ©s Ă  emporter. C’est samedi, il y a du monde. Il doit avoir une trentaine d’annĂ©es. Il est habillĂ© simplement de baskets blanches un peu usĂ©es, d’un jean, d’un blouson un peu long en cuir noir qui est ouvert sur un sweat-shirt noir. Il est assez grand et carrĂ©. Son visage semble rond, avec des cheveux courts, trĂšs frisĂ©s, noirs et on ne voit que ses grands yeux en amande lĂ©gĂšrement globuleux au dessus de son masque noir. La premiĂšre fois qu’on l’aperçoit, il est au tĂ©lĂ©phone et fait signe Ă  l’homme plus ĂągĂ© qui l’accompagne qu’il veut un cafĂ©. Il Ă©coute son interlocuteur les sourcils froncĂ©s. Un peu plus tard, il boit son cafĂ© et a enlevĂ© son masque. On voit alors qu’il a une moustache trĂšs brune. L’homme qui est avec lui, lui parle avec une sorte de vĂ©hĂ©mence, comme s’il lui faisait la leçon. Il ne dit rien et baisse la tĂȘte. Quand il la relĂšve, on voit que ses grands yeux dĂ©bordent de larmes qu’il efface tout de suite. Il ferme les yeux comme s’il essayait de contrĂŽler son Ă©motion. L’homme a cĂŽtĂ© de lui n’a pas vu ce moment mais a senti sa tristesse et lui prend trĂšs gentiment l’épaule. L’autre s’affaisse un moment et puis dit ça va aller, ça va aller » aussi bien pour l’autre que pour lui mĂȘme. Il regarde en l’air et suit un moment du regard les gabians » qui volent au dessus des Ă©tals de poissonniers dans un grand raffut. Il sourit. Ça va mieux. 29 janvier 2021 Un homme trĂšs ĂągĂ© marche tout doucement dans un grand marchĂ©. Il fait trĂšs attention de ne pas se faire bousculer et l’homme plus jeune qui l’accompagne s’arrange pour qu’il est de l’espace autour de lui. L’homme est petit, trĂšs maigre et voĂ»tĂ©. Il a des cheveux blancs courts, raides et un peu en bataille. Son visage a un profil d’oiseau avec un nez aquilin, les joues creuses et des yeux clairs presque gris. Il porte un masque en tissu, d’un rouge lie-de-vin, qui semble presque trop grand et lui mange tout le bas du visage. Il est habillĂ© trĂšs Ă©lĂ©gamment. On distingue une chemise blanche Ă  fines rayures bordeaux, une cravate assez imposante, assortie au masque, lie-de-vin et par dessus un gilet beige en V boutonnĂ©. Son pantalon est en velours cĂŽtelĂ© brun un peu trop long qui tombe en se cassant sur des trĂšs belles chaussures anglaises de cuir marron. Il a une veste un peu longue qui ressemble Ă  un barbour » classique brun . En marchant, il vacille souvent. Il s’appuie trĂšs fortement sur une canne trĂšs Ă©trange ; elle est en bois mais faite dans une branche qui a gardĂ© sa forme naturelle, trĂšs torturĂ©e, elle a juste Ă©tĂ© Ă©corcĂ©e et polie. La poignĂ©e est faite de l’intersection entre deux branches dans laquelle il met la main. Cet homme si raffinĂ© et sa canne forment comme une bulle d’élĂ©gance qu’on a envie de protĂ©ger, une petite chose prĂ©cieuse et fragile qui traverse l’espace confus de la ville Ă  petits pas silencieux. 28 janvier 2021 Un homme dans un magasin de spĂ©cialitĂ©s italiennes. Il est derriĂšre la grande vitrine oĂč s’amoncellent les fromages, les pĂątes fraiches, la charcuterie, les plats cuisinĂ©s. Il sert les clients. Il est trĂšs brun, il ne doit pas ĂȘtre trĂšs grand et semble plutĂŽt mince. Son visage est long, avec un grand front et un menton allongĂ©, les cheveux sont coupĂ©s courts, le nez est aussi dans ce mouvement tout en longueur du visage et la bouche est petite. Il porte un tablier blanc qui s’enfile complĂštement et lui fait une large veste qui est ouverte sur un pull marron. Il vous accueille trĂšs aimablement, presque un peu trop. Vous vous rendez compte que, contrairement Ă  son collĂšgue, contrairement Ă  vous, il ne porte pas de masque. Il voit votre hĂ©sitation, il se redresse fiĂšrement et esquisse Ă  peine un sourire entre le triomphe et l’ironie. Il vous sert avec toujours une lueur dans les yeux qui serait presque du dĂ©fi s’il n’avait pas besoin aussi d’avoir des clients. On se rappelle que la derniĂšre fois qu’on est venu, il y a plusieurs mois, on lui avait demandĂ© pourquoi il ne portait pas de masque et il avait rĂ©pondu que lui, il n’était pas malade. Comme si de porter ce masque Ă©tait en quelque sorte une marque d’infamie, de possible maladie et de ne pas le porter une preuve de bonne santĂ©. Entre bĂȘtise et fanfaronnade, le monde Ă  l’envers. Et pourtant, on est lĂ , Ă  penser Ă  l’Italie si proche avec tendresse. 27 janvier 2021 Une femme dans un grand magasin oĂč elle est responsable d’un corner » d’une grande marque. Elle est trĂšs petite, elle doit avoir une quarantaine d’annĂ©es, peut-ĂȘtre un peu plus. Elle a les cheveux gris ou plutĂŽt Ă  peine grisonnant comme si elle Ă©tait en train d’arrĂȘter de les teindre. Son visage est rĂ©gulier, ovale, avec des yeux bruns assez ronds peu maquillĂ©s, son nez est droit et la bouche assez petite. Elle est bien entendu habillĂ©e avec des habits de la marque qu’elle vend, notamment un cardigan emblĂ©matique mais qu’elle porte en laine d’un rose soutenu ce qui est assez rare. Le reste est plus sobre, noir, gris, ce qui semble plus en phase avec les habits prĂ©sentĂ©s. On sait trĂšs bien ce qu’on veut. On choisit vite ce qu’on veut essayer et Ă  partir de lĂ , elle n’aura de cesse de tenter de nous faire essayer d’autres choses un gilet court, une jupe, un autre pantalon, au point qu’on lui fait clairement comprendre que, non, on ne prendra rien d’autre. On regarde d’autres choses, juste pour le plaisir, elle revient Ă  la charge. On sait qu’elle fait son mĂ©tier mais on lui en veut parce qu’on avait juste envie de profiter de ces belles choses, on est obligĂ© de se justifier, d’expliquer pour la tenir Ă  distance. On est certain qu’elle se rend compte qu’à force d’insistance, elle produit exactement le contraire de ce qu’elle voudrait mais elle ne peut s’en empĂȘcher. La mĂ©canique de sa parole et de ses gestes de vendeuse la dĂ©passe. Comme dans une course folle. 26 janvier 2021 Un petit garçon d’environ sept ans sur une plage. Il fait trĂšs beau. Un groupe d’adultes est installĂ© pour un pique-nique avec une dizaine d’enfants qui jouent. Le petit garçon est assez trapu avec une tĂȘte toute ronde et des cheveux chĂątains bouclĂ©s qui lui encadrent le visage. Il est habillĂ© d’un sweat shirt » gris, d’un jean et il porte des baskets noires. Les enfants jouent Ă  monter sur le grand mur qui borde la plage, puis on voit que ce petit garçon va seul au bord de la mer. Il cherche et trouve un Ă©norme galet qu’il a du mal Ă  soulever mais qu’il soulĂšve en criant pour attirer l’attention des autres enfants qui se prĂ©cipitent. Avant qu’ils n’arrivent, il jette le gros galet dans la mer. Les enfants commencent Ă  jouer avec les vagues, Ă  crier, se pousser. A un moment donnĂ©, un autre petit garçon arrive Ă  un bout de bĂ©ton Ă©norme et le jette aussi. Tout de suite, le petit garçon devient agressif envers lui et le menace d’un galet. Sa mĂšre traverse la plage Ă  toute vitesse, l’attrape et le gronde. Le petit garçon va plus loin et s’installe au milieu de la plage pour jouer, les autres le suivent et commencent Ă  jouer aussi. TrĂšs vite, Ă  nouveau, il se lĂšve et va jusqu’au mur qu’il entreprend de grimper, les autres le suivent. Sans fin. On pourrait penser qu’il veut ĂȘtre seul mais chaque fois qu’il est seul, il fait tout, mine de rien, pour attirer les autres. Il ne veut pas ĂȘtre seul, il veut se singulariser. 25 janvier 2021 Un homme d’une soixantaine d’annĂ©es dans un marchĂ©. Il fait beau, c’est une journĂ©e ensoleillĂ©e de l’hiver. Tous les manteaux sont ouverts, les gens font leur course mais sans se presser. L’homme traverse tranquillement la grande place avec un sac de provisions au bout de la main. Il est petit, trĂšs rond avec des cheveux frisottĂ©s dĂ©garnis sur le dessus du crĂąne. Il est habillĂ© d’un pantalon de toile beige, de souliers de cuir marron, usĂ©s et affaissĂ©s. Sa veste beige est ouverte et on voit un magnifique pull multicolore avec des larges rayures horizontales qui reprennent trĂšs exactement les couleurs arc-en-ciel du drapeau LGBT. Comme son ventre est saillant, son pull est trĂšs en avant et il gondole comme s’il Ă©tait dĂ©tendu ou mal fini. Plusieurs personnes se retournent sur ce pull multicolore. On n’arrive pas Ă  savoir s’il est conscient de sa possible dimension militante ou revendicative. Il serait peut-ĂȘtre trĂšs Ă©tonnĂ© si quelqu’un lui rĂ©vĂ©lait tout cela. On remarque que ses habits sont tous trĂšs avachis ou usĂ©s. On peut aussi trĂšs bien imaginer qu’il lui a Ă©tĂ© tricotĂ© par quelqu’un qui a trouvĂ© ces couleurs jolies, qu’il l’a tricotĂ© lui-mĂȘme ou bien qu’il lui a Ă©tĂ© donnĂ©. Ce pull dĂ©fraĂźchi aux couleurs de ce drapeau Ă  la portĂ©e symbolique, hissĂ© lors des marches des fiertĂ©s », est portĂ© lĂ , sur ce marchĂ© populaire, avec une bonhomie touchante. 21 janvier 2021 Une jeune femme travaille dans une boulangerie. Elle est brune avec les cheveux trĂšs raides qui semblent lissĂ©s, ils sont attachĂ©s en une queue de cheval assez basse sur la nuque. Elle a un visage triangulaire avec des grands yeux bruns maquillĂ©s de gris. Elle est habillĂ©e d’un pantalon beige un peu court, d’un pull marron avec par dessus un tablier blanc trĂšs simple nouĂ© Ă  la taille. Aux pieds, elle porte des crocs vert bouteille mais avec des chaussettes beige comme son pantalon. Elle a des gants en plastique translucide et elle tient un pince mĂ©tallique d’une main. Elle vient nous voir et on lui passe commande de trois choses. On voit qu’elle hĂ©site puis va vers un premier pain qu’elle attrape avec sa pince et met dans un papier, elle le fait lentement, elle a peur de faire tomber le pain. Puis, elle va vers les autres pains et a oubliĂ© si nous en voulions un petit, ou un gros, tranchĂ© ou pas, on lui rĂ©pĂšte notre commande et on la regarde faire posĂ©ment. Tous ses gestes montrent qu’elle a peur de faire une erreur notamment sur les questions sanitaires, ne pas toucher le pain, ne pas toucher les clients, dĂ©sinfecter ce qui a Ă©tĂ© touchĂ© par les clients, garder ses distances. On voit bien que tous les ordres se bousculent dans sa tĂȘte et qu’elle essaie de faire au mieux. Elle est nouvelle. On paie avec le sans contact ». On ne sait pas si on doit lui dire que pendant tout ce temps, elle portait mal son masque, sous son nez, anĂ©antissant tous ses efforts. On le lui dit tout doucement, elle nous remercie et remet vivement son masque en surveillant que personne ne la voit. Puis elle rĂ©flĂ©chit et va changer ses gants. Elle apprend. 20 janvier 2021 Une femme d’une quarantaine d’annĂ©es au comptoir d’un bar-tabac qui vend aussi des journaux. Le bar est vide mĂȘme s’il fait des cafĂ©s Ă  emporter mais il y a quand mĂȘme dans un angle au fond un homme qui semble boire une cafĂ© en lisant un journal. Le cafĂ© empeste la cigarette. On a plus l’habitude de cette odeur, on ne voit personne fumer et on se rend compte que cet espace public et non fumeur, doit ĂȘtre en partie redevenu privĂ© puisque le bar est fermĂ©, et que le patron, les employĂ©s, doivent fumer dedans. L’odeur est vraiment Ă©pouvantable mais on a l’impression qu’elle ne la sent pas. Elle trie et compte les tickets du loto et met un moment Ă  s’apercevoir que vous ĂȘtes devant elle attendant de pouvoir payer vos journaux. Elle est brune et ses cheveux longs sont attachĂ©s en queue de cheval, elle porte des lunettes en Ă©caille assez imposantes qui cachent ses yeux bruns, le nez est fort et droit et la bouche est plutĂŽt petite et ronde. Elle porte un pull noir et par dessus un gilet de laine noir Ă  motifs rouges. Quand elle vous voit enfin, elle remonte vaguement le masque qu’elle avait sur le menton et vous encaisse sans un regard. Elle vous donne l’impression que vous la dĂ©rangez. En sortant vous voyez une fumĂ©e de cigarettes sortir du comptoir, puis en y prĂȘtant attention, la cigarette posĂ©e Ă  l’envers. Elle voit que vous avez vu sa cigarette, la prend et en aspire une grande bouffĂ©e et se replonge dans ses comptes en vous jetant un coup d’Ɠil noir. 19 janvier 2021 Une voix d’homme au tĂ©lĂ©phone. On ne pourrait pas dire que c’est une voix amie mais c’est quelqu’un que vous connaissez bien et que vous avez rencontrĂ© souvent dans le cadre professionnel. Il s’agit Ă  nouveau d’un Ă©change dans le cadre du travail mais Ă  titre amical. Vous vous donnez des nouvelles, et puis commencez Ă  Ă©changer sur les questions qui vous ont amenĂ©es Ă  nous appeler. Comme ces questions sont dĂ©licates et que vous ne pouvez pas le voir, guetter les expressions de son visage, vous ĂȘtes obligĂ©es d’ĂȘtre trĂšs attentives Ă  la moindre hĂ©sitation, au plus imperceptible changement de ton, au plus court silence, tout ce qui peut amener Ă  une variation dans le dĂ©bit de sa voix. Elle est plutĂŽt douce, monocorde, un peu nasale et calme. Vous avez pu le cĂŽtoyer dans des rĂ©unions trĂšs tendues et jamais il n’a haussĂ© le ton et, de la mĂȘme façon, dans les quelques moments gais que vous avez partagĂ©s, sa voix est restĂ©e Ă©gale. Il sait que vous guettez les moindres variations. Il en joue. Ne pouvant rĂ©pondre directement aux questions que vous lui posez, les seuls moyens qu’il a pour que vous compreniez ce qu’il pense sans sortir de son devoir de rĂ©serve, c’est justement ces courtes pauses, fausses hĂ©sitations, petits silences qu’il fait volontairement et que vous devez dĂ©crypter. Cela provoque une tension Ă©trange, non pas entre vous, mais chez chacun d’entre vous, dans la recherche de la maĂźtrise d’une sorte de langage commun qui tient aux non-dits, Ă  ce qui manque, Ă  ce qui hĂ©site, Ă  ce qui balbutie. A ce qui vient entraver. On se dit qu’il doit le plus souvent faire cela et que ce doit ĂȘtre Ă©puisant de ne jamais pouvoir dire. Ou de dire mais sans parler. 18 janvier 2021 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©es qui participe Ă  un cours en ligne. Elle a les cheveux courts, trĂšs raides et teints en roux clair. Le visage est assez rond, avec des grands yeux bruns, des lunettes rondes, un nez fin et une large bouche fine. On ne voit que le haut de son corps qui est vĂȘtu d’un chemisier bleu clair qui rappelle les chemises anciennes. TrĂšs souvent, elle perd le fil pendant le cours. Elle ne sait pas oĂč est l’exercice, Ă  quelle page du livre il faut aller, elle n’a pas compris la consigne, et donc rĂ©guliĂšrement quand l’enseignante s’adresse Ă  elle, elle ne rĂ©pond pas. Cela créé un sorte de trou, une latence Ă©trange dans ce dispositif de cours par skype ». Il faut un peu de temps pour comprendre ce qui n’a pas Ă©tĂ© compris. Souvent, ensuite, elle dit je n’avais pas compris », et elle s’excuse en riant. Mais en rĂ©alitĂ©, elle n’a pas entendu. On se souvient des tous premiers cours alors que tous Ă©tions rĂ©unis, et dĂ©jĂ  , elle nous avait demandĂ© Ă  plusieurs reprises de lui rĂ©pĂ©ter et traduire ce qui avait Ă©tĂ© dit. A la fin du cours, elle s’était excusĂ©e en disant en riant je crois que je ne dois pas bien entendre », qui Ă©tait devenu peu Ă  peu je n’entends pas bien ». On est Ă©tonnĂ©e car elle ne semble rien faire pour cela et de cours en cours, elle continue de rĂ©pĂ©ter cette excuse comme si, chaque fois, elle Ă©tait nouvelle. Comme si chaque nouveau temps oĂč elle n’entend pas ou mal venait effacer celui d’avant. Elle ne veut pas entendre qu’elle entend mal. Personne n’ose lui en parler et l’enseignante trĂšs patiente, rĂ©pĂšte et mĂȘme lui demande directement si elle a compris. Mais elle n’ose pas lui demander si elle a entendu. On se dit qu’elle est mal entendante. En deux mots. 16 janvier 2021 Un Ă©cran, le haut du corps d’un homme et son visage. Tout de suite, on se dit il est gros. Le visage est long avec des cheveux courts lĂ©gĂšrement dressĂ©s. Les yeux bruns, le nez petit, et la bouche assez grande. Ce qu’on remarque ce sont les bajoues de chaque cĂŽtĂ© du visage, les plis du cou et puis ensuite la masse du corps Ă  la limite de l’obĂ©sitĂ©. C’est un acteur et, pendant un moment, cette maniĂšre d’avoir un corps grossi dont on devine encore ce qu’il a Ă©tĂ©, nous donne Ă  penser que cet embonpoint est travaillĂ©. Peut-ĂȘtre pas entiĂšrement fabriquĂ© mais accentuĂ©. Mais la maniĂšre dont il bouge Ă  Ă©cran et dont il danse nous fait penser le contraire. Il a une lĂ©gĂšretĂ©, quelque chose de trĂšs aĂ©rien qui lui appartient et dont il joue, lĂ , dans ce rĂŽle. On voit que tout est fait pour le montrer comme le gros extraverti face Ă  l’autre personnage, qui joue son compagnon, mince, coincĂ©, pĂ©tri d’angoisse. Pourtant, dĂšs qu’il bouge, quelque chose en lui Ă©voque les comĂ©dies musicales, la dĂ©mesure, une nostalgie, Broadway, quelque chose qui emporte ailleurs que juste le pĂ©rimĂštre de cette sĂ©rie. On dirait qu’il vient de ranger ses paillettes, de cacher son costume de clown et qu’il fait semblant d’ĂȘtre comme il faut juste un moment, s’appliquant mais souriant en coin. Encore un Auguste. 15 janvier 2021 Un gros palmier dans un jardin. C’est un palmier de la race des chamĂŠrops mais Ă©norme, appelĂ© aussi palmier chanvre ». Contrairement Ă  ses cousins, il est trĂšs trapu comme les palmiers classiques. Son tronc fait plusieurs mĂštres de haut et est si Ă©pais, qu’on ne peut l’entourer de ses bras. Avec ses grandes palmes, l’arbre est haut comme une maison de trois Ă©tages. On ne dirait pas car il est situĂ© devant la maison mais un peu sur le cĂŽtĂ© et sur une planche en dessous. Il a de nombreuses palmes caractĂ©ristiques avec une tige puis la palme elle-mĂȘme en Ă©ventail avec des terminaisons assez molles qui retombent cassant l’élan rigide de la feuille. En plein hiver, il a quelques branches qu’il faut couper car elles sont sĂšches et deux fruits qui forment une sorte de longue tige brune. Les nouvelles palmes sont dĂ©jĂ  lĂ  au centre de l’arbre prĂȘtes Ă  pousser. Il est Ă©norme et totalement disproportionnĂ© dans ce jardin de taille plutĂŽt modeste oĂč le plus grand arbre est un vieil oranger. Heureusement qu’il est sur cette planche plus basse et que ses palmes touchent le mur extĂ©rieur de la propriĂ©tĂ©. Cela masque un peu son ampleur. On voit qu’il a Ă©tĂ© plantĂ© dĂ©jĂ  grand et tardivement certainement Ă  la place d’un arbre mort, peut-ĂȘtre un palmier victime du papillon qui dĂ©cime ces arbres. Rien ne pousse dessous ou presque. Il est trĂšs isolĂ© dans la vĂ©gĂ©tation voisine d’oliviers, de mimosas, d’agrumes. Sa magnifique solitude pataude et massive nous touche. 14 janvier 2021 Une jeune femme est assise par terre sur une plate bande qui borde la grande promenade au bord de la mer. Elle n’est pas assise sur les bancs et les chaises au bord mais beaucoup plus en arriĂšre sur ce morceau de gazon, de l’autre cĂŽtĂ©, il y a les voies cyclistes puis la route. Devant elle, les promeneurs passent et les skateboarder » nombreux qui ont installĂ©s des plots au sol, font des essais de figures, de vitesse dans un grand fracas de bruit. Elle doit avoir une vingtaine d’annĂ©es. Elle a des longs cheveux blonds, un visage trĂšs fin, presque pointu et semble assez grande et mince. Elle est vĂȘtue d’une chemise bleue, avec par dessus une veste en fausse fourrure rousse, un jean serrĂ© et des baskets blanches montantes. Elle est au tĂ©lĂ©phone. Elle parle vite, certainement assez fort car il y a beaucoup de bruit et elle fait des grands gestes avec les mains. On perçoit Ă  sa tension et Ă  ses gestes que la conversation doit ĂȘtre animĂ©e, qu’il se passe quelques chose. Tout Ă  coup, les skateboarder » se regroupent pour discuter et se dĂ©saltĂ©rer et le silence se fait. On entend alors la jeune femme hurler Non, non, tu ne peux pas faire ça, merde ! ». Tout le monde se retourne et la regarde. Elle s’en aperçoit et devient rouge. Sa conversation continue, alors elle tourne le dos Ă  la foule et Ă  la mer et s’assied en tailleur face aux voitures et aux vĂ©los. Comme si elle voulait trouver de l’intimitĂ©. On est surprise qu’elle ne descende pas sur la plage. Elle pourrait crier. Le bruit de la mer ne s’arrĂȘte jamais. 13 janvier 2021 Une dame d’un certain Ăąge qui attend devant le secrĂ©tariat d’un service hospitalier. Elle doit avoir une cinquantaine d’annĂ©es. Elle est petite, habillĂ©e d’un grand manteau rouge vif, d’un pantalon de cuir rouge, souple, en forme de jogging et de baskets noires. Elle est trĂšs brune avec les cheveux frisĂ©s et semble avoir un visage rond qui est cachĂ© par des lunettes noires et un masque bleu. Elle marche avec deux bĂ©quilles. Elle a un grand sac en bandouliĂšre qui semble trĂšs rempli. Quand elle arrive, elle va directement dans le bureau et la secrĂ©taire lui dit qu’il y a plusieurs personnes qui attendent. Elle rĂ©pond quelque chose que l’on n’entend pas et la secrĂ©taire lui dit que bien entendu, elle peut s’assoir, comme les autres personnes, sur un siĂšge et qu’elle se lĂšvera quand ce sera son tour. La femme semble furieuse et regarde ceux qui font la queue avec colĂšre. Elle prend une chaise avec violence, la dĂ©place, la met au milieu de la salle d’attente et s’installe dessus. Elle cherche dans son sac en marmonnant, ses bĂ©quilles tombent, elle les ramassent en rĂąlant. Elle s’aperçoit qu’il y a du gel hydroalcoolique. Elle se lĂšve et en met sur ses mains. Elle renverse son sac. Elle se rassied en pestant, remet dans son sac et dit et bien, voilĂ  » d’un ton plus haineux qu’en colĂšre. Et brusquement, elle se lĂšve et part. La secrĂ©taire la cherche, revient et dit que cette dame est encore repartie sans qu’on sache qui elle est. Cela fait la troisiĂšme fois cette semaine dans ce service. Une femme perdue. Encore une. 12 janvier 2021 Un homme d’une trentaine d’annĂ©es est adossĂ© Ă  un mur Ă  la toute fin du marchĂ©, juste en face du dernier Ă©tal de poissonnier. Il est chaudement habillĂ© car il fait froid et il y a du vent. Il a un bonnet de laine brun avec une petite frise beige, une doudoune marron assez longue, un pantalon qui ressemble Ă  un baggy noir et des grosses chaussures noires qui semblent montantes comme des Doc Martens ». Il est moyennement grand. On voit juste quelques cheveux frisĂ©s noirs dĂ©passer du bonnet, il a un visage trĂšs rond avec des yeux noirs et un nez plutĂŽt petits, une bouche assez large et une barbe naissante comme quelqu’un qui ne s’est pas rasĂ© depuis deux ou trois jours. Il a un masque mais sur le menton et le cou. Il fait quelque chose avec ses mains mais on ne distingue pas quoi. Quand on s’approche de lui, on entend un bruit Ă©trange chtac, chatc, chtac, .. ». On voit alors qu’il est en train de se couper les ongles avec un coupe-ongle. Avec beaucoup d’attention, il se coupe tous les ongles des mains et jette scrupuleusement les ongles coupĂ©s par terre. On est trĂšs surpris. Un geste qui renvoie Ă  la toilette, Ă  l’espace de la salle de bain qui se retrouve fait dans la rue. Il n’y a pas lĂ  d’indĂ©cence et il le fait avec le plus grand naturel. Pourtant on se sent mal Ă  l’aise. Comme si on avait surpris quelque chose alors que lui s’en moque. C’est comme si cela avait obligĂ© notre regard de passant. Etrangement, cela vient empiĂ©ter sur notre espace intime et pas le sien. 11 janvier 2021 Une dame assez ĂągĂ©e qui traverse une place en poussant un drĂŽle d’engin. Ce serait un dĂ©ambulateur Ă  roulettes avec deux poignĂ©es pour les mains comme celle d’un vĂ©lo, des freins, un panier pour les provisions en bas et une assise en plastique noir pour pouvoir se reposer et s’assoir. Elle est petite et presque trop pour son dĂ©ambulateur car elle est obligĂ©e de lever un peu les bras pour atteindre les deux poignĂ©es. Elle a une mise en plis Ă  l’ancienne avec des cheveux uniformĂ©ment gris clair. Elle est habillĂ©e d’un manteau bleu, assez long, d’un foulard gris entrĂ© dans le col du manteau et de petits bottines noires fourrĂ©es. Elle ne porte ni bas, ni collant alors qu’il ne fait pas chaud. Dans le panier, on voit un dĂ©sordre de sacs plastiques, un sac en cuir noir trĂšs Ă©limĂ©, une petite bouteille d’eau, une Ă©charpe en laine, une boite de type tupperware », un sac en papier certainement empli de fruits ou de lĂ©gumes. Elle marche lentement et d’un coup, s’arrĂȘte et s’assied sur son petit siĂšge en plastique. Elle ne semble pas remarquer qu’elle s’est installĂ©e sur le couloir du tram entre deux rails. Des gens s’arrĂȘtent, se parlent et une jeune femme va la voir. Elle la regarde puis regarde autour d’elle et ne semble pas vouloir bouger. Il faudra que plusieurs personnes l’entourent pour la convaincre et qu’elle se relĂšve. Les gens la conduisent sur les bancs d’un arrĂȘt du tram. Elle s’y assied puis se lĂšve et s’assied sur son petit siĂšge et tourne le dos au tram. On ne sait si elle est dĂ©sorientĂ©e ou bien si elle vient lĂ  depuis tellement longtemps qu’elle oublie ce nouveau tram qui est sur son parcours quotidien. Ou plutĂŽt qu’elle a dĂ©cidĂ© de l’ignorer. 8 janvier 2021 Un Ă©cran, le visage d’une femme. Elle doit avoir une cinquantaine d’annĂ©es. Elle porte les cheveux courts, ondulĂ©s, coiffĂ©s en arriĂšre. Ils sont chĂątain clair avec des mĂšches blondes et doivent ĂȘtre teints. Elle a un visage plutĂŽt pointu avec une petite bouche, un nez droit et des yeux bleus perçants. Elle est assez ronde, on le perçoit Ă  ses Ă©paules opulentes, Ă  sa chemise fleurie ample et Ă  son foulard bleu entourĂ© Ă  la va-vite autour de son cou. Elle a des grandes lunettes de soleil en forme de papillon qu’elle relĂšve souvent sur ses cheveux. Elle est trĂšs expressive. On ne sait si c’est parce qu’elle sait qu’elle est filmĂ©e mais pour chacune de ses expressions, la joie, la surprise, le mĂ©contentement, le rire, l’interrogation, elle reste un instant figĂ©e dans une expression outrĂ©e comme un arrĂȘt sur image. On dirait parfois un dessin animĂ©, on attend presque les onomatopĂ©es et les signes graphiques qui marquent une Ă©motion, un mouvement, une bagarre. Elle n’est pas actrice mais elle joue un rĂŽle, celle de l’extravertie, qui dit tout ce qu’elle pense, qui est traversĂ©e par ses Ă©motions. Pourtant parfois, son regard semble plutĂŽt froid. Elle doit se tenir Ă  ce rĂŽle parce que son compĂšre prĂ©sentateur est un homme qui surjoue le calme et la froideur. On pense que cela doit ĂȘtre fatigant mais pas si Ă©loignĂ© d’un numĂ©ro de clown. Elle est l’Auguste. 6 janvier 2021 Un Ă©cran, le visage d’un homme. Il est trĂšs brun, les cheveux sont coupĂ©s courts avec quelques petits cheveux sur le haut du front, ses oreilles sont dĂ©gagĂ©es. Le visage est plutĂŽt triangulaire mais le menton est carrĂ© et assez fort. La bouche est Ă©troite avec comme une fossette Ă  chaque commissure, le nez est petit mais semble un peu Ă©crasĂ© en son milieu, les yeux sont noirs et bridĂ©s. Il doit avoir au moins la cinquantaine car il a des petites poches sous les yeux, des rides autour du nez et de la bouche. Il porte un tee-shirt blanc et par dessus une veste de kimono bleue en coton Ă©pais, qui fait penser Ă  une veste de travail. Il est assez expressif et souvent il plisse le front. Quant il fait cela, on s’aperçoit qu’il a une cicatrice verticale rouge qui part du milieu du sourcil droit et descend jusqu’au bas de la joue. On regarde de plus prĂšs et on constate que ce n’est pas un effet de maquillage, que celui qu’on prend pour un acteur, a vraiment une balafre au travers du visage. On se demande si cet homme est un acteur professionnel ou un amateur, s’il a Ă©tĂ© yakusa » ou peut-ĂȘtre puni par une mafia car la balafre semble trop droite pour ĂȘtre accidentelle. Pourtant lĂ , Ă  l’écran, il fait la cuisine. On observe ses gestes, comment il manipule les couteaux et on se demande comment il fait pour travailler au quotidien avec cet outil qui a dĂ» lui couper le visage en deux. Quand il tend les petites assiettes Ă  ses clients, il attend leur verdict, sĂ©rieux, les mains sur les hanches et quand on lui dit que c’est excellent, il sourit comme un enfant. La balafre disparaĂźt un instant. 5 janvier 2021 Les urgences d’une clinique du centre ville. Il n’y a pas grand monde, on sent un certain calme. A l’intĂ©rieur mĂȘme du service, passĂ© les doubles portes, un homme est assis, il est perfusĂ©. Il a une trentaine d’annĂ©es, il est en habits de sport. Le mĂ©decin demande qu’une infirmiĂšre vienne pour lui enlever sa perfusion. Il lui explique poliment qu’il pourra ensuite s’en aller mais qu’il doit aller voir son mĂ©decin traitant. A peine deux minutes aprĂšs, le mĂ©decin se tourne vers l’homme et voit qu’il y a un autre homme, un peu plus jeune, avec lui, qui lui parle. Ce nouveau venu porte un masque mais sous son nez. Le mĂ©decin lui dit Monsieur, nous ne pouvons accepter d’accompagnant au sein du service des urgences, voulez-vous bien sortir et attendre votre ami dans la salle d’attente et mettre correctement votre masque ? ». L’homme le regarde avec agressivitĂ© et ne bouge pas, soulevant le menton Ă  plusieurs reprises dans un geste entre le dĂ©fi et la menace. Le mĂ©decin rĂ©pĂšte fermement et rĂ©explique que personne ne peut ĂȘtre accompagnĂ©. L’homme, en murmurant agressivement, se dĂ©place vers les doubles portes mais reste dans le service. Le mĂ©decin revient et lui dit que son ami va sortir et qu’il lui demande de sortir du service, une fois de plus. L’homme finit par sortir en reculant mais en l’insultant de maniĂšre extrĂȘmement grossiĂšre et violente. On ne comprend pas. Le mĂ©decin nous dit que c’est comme ça tous les jours, pourtant on sent qu’il est atteint. L’homme qu’il a soignĂ© n’a rien dit pour calmer son ami et mĂȘme sourit. On est abasourdie par cette violence. Pourquoi ce refus de sortir comme tous ? De mettre son masque ? Est-ce que c’était juste parce qu’il ne pouvait supporter d’avoir le sentiment d’obĂ©ir Ă  ce qui lui semble une autoritĂ©, un mĂ©decin ? On est Ă©pouvantĂ©e de ce que cela rĂ©vĂšle d’incomprĂ©hension, de ressentiment, de violence diffuse. L’infirmiĂšre enlĂšve la perfusion, l’homme se lĂšve, le mĂ©decin toujours calme lui tend ses papiers et lui redit poliment qu’il doit aller voir un mĂ©decin. L’homme part, il n’a pas dit un mot. 4 janvier 2021 Un camping-car roule trĂšs vite dans un boulevard de la ville puis prend un embranchement et va aussi vite sur une route Ă©troite de l’arriĂšre-pays qui tourne beaucoup. On est surpris parce que le camping-car, qui est pourtant assez imposant, est conduit comme une voiture rapide. Il est entiĂšrement blanc avec quelques dessins gĂ©omĂ©triques jaune et bleu, comme un logo, Ă  l’arriĂšre et sur une porte. On remarque une figure au pochoir noir. Quand on voit le cĂŽtĂ© du camping-car, on aperçoit d’autres pochoirs. Chaque fois, il s’agit d’un portrait d’Elvis, certains de trois-quart, d’autres de face. Il y en a beaucoup disposĂ©s partout sur le camion. Un fan, certainement. Le conducteur est un homme d’une soixantaine d’annĂ©e qui semble assez rond et petit car il est un peu cachĂ© derriĂšre son volant. On remarque tout de suite qu’il est coiffĂ© d’une Ă©norme banane de cheveux gris trĂšs bien rĂ©alisĂ©e. Elle est presque caricaturale et nous fait penser Ă  un personnage de bande dessinĂ©e. Devant lui, entre le pare-brise et le volant, il y a une photographie d’Elvis rĂ©pĂ©tĂ©e plusieurs fois formant une frise dĂ©corative. DerriĂšre lui, il y a un grand panneau lumineux et le nom Elvis qui clignote en rouge sur fond noir. On le regarde passer. On imagine qu’il Ă©coute Elvis dans son camping-car et que c’est sa part de rĂȘve qu’il porte avec lui fonçant comme s’il conduisait un bolide dans le dĂ©sert amĂ©ricain, sur les petites routes de Provence. 14 dĂ©cembre 2020 On serait Ă  nouveau en mouvement, on aurait des choses Ă  faire, on serait en train de courir. On ferait des listes, du rangement, on se prĂ©parerait. On regarderait des recettes, on verrait des cerises en dĂ©cembre, des fruits exotiques sur les Ă©tals, l’odeur de la truffe vous poursuivrait sur le marchĂ©. Ce serait pour de faux mais ce serait bien quand mĂȘme. On va regarder ailleurs et puis on reviendra au temps secret des descriptions. Plus tard. 13 dĂ©cembre 2020 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©e qui doit rejoindre une rĂ©union sur skype » avec quatre autres personnes. Elle suit un cours de langue et, pour le moment, les cours se font comme cela. Elle est brune avec des cheveux courts et volumineux qu’elle essaie de coiffer avec une raie sur le cĂŽtĂ©. Elle a un visage long avec des sourcils noirs trĂšs forts, des yeux bruns plutĂŽt ronds, un nez fin et une large bouche charnue. Elle est vĂȘtue d’un pull rose et, Ă  l’écran, on voit qu’elle est devant un buffet brun avec une grand dĂ©sordre de papiers posĂ©s dessus et un bouquet de fausses orchidĂ©es. Elle arrive dans la rĂ©union avec du retard et on la voit mais sans l’entendre. L’une des autres participantes lui explique qu’elle a dĂ» couper son micro et comment il faut qu’elle l’ouvre. On voit qu’elle parle, qu’elle semble toucher son clavier et qu’elle a l’air trĂšs tendue. Elle disparaĂźt de la conversation. Les autres parlent en attendant patiemment et la professeure dĂ©cide de commencer. A ce moment-lĂ , elle rĂ©apparaĂźt, on la voit et on l’entend. Tout le monde la salue et elle s’excuse. Elle semble dĂ©jĂ  Ă©puisĂ©e avant que le cours n’ait commencĂ©. La professeure lui demande pourquoi cela a Ă©tĂ© si difficile cette fois et elle rĂ©pond qu’elle ne sait pas mais que de toutes les façons elle ne sait jamais pourquoi ça marche et pourquoi ça ne marche pas. Elle dit cela d’un air dĂ©couragĂ© de petite fille perdue. 12 dĂ©cembre 2020 Une petite fille qui doit avoir quatre ans, elle attend un ascenseur avec sa mĂšre. Elle porte des petites baskets blanches en cuir, un jean et une doudoune, avec un motif de petites fleurs, dont dĂ©passe une capuche. Elle a les cheveux longs, bruns et bouclĂ©s. Pour les retenir en arriĂšre, ses cheveux du dessus sont tressĂ©s. Elle a un visage tout rond avec des yeux bruns et des lunettes roses avec des branches assez Ă©paisses d’un rose plus clair. On remarque qu’elle a une goutte sur le menton que sa mĂšre essuie en lui disant gentiment fais attention ». La petite fille suce tout le temps sa lĂšvre du dessous qui est toute rouge. Le menton aussi est irritĂ© car il doit souvent ĂȘtre mouillĂ© et il commence Ă  faire froid. La petite fille ne bouge pas. Elle doit essayer de ne pas le faire, se concentrer. Une maman passe avec son bĂ©bĂ© dans les bras. ImmĂ©diatement, la petite fille la remarque et la suit des yeux, demandant ce qu’elle fait cette dame. Sa mĂšre lui rĂ©pond qu’elle porte son bĂ©bĂ©. La petite fille parle comme si elle rĂ©pĂ©tait des phrases d’adulte pour elle-mĂȘme il fait froid, on met son manteau, une maman, un papa, attention, le bĂ©bĂ©, une maman, un papa » et elle continue. Sa mĂšre la regarde sans l’interrompre comme Ă©tonnĂ©e par le refrain une maman, un papa ». On se dit qu’elle se rassure, peut-ĂȘtre parce qu’elle a vu cette maman seule avec son bĂ©bĂ©, peut-ĂȘtre parce son papa n’est pas lĂ  ou qu’il est loin ou qu’elle n’en a pas. On ne peut savoir mais pendant tout ce temps, elle n’a pas sucĂ© sa lĂšvre. Elle grandit. 11 dĂ©cembre 2020 Une jeune femme qui fume devant un grand hĂŽpital. Elle est blonde, ses cheveux sont attachĂ©s en une queue de cheval haute. Elle est habillĂ©e avec un jean et par dessus une blouse blanche qui lui descend aux genoux. Elle a mis un chĂąle de laine bleu sur ses Ă©paules. Au pieds, elle a des crocs » blancs. Elle a descendu son masque qui lui couvre une partie du menton et le cou. Son visage, Ă  la peau trĂšs claire, est lumineux avec un regard bleu pĂ©tillant. Elle marche en fumant et elle tire nerveusement sur sa cigarette. De temps en temps, elle sort un thermos de sa grande poche et boit, certainement quelque chose de chaud. Une autre jeune femme la rejoint, allume une cigarette, elles parlent, puis elles se mettent Ă  rire. La premiĂšre jeune femme consulte une premiĂšre fois ce qui ressemble Ă  un tĂ©lĂ©phone, on voit qu’elle hĂ©site Ă  reprendre une cigarette et puis d’un coup, elle regarde Ă  nouveau ce tĂ©lĂ©phone ou ce beeper », son visage se ferme. Elle fait un signe de la main Ă  sa camarade, son visage est tendu, elle repart vers l’intĂ©rieur de l’hĂŽpital et commence Ă  traverser la grande cour en marchant vite, puis elle se met Ă  courir. Sa course nous fait penser Ă  ce qu’elle va trouver Ă  l’intĂ©rieur, cette urgence dans son corps. Cette jeunesse Ă©clatante entrevue qui doit aller vite pour prendre soin des autres. 10 dĂ©cembre 2020 Un jeune homme assis sur un muret qui regarde ses camarades. Ceux-ci jouent aux cartes, discutent en fumant, mangent des pizzas, regardent leur tĂ©lĂ©phone en s’échangeant des blagues, deux sont sur des chaises longues et Ă©coutent de la musique leurs Ă©couteurs vissĂ©s aux oreilles. Lui ne fait rien, il est Ă  la fois attentif et absent. Il est assez grand, le visage rond, avec des yeux bleus perçants. Les cheveux sont chĂątains clairs coupĂ©s un peu n’importe comment, il passe souvent la main dans ses cheveux qui sont dressĂ©s. Il porte juste un jean, un tee-shirt Ă  manches longues et une doudoune sans manches alors qu’il commence Ă  faire froid. De temps en temps un de ses amis lĂšve la tĂȘte et lui demande ça va ? » . Il rĂ©pond briĂšvement mais trĂšs gentiment que oui, oui, ça va ». Il est seul mais on sent une attention autour de lui. A un moment donnĂ©, deux ou trois se lĂšvent et disent allez, on gĂšle, on rentre et on se fait un code name » . Il les regarde, une des jeunes filles se lĂšve et l’attrape au passage par la main, il suit le mouvement. Mais on voit qu’il le fait parce qu’il sent bien que tous ont fait cela discrĂ©tement pour qu’il sorte de sa solitude. Il ne veut pas trop montrer qu’il est triste. Et en mĂȘme temps, il sait que tout le monde le sait. Il a perdu quelqu’un et cette perte creuse un trou dans son corps qu’il n’a pas encore appris Ă  combler. 9 dĂ©cembre 2020 Un homme trĂšs ĂągĂ© mais dont on ne peut dĂ©terminer l’ñge. Il a des cheveux gris un peu clairsemĂ©s, une tĂȘte d’oiseau avec des yeux noirs perçants, un nez aquilin et une fine bouche dans un bas de visage pointu. Il est un peu voĂ»tĂ© mais semble assez grand. Il est habillĂ© d’un gros pull gris, d’une polaire et par dessus d’un grand tablier blanc qui lui recouvre tout le devant du corps et qui se noue par dessus l’épaule. On ne voit pas le reste de son corps cachĂ© derriĂšre le comptoir. Le tablier est maculĂ© de tĂąches rouges. Il parle lentement, il marche lentement, il travaille lentement mais il travaille toujours dirigeant son commerce, sa famille et ses employĂ©s mĂȘme si son petit-fils prend de plus en plus de place. Tout autour de lui tout le monde s’affaire parfois avec prĂ©cipitation, lui jamais. Il a un accent assez fort et vous demande toujours ce que vous voulez faire avec la viande que vous lui demandez, puis il commente ce que vous lui avez dit, il vous fait des propositions mais en affirmant que c’est tel morceau qu’il faut absolument prendre tout en l’attrapant dĂ©jĂ  et en le posant sur le billot avant mĂȘme que vous ayez acceptĂ©. Ensuite, toujours aussi lentement, il prĂ©pare la viande, la dispose joliment, la pĂšse, cherche un gros feutre rouge dans poche, et note le prix. Il passera ensuite tout ce que vous avez achetĂ© Ă  sa fille qui fera l’addition et vous encaissera. Il a pliĂ© vos achats avec ses mains pleines de viande, il en reste sur le sachet. Il fait son mĂ©tier avec une telle attention et prĂ©cision que sa lenteur devient comme un ballet ralenti et prĂ©cieux. 8 dĂ©cembre 2020 Un homme d’une soixantaine d’annĂ©e peut-ĂȘtre plus. On le voit travailler dans ce restaurant depuis presque quarante ans. Il est vraiment petit, avec les cheveux blancs depuis trĂšs longtemps, un visage assez rond cachĂ© par des lunettes avec une monture noire, Ă©paisse et au dessin travaillĂ©. On se souvient qu’il a toujours eu des montures contemporaines et trĂšs recherchĂ©es. Il est habillĂ© d’un jean, d’une chemise grise en flanelle, d’une doudoune sans manches gris foncĂ© et de chaussures de montantes qui ressemblent Ă  des Caterpillar ». Il semble trĂšs dĂ©contractĂ© mais en rĂ©alitĂ©, il est habillĂ© avec recherche. Il sort du restaurant oĂč il travaille, il est interpellĂ© par des passants qui le reconnaissent, par des vendeurs du marchĂ©, il salue tout le monde et entre dans un immeuble. On le voit ensuite Ă  un balcon qui donne sur ce marchĂ© et la mer, une des plus belles vues de cette ville, il est en train de tĂ©lĂ©phoner. On se demande si en fait, il n’est pas un des patrons de ce restaurant connu de toute la cĂŽte. Quand on le recroise quelques heures aprĂšs, on remarque qu’il boite. On n’en revient pas. Est-ce qu’il a toujours boitĂ© et on ne l’aurait pas vu ? Est-ce que c’est nouveau ? Pourtant sa boiterie semble naturelle comme ceux qui depuis toujours font avec. On se rend compte que sa dĂ©marche a toujours Ă©tĂ© trĂšs chaloupĂ©e et qu’il faisait rarement le service dans ce restaurant, il prenait les commandes, encaissait. Le restaurant fermĂ©, on a pu le regarder et le voir parce qu’il Ă©tait sorti de son territoire et nous aussi. 7 dĂ©cembre 2020 Un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es dans un magasin de vĂȘtement pour femme assez luxueux. Il est debout prĂšs de la caisse pendant que sa femme paie et que la vendeuse plie les vĂȘtements qu’ils ont achetĂ©s. Il est assez grand, entiĂšrement chauve, on voit ses yeux bleus mais pas le bas de son visage masquĂ©. Il est habillĂ© d’une paire de baskets en cuir, d’un pantalon en laine assez serrĂ© bleu foncĂ© et d’un manteau lĂ©ger sous lequel on voit une doudoune grise fermĂ©e. Sa femme lui parle. Elle lui fait la liste des endroits oĂč ils doivent encore aller, la plus vieille papeterie de la ville, un autre magasin de vĂȘtement, une pĂątisserie, un magasin de design, on pense qu’ils sont en train de faire leurs courses et leurs commandes de NoĂ«l. D’ailleurs la vendeuse fait des papiers cadeaux pour certains vĂȘtements achetĂ©s. L’homme ne dit rien et rien ne traduit qu’il ait entendu ce qu’elle lui a dit. Elle le regarde et lui dit Et bien alors, qu’est-ce que tu en dis ? ». Il rĂ©pond Rien ». Elle hausse les Ă©paules et reprend sa litanie des choses Ă  faire et lĂ , il lĂšve les yeux au ciel. Elle s’énerve et lui dit que si c’est pour lui gĂącher son plaisir de faire des cadeaux, il n’a qu’à aller se promener. Il tourne les talons immĂ©diatement. On se dit que son masque doit cacher un grand sourire de victoire. On le voit qui se dirige vers la mer. Elle soupire et dit Tant mieux ». On a l’impression d’assister Ă  un ballet de NoĂ«l bien rodĂ© et rejouĂ© chaque annĂ©e. 5 dĂ©cembre 2020 Une enfant de cinq ans se tient assise accroupie devant une reprĂ©sentation immense d’un pĂšre NoĂ«l installĂ©e sur la promenade du bord de mer. Il fait plusieurs mĂštres de haut. Il est reprĂ©sentĂ© assis sur une sorte de trĂŽne. On pense que ce sont les carnavaliers de cette ville qui ont fait cette sculpture, en papier mĂąchĂ© ou en rĂ©sine, pour l’offrir comme chaque annĂ©e aux enfants qui sont hospitalisĂ©s en face et qui peuvent ainsi la voir. Pour la petite fille, qui est au pied de ce pĂšre NoĂ«l, il doit ĂȘtre immense et un peu effrayant. Elle est entre la peur et l’amusement. Elle se tourne vers son pĂšre qui est debout Ă  cĂŽtĂ© d’elle et elle lui demande c’est pour de faux, hein ? ». Son pĂšre lui explique en lui montrant l’hĂŽpital en face, pourquoi ce PĂšre NoĂ«l est lĂ . Elle rĂ©pĂšte comme pour elle-mĂȘme c’est pas le vrai » mais elle fronce les sourcils et regarde le grand bĂątiment bleu en face. Elle dĂ©cide de ne pas avoir peur et d’un coup elle attrape le gros soulier et essaie de grimper. Son pĂšre lui demande ce qu’elle fait. Elle explique qu’elle veut grimper sur les genoux du PĂšre NoĂ«l et faire coucou aux enfants de l’hĂŽpital. Son inquiĂ©tude s’est dĂ©placĂ©e. C’est la premiĂšre fois qu’on lui parle d’un hĂŽpital pour les enfants, et ça c’est trĂšs effrayant. Alors elle veut voir. Elle grandit. 4 dĂ©cembre 2020 Un homme d’une trentaine d’annĂ©es Ă  l’entrĂ©e d’un grand magasin. Il est grand et assez fort. Il a des cheveux noirs trĂšs courts, une barbe bien dessinĂ©e que l’on entraperçoit sous son masque noir. Il est habillĂ© d’une parka noire fermĂ©e et d’un pantalon noir. Aux pieds, il a des baskets sombres aussi. Dans le dos de la parka, on peut lire sĂ©curitĂ© » en blanc. Il regarde une Ă  une toutes les personnes qui entrent dans la magasin et indiquent d’un mouvement de bras Ă  certains de mettre bien leur masque, sur le nez. Il ne parle pas, il fait juste le geste et il indique Ă  ceux qui ne le font pas spontanĂ©ment, le gel hydroalcoolique pour qu’ils se lavent les mains. Un jeune homme arrive sans masque. L’homme avance et lui barre le passage et le regarde. L’autre lui dit assez agressivement “ quoi ?”. L’homme de la sĂ©curitĂ© lui montre son masque, le regard dur, le corps plus prĂ©sent. Le jeune homme lui dit “ j’en ai pas “. L’homme se met carrĂ©ment en travers de sa route de toute sa hauteur, et du bras, lui indique la sortie. L’autre hĂ©site puis fait demi-tour en rĂąlant. L’homme reprend son inspection. Il n’a pas dit un mot. 3 dĂ©cembre 2020 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©es dans une rĂ©union familiale et amicale oĂč elle ne connait pas beaucoup de monde. Elle est assez petite, ronde avec des cheveux longs, raides, Ă©pais et blancs qui font comme un casque tout autour de son visage. Elle a un visage rond, avec des yeux noirs profondĂ©ment enfoncĂ©s. Elle est habillĂ©e avec des chaussures montantes fourrĂ©es brunes dont les derniers lacets sont restĂ©s ouverts. Dedans, est coincĂ© un pantalon de jogging gris assez large. Elle porte ensuite un pull beige et une doudoune sans manche vert kaki. Elle dĂ©tonne dans l’assemblĂ©e qui est habillĂ©e de maniĂšre trĂšs diverse et dĂ©tendue mais avec soin. Elle est avenante et s’adresse avec facilitĂ© aux uns et aux autres et donc participe Ă  de nombreuses conversations. Pourtant, on s’aperçoit qu’elle part assez vite de chaque groupe, va des uns aux autres et trĂšs souvent s’occupe du buffet, vĂ©rifie qu’il reste Ă  manger, ou se retrouve prĂšs de son mari qui est aussi un peu Ă  part. Les conversations sont autour des moments anciens partagĂ©s, les anecdotes fusent, les complicitĂ©s reviennent, et vite on dĂ©bat, on se moque, on rit, on s’invective, on s’engueule, on se rĂ©concilie, on s’exclame. MĂȘme dans les conversations politiques, sur les temps que l’on vit, sur le dernier livre, sur la course du VendĂ©e Globe, on parle par ellipses, on rit de l’incomprĂ©hensible, on produit de l’entre-soi. On ne s’en rend pas compte dans la joie des retrouvailles. On exclut. 2 dĂ©cembre 2020 Une femme d’une soixantaine d’annĂ©e assise sur un parapet le long d’un immeuble sur une place qui sert de parking. On voit d’abord ses jambes, l’une est posĂ©e au sol, l’autre pend dans le vide. Elle porte des ballerines noires classiques, ses jambes sont nues et au-dessus du genou, on aperçoit un legging rose fuchsia. En haut, elle porte un pull beige trĂšs ample, une Ă©charpe violette entourĂ©e autour du cou et un bonnet marron enfoncĂ© sur la tĂȘte. Son visage est comme gonflĂ© et ses yeux noirs sont cachĂ©s par des lunettes de soleil, dont il manque un verre, alors que la nuit de ce jour gris tombe. A cĂŽtĂ© d’elle, posĂ© sur le parapet, un sac ikea » bleu rempli Ă  ras-bord. On aperçoit, dĂ©passant, des vĂȘtements et une doudoune ou un duvet. Quand on passe, elle nous invective. Elle invective et insulte tous les passants qui ont un masque et les, trĂšs rares, qui n’en ont pas, elle les salue par un hurlement de contentement et en leur proposant un coup Ă  boire ». On voit alors qu’elle a une grande canette de biĂšre Ă  la main, et un pack ouvert qui a l’air d’ĂȘtre largement entamĂ© derriĂšre elle. Elle est Ă  la fois joyeuse et en colĂšre. Peu Ă  peu, elle se met aussi Ă  insulter ceux qui n’ont pas de masque car ils ne veulent pas venir boire avec elle. Quand on repasse, plus tard, elle est assise par terre contre le mur, elle dort appuyĂ©e sur son sac. Elle ne se rend mĂȘme pas compte qu’il pleut. Une femme perdue. Encore une. 1 dĂ©cembre 2020 Une trĂšs jeune femme d’une vingtaine d’annĂ©es. Elle est est extrĂȘmement jolie. Elle a de longs cheveux bruns bouclĂ©s avec des trĂšs lĂ©gers reflets auburn. Son visage est en forme de cƓur avec une fossette au menton, une bouche petite mais ourlĂ©e et des grands yeux bruns. Son teint est trĂšs pĂąle presque transparent mais on ne sait si c’est la fatigue ou son teint habituel. Elle n’est absolument pas maquillĂ©e ou apprĂȘtĂ©e. Elle est trĂšs souriante et va des uns aux autres avec un grand naturel dans cette rĂ©union de famille un peu particuliĂšre. On la sent fragile et on voit que ses amis la surveillent discrĂštement aussi. Souvent, malgrĂ© le soleil, elle attrape son ample manteau Ă  carreaux et semble enfouir sa minceur dedans. Elle se met dans un fauteuil et semble somnoler un peu ce qui ne nous Ă©tonne pas car les jeunes gens se sont couchĂ©s trĂšs tard. On la perd des yeux. On la retrouve, les deux coudes sur une table en train de manger un Ă©norme hamburger et plonger rĂ©guliĂšrement la main dans un grand sachet de potatoes ». Elle dĂ©vore littĂ©ralement. Puis elle va Ă  la table des desserts et se sert d’une part Ă©norme de tiramisu » qu’elle mange immĂ©diatement Ă  grandes cuillerĂ©es gourmandes. On sent qu’elle se reconstitue, qu’elle retrouve des forces mais qu’elle mange avec un grand plaisir, une vraie gourmandise. Un appĂ©tit dĂ©vorant qui nous ravit. 30 novembre 2020 Un homme d’une trentaine d’annĂ©es, il est le cuisinier d’un restaurant populaire sur la grande place d’un marchĂ©. Le restaurant, comme tous les autres, est fermĂ© mais fait des plats traditionnels Ă  emporter. Le cuisinier sort pour vous parler car vous voulez lui commander quelque chose de spĂ©cial. Il est grand, il a les cheveux recouverts d’une charlotte de papier qui fait penser Ă  celle des hĂŽpitaux, il a un tee-shirt gris, un jean, un grand tablier blanc maculĂ© de tĂąches et des crocs » vertes. Son visage est long avec des yeux bruns et vous remarquez qu’il ne porte pas de masque. Il veut vous emmener dans sa cuisine car il n’a plus de four et ne peut pas cuire votre commande. Vous tombez des nues. La cuisine de ce restaurant qui fait normalement beaucoup de couverts est minuscule et malcommode. Il voit votre Ă©tonnement, il est penaud et il s’excuse presque. Il vous explique comment il travaille dans cet espace rĂ©duit. Il est trĂšs fier de toutes ses trouvailles et son visage s’anime, il mime les gestes rapides du service. Il vous dit qu’heureusement qu’il peut quand mĂȘme cuisiner parce que cela lui manque les gens, le coup de feu mais que lĂ  en plus son four l’a lĂąchĂ©. Il est presque au bord des larmes. Vous dites que vous ferez cuire vous-mĂȘme votre commande, que ce n’est pas grave. Il vous sourit avec un sourire d’enfant soulagĂ© et se remet Ă  cuisiner immĂ©diatement en vous oubliant instantanĂ©ment. 28 novembre 2020 Une matinĂ©e grise avec quelques Ă©claircies en Provence. Une maison pas complĂštement neuve mais pas ancienne non plus, au bout d’une allĂ©e au fond du jardin. Le jardin n’en est pas vraiment un, il y a des arbres, des chĂȘnes verts, un olivier, un terrain de boules et sur le cĂŽtĂ©, une piscine fermĂ©e pour l’hiver. Il n’y a pas de fleurs et trĂšs peu de choses semblent avoir Ă©tĂ© plantĂ©es. Des voitures sont garĂ©es dans l’allĂ©e. Devant la maison, sur la terrasse, une cinquantaine de personnes sont rĂ©unies et regardent vers la maison. Elles sont toutes, ou presque, masquĂ©es. Certaines se tiennent la main, d’autres sont enlacĂ©es, d’autres sont debout, seules. Il y a une musique, classique, douce. On voit la photo d’un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es posĂ©e devant tous. De temps en temps, un homme ou une femme s’avance, se met Ă  cĂŽtĂ© de la photo, prend le micro et dit quelques mots, certaines sont plus longs que d’autres, certains provoquent plus d’émotions que d’autres. Ils s’adressent d’abord Ă  une femme qui se tient trĂšs droite avec ses trois enfants enlacĂ©s autour d’elle au premier rang. Parfois certains pleurent ou ont les larmes aux yeux. Parfois des rires parcourent cette drĂŽle d’assemblĂ©e. On les regarde tous. Ils ont vieilli mais ils sont lĂ . Il en manque un. 27 novembre 2020 Une homme debout sur une petite digue artificielle de quelques rochers qui entre dans la mer. Il est de dos face aux vagues. Il est chaudement habillĂ©. Il porte une doudoune noire avec un col remontĂ©, un pantalon de type “jogging” noir et des chaussures de marche en cuir marron. Il porte un bonnet en laine noir. Il est campĂ© sur ses deux pieds et il pĂȘche. De ses deux mains, il tient solidement une canne Ă  pĂȘche. Il ne bouge presque pas. Il donne juste de temps en temps un petit mouvement Ă  sa canne et donc Ă  sa ligne. Tout Ă  coup, on le voit prendre sa canne d’une main et chercher fĂ©brilement dans sa poche, en sortir un tĂ©lĂ©phone et rĂ©pondre. De dos, sa figure est maintenant Ă©trange avec une canne dans une main et de l’autre, son tĂ©lĂ©phone contre son oreille, comme le tĂ©lescopage de deux mondes. Il commence Ă  tirer sur sa ligne, puis de plus en plus, mais sa main est prise par le tĂ©lĂ©phone, il ne peut pas mouliner. Il essaie de tenir le tĂ©lĂ©phone entre son Ă©paule et son oreille et commence Ă  mouliner pour remonter un poisson. Le tĂ©lĂ©phone tombe entre les rochers, il regarde par terre et dĂ©cide de choisir le poisson qu’il remonte doucement. Quand il le sort, il semble trĂšs content et le met dans un seau, puis il semble se rappeler de la chute de son tĂ©lĂ©phone. Il s’allonge sur un rocher et plonge une main entre deux pierres. Il semble chercher pendant un moment puis ressort son tĂ©lĂ©phone. Le nettoie, vĂ©rifie qu’il marche et le range. Il s’assied comme pour souffler. Il sort son tĂ©lĂ©phone et prend une photo du poisson dans le seau. Une rĂ©conciliation. 26 novembre 2020 Un homme qui aurait dĂ» avoir soixante ans. On se rappelle des cheveux blonds devenus gris, du regard doux et attentionnĂ©, toujours chaleureux, du visage charpentĂ© qui s’était enrobĂ©, de la petite bouche se dĂ©formant en un sourire presque carrĂ©. Mais quand on pense Ă  lui on entend d’abord son rire. Il riait souvent dans une gaietĂ© qui n’était pas factice surtout quand il Ă©tait entourĂ© de ses amis. On avait compris que c’était le plus important pour lui, ses amis, leurs retrouvailles, leurs ripailles, leurs fĂȘtes, leurs rituels, leurs parties de foot, leurs week-ends entre potes » au ski, les vacances ensemble, les jours de l’an chez lui. Sa femme, ses enfants Ă©taient son centre et ses amis Ă©taient sa vie. DĂšs qu’il vous apercevait, il commençait Ă  galĂ©jer » en souriant. Son rire Ă©tait assez aigu, d’abord lĂ©ger, comme un rire de connivence, un rire un peu retenu mais qui vous Ă©chappe et puis d’un coup partait en un Ă©clat franc et juvĂ©nile qui vous emporte. Cela faisait partie de l’attention qu’il portait aux autres, il pouvait rire et vous regarder en mĂȘme temps d’un Ɠil affectueux s’il sentait que quelque chose n’allait pas. On voit les photos de lui et de ses amis de toujours, et d’un coup, il y a un trou. On ne sait pas comment ils vont faire. Que fait-on dans une Ă©quipe quand un joueur meurt ? Ils vont devoir apprendre Ă  jouer Ă  dix. Eux qui jouaient dĂ©jĂ  si mal. On regarde la mer, on guette le son de son rire. 25 novembre 2020 Une femme qui doit avoir entre quarante et cinquante ans, c’est difficile de le voir. Elle est petite, menue et entiĂšrement cachĂ©e dans une doudoune beige, trĂšs longue, avec des grosses cĂŽtes. On voit juste Ă©merger ses pieds dans des boots noires Ă  petits talons. Elle a des cheveux teints dans un blond trĂšs clair et coupĂ©s en un long carrĂ© avec une frange. Elle porte des larges lunettes de soleil de formes carrĂ©es et un masque bleu ce qui ne nous permet pas de voir son visage. Elle marche vers un petit camion blanc dont elle ferme trĂšs violemment la porte qui est sur le cĂŽtĂ©. On voit alors surgir Ă  l’avant du camion la tĂȘte d’un caniche assis Ă  la place du conducteur qui se penche pour regarder. La femme va ensuite vers l’arriĂšre et ouvre vite la porte Ă  doubles battants en grand, attrape un chariot de livraison rouge et l’installe devant l’ouverture. Elle monte ensuite dans le camion et en ressort avec un grand carton qui semble lourd, qu’elle met sur le chariot, va en chercher un autre, puis un autre. Elle referme trĂšs violemment les deux portes et part avec son diable extrĂȘmement chargĂ© et plus haut qu’elle. On sent qu’elle fait ça depuis longtemps et qu’elle a vraiment l’habitude de tous ces gestes. On la suit du regard. On pense aux forts des halles », aux images anciennes de ceux qui portent les marchandises, caisses, cagettes empilĂ©es aux abords des marchĂ©s. Les costauds et une costaude. 24 novembre 2020 Un homme jeune qui conduit une petite voiture banale. Il fait beau, la vitre de sa portiĂšre est entiĂšrement baissĂ©e et il a un bras repliĂ© posĂ© sur la fenĂȘtre. Sur le coude, enfilĂ© dans le bras, son masque bleu. Il est chĂątain, des cheveux courts, un visage ovale avec une assez grande bouche. On ne distingue pas le haut de son visage car il porte des lunettes de soleil qui en mangent tout le haut. Il est habillĂ© d’une chemise bleu clair, le col ouvert et les manches retroussĂ©es assez haut. Une musique sort de la voiture mais elle n’est pas forte, on ne reconnaĂźt pas ce que c’est mais on pense Ă  du rap amĂ©ricain. Il attend tranquillement Ă  un long feu rouge dans la voiture juste Ă  cĂŽtĂ© de nous. On met du temps Ă  comprendre ce qui attire notre attention. Une cigarette. Il a, suspendue Ă  ses lĂšvres, une cigarette allumĂ©e qui fume sans ĂȘtre tenue par une main. Cette image nous surprend. Pourtant on l’a vue et revue trĂšs souvent notamment quand des fumeurs sont au volant mais elle est devenue tellement rare qu’elle nous saisit et qu’on pense non pas Ă  ces scĂšnes vues mais Ă  des images de cinĂ©ma, Ă  Belmondo nonchalamment accoudĂ© Ă  la fenĂȘtre ouverte de sa belle voiture, la clope au bec. On pense que ce jeune homme n’a rien de cela dans la tĂȘte mais malgrĂ© lui, il rejoue la scĂšne. La musique, le soleil, les lunettes, la pose, la fumĂ©e de la cigarette, la maniĂšre dont elle tient entre les lĂšvres et penche Ă  peine, tout y est. On essaie, un instant, d’oublier le rectangle bleu du masque pour que le glamour et une pointe de nostalgie reviennent. 23 novembre 2020 Un homme assis sur des rochers qui forment une petite digue artificielle qui entre dans la mer. Il est assez jeune, une trentaine d’annĂ©es, peut-ĂȘtre. Il a des cheveux bruns, courts et on ne voit pas son visage. Il porte des chaussures de marche en cuir gris, on distingue des chaussettes beiges puis un pantalon gris foncĂ© en toile. Il est ensuite habillĂ© d’une chemisette noire avec des motifs jaunes et d’une doudoune sans manches grise. Il a gardĂ© son sac Ă  dos dont on voit les deux bretelles sur ses Ă©paules. Au poignet, il porte une montre et son masque bleu. Sa tĂȘte est penchĂ©e en permanence sur son tĂ©lĂ©phone portable. Il ne regarde rien, ni la mer, ni la plage, ni la ville. Il ne bouge quasiment pas et observe son portable sans tĂ©lĂ©phoner, sans parler, sans jouer, comme s’il visionnait une vidĂ©o ou un film. Tout Ă  coup, il range son tĂ©lĂ©phone dans la poche de son pantalon, se lĂšve, rajuste sac Ă  dos et part. On remarque alors que que la femme qui Ă©tait en maillot de bain pas loin de lui, sur la plage, s’est rhabillĂ©e et s’en va. Il la suit. Quand elle s’arrĂȘte, on pense qu’elle l’attend et qu’ils sont venus ensemble mais non, il la dĂ©passe un peu gĂȘnĂ©, elle a le visage tendu et attend un moment, puis reprend sa marche. On ne sait s’il a voulu la suivre ou si c’est un hasard. Mais jamais tout ce temps, il ne l’a regardĂ©e ou n’a essayĂ© d’engager la conversation. Il n’a rien vu ni rien regardĂ©, peut-ĂȘtre que d’ĂȘtre lĂ , pas si loin des autres, avec le bruit de la mer lui suffit. 21 novembre 2020 Une femme d’une soixantaine d’annĂ©es ou peut-ĂȘtre plus sur un marchĂ©. Elle boit un cafĂ© debout dans un gobelet en plastique et parle avec une autre femme. D’une main, elle tient son cafĂ©, de l’autre une cigarette roulĂ©e. Elle est assez petite et trĂšs mince. Elle est chaussĂ©e de baskets Ă  talons compensĂ©s en cuir brun avec des lacets dorĂ©s. On entraperçoit des chaussettes d’un rose argentĂ© puis elle porte un pantalon de type sarouel en un tissu fluide entiĂšrement dorĂ©. En haut, elle a un tee-shirt avec des manches ou un pull lĂ©ger brun et par dessus un paletot en fausse fourrure rousse aux longs poils. Elle a des nombreux bijoux et notamment des colliers dorĂ©s de toutes tailles autour du cou et de grandes boucles d’oreilles qui sont comme des mutliples chaines qui descendent le long de son cou. Elle a une coupe au carrĂ© trĂšs stricte avec une frange coupĂ©e au cordeau, ses cheveux sont orange et nous font penser Ă  la couleur du hennĂ©. Son visage est bronzĂ© sans maquillage, la bouche petite, le nez pointu et les yeux trĂšs bruns. Elle parle avec beaucoup d’expressivitĂ© en faisant de grands gestes. On peut voir son visage car elle a son masque sur le menton. Elle se tient trĂšs droite avec un maintien qui Ă©voque celui des danseuses. Sa forte prĂ©sence dans l’espace et la maniĂšre dont elle est habillĂ©e font qu’on la remarque et qu’on pense immĂ©diatement en la regardant qu’elle a fait de la scĂšne, une actrice ou une circassienne. En tous les cas, c’est que qu’elle veut que l’on pense. C’est trĂšs rĂ©ussi. 20 novembre 2020 Une femme d’une quarantaine d’annĂ©es sur la plage de galets. Nous sommes en plein hiver mais elle est en maillot de bain comme quelques autres dissĂ©minĂ©s tout le long de la mer. Elle porte un maillot deux-piĂšces vert et a coiffĂ© ses cheveux longs et orange d’un grand chignon au sommet de sa tĂȘte. Assise, elle lit un livre posĂ© sur le sol. Elle est installĂ©e sur une serviette orange et Ă  cĂŽtĂ© d’elle, il y a un sac Ă  dos noir assez volumineux. On pense qu’elle est une habituĂ©e qui vient tous les jours de soleil se baigner comme il y en beaucoup dans cette ville au doux climat. A un moment donnĂ©, elle se lĂšve et se rhabille directement sur son maillot avec un legging gris, un haut assez large avec un grand dessin rouge et noir japonisant reprĂ©sentant des pins et une montagne. Elle range ses affaires dans son sac, met un blouson assez grand et long, trĂšs fin, de couleur mauve avec des bandes roses aux Ă©paules. Elle enfile son sac Ă  dos et part. De tous ceux qui sont sur la plage, elle est la seule qui n’a pas consultĂ© son tĂ©lĂ©phone portable. En partant, on voit son visage se durcir. L’homme qui Ă©tait sur la petite jetĂ©e, pas trĂšs loin d’elle, et qui lui n’a pas quittĂ© son tĂ©lĂ©phone des yeux, se lĂšve aussi et la suit. C’est peut-ĂȘtre un hasard mais cela ne lui plaĂźt pas. Elle s’arrĂȘte et attend qu’il la dĂ©passe. Elle veut ĂȘtre seule et le lui montre. 19 novembre 2020 Un couple de personnes ĂągĂ©es Ă  la caisse d’un magasin Bio. Il est dans un fauteuil roulant. Il est habillĂ© d’un jean, d’un pull bleu foncĂ© et de chaussures en cuir marron. Sur ses genoux, il tient un sac de femme en cuir marron assez grand. Il est trĂšs souriant avec un visage rond et des yeux trĂšs bleus. Elle est assez grande, mince et est vĂȘtue d’un pantalon beige de type chino », d’un chemisier rose et d’un gilet beige aussi. Elle a des bottines en cuir naturel aux pieds. Ses cheveux gris sont en chignon. Elle a un beau visage avec des grands yeux en amande qui nous semblent gris derriĂšre des lunettes. Elle tient Ă  la main un sac en tissu et range les courses dans le sac, puis se tourne vers lui, cherche son porte monnaie dans le sac qu’il a sur les genoux et paie. Elle range son porte monnaie dans le sac qu’elle pousse un peu, puis elle pose sur les genoux de son mari, le sac de courses. Il ouvre les bras de maniĂšre grandiloquente et sur le ton de la plaisanterie, dit en fait, c’est pratique, non ? » prenant Ă  tĂ©moin le caissier pendant qu’elle rit doucement en secouant la tĂȘte. Le caissier semble trĂšs embĂȘtĂ© et ne sait s’il doit rire ou faire comme si de rien n’était, il choisit de sourire poliment. Elle regarde son mari avec une infinie tendresse, et lui sourit. Il tourne les roues de son fauteuil, elle prend les poignĂ©es et le pousse. Ils partent. Ensemble. 18 novembre 2020 Sur le grand trottoir de la promenade du bord de mer, on voit une poussette noire, seule, proche de la rambarde. On regarde donc un peu en contrebas et on voit une jeune femme assise en tailleur et un trĂšs jeune enfant, presque encore un bĂ©bĂ©, allongĂ© sur le dos. Il est complĂštement Ă  plat, bras et jambes Ă©cartĂ©s avec un foulard rose sur le visage que l’on ne distingue donc pas. Il est posĂ© Ă  l’endroit de la plage oĂč il y a des tous petits galets. A cĂŽtĂ©, la jeune femme roule une cigarette, l’allume et se penche sur son tĂ©lĂ©phone. On comprend que ce bĂ©bĂ© s’est endormi dans sa poussette et, comme les chaises et les bancs pour s’asseoir ont Ă©tĂ© enlevĂ©s, sa mĂšre ou sa nounou a prĂ©fĂ©rĂ© s’arrĂȘter et lui laisser faire sa sieste. Pourtant quelque chose nous retient comme le souvenir d’une image triste. Le corps de l’enfant semble comme abandonnĂ©, presqu’échouĂ©. On pense que c’est parce qu’il est posĂ© lĂ  sans sa poussette, sans couverture, sans serviette, le corps directement sur les petits galets. On regarde un moment l’enfant, son doudou sur le visage, et on ne sait ce qu’on guette mais on ne s’en va qu’aprĂšs l’avoir vu bouger et que sa mĂšre ou sa nounou, le regarde, se lĂšve, lui remette son doudou, et se rĂ©installe tranquillement. Comme si on attendait qu’une image de douceur vienne effacer le souvenir diffus et poignant qui nous a assailli. 17 novembre 2020 Une enfant de deux ans assise sur ses pieds qui regarde avec une attention extrĂȘme une fleur, un pissenlit. Elle est dans un grand jardin public et au bord de la pelouse, elle a vu la fleur jaune. Elle est habillĂ©e d’une large salopette en jean, de chaussures en cuir rouge montantes et d’un manteau en velours cĂŽtelĂ© beige, doublĂ© d’un tissu au motif fleuri. Le manteau est ouvert et on voit qu’elle porte une cagoule qui a Ă©tĂ© baissĂ©e et qui lui entoure le cou. Elle est brune avec une frange et un carrĂ© sous les oreilles. Le visage est encore trĂšs rond avec un menton dĂ©jĂ  dessinĂ©, un nez fin, une petite bouche et des grands yeux bruns presque noirs. Elle ne bouge pas et regarde la fleur, puis la touche lentement. Elle est trĂšs sĂ©rieuse. Elle cherche visiblement Ă  comprendre. Elle regarde autour, ne voit pas d’autre fleur, elle la touche Ă  nouveau. Elle doit hĂ©siter Ă  la cueillir. Elle rĂ©flĂ©chit et se met Ă  regarder au loin avec ses grands grands yeux bruns qui deviennent Ă  la fois intenses et presque rĂȘveurs. On se dit qu’elle a, Ă  ce moment-lĂ , le visage et le regard qu’elle aura plus tard, quelque chose de presqu’absent Ă  force de concentration et de rĂ©flexion. Comme quand elle emboite des choses avec prĂ©cision ou comme quand elle fera des puzzles avec passion. Elle est encore une toute jeune enfant et on pressent tout cela, on la voit quand elle aura trente ans. 16 novembre 2020 Une dame d’une cinquantaine d’annĂ©es qui se promĂšne au bord de la mer. Elle est assez petite, avec les cheveux d’un noir de jais assez courts et frisĂ©s. Elle est habillĂ©e d’un jean Levi’s serrĂ©, d’un tee-shirt Ă  manches longues noir et d’une doudoune, sans manches, noire et brillante. Elle a une assez longue Ă©charpe fine, rose avec des motifs floraux trĂšs pĂąles, nouĂ©e sur le devant. Aux pieds, elle porte des hautes baskets blanches. On voit peu son visage avec le large masque noir et les grandes lunettes de soleil. On l’entend parler et on pense qu’elle dialogue avec la jeune femme qui marche avec elle, pourtant elle dit allez, les filles, vous ĂȘtes un peu fatiguĂ©e, hein ? On va faire demi-tour ». On voit alors qu’elle parle Ă  deux petits chiens qu’elle tient en laisse. Ce sont deux tout petits chiens de couleur sable, avec une tĂȘte un peu Ă©crasĂ©e et des grands yeux presque globuleux. Pendant toute la promenade, elle parlera sans cesse Ă  ses filles » et ne parlera que d’elles Ă  l’autre personne notamment pour dire ce sont des chihuahuas, elles ont trĂšs mauvais caractĂšre». On comprend qu’elle utilise cette heure de promenade pour ses chiennes qui, comme elle l’explique, ont besoin de se dĂ©gourdir les pattes » et qui adorent l’air de la mer mais ne supportent pas de marcher dans les galets ». On ne sait si la jeune femme qui l’accompagne aime les chiens et pose des questions Ă  leur propos car elle parle trĂšs doucement. On a l’impression qu’elles ne se connaissent pas bien et que les chiens leur ont permis de faire connaissance. On regarde les deux filles » qui trottinent indiffĂ©rentes et se mettent Ă  sentir fiĂ©vreusement les pieds d’un banc et tirent sur leur laisse. Comme tous les chiens. 15 novembre 2020 Les bruits dans le chemin sont plus nombreux, les voix dans les jardins nous parviennent, la ville est un peu adoucie. C’est dimanche. Alors, comme il faut bien que quelque chose vienne rythmer les jours et les semaines, le dimanche, il n’y aura pas de description. Un rituel inversĂ©, une scansion par le silence. 14 novembre 2020 Une vieille dame qui s’appuie sur une moto rouge. La vision est trĂšs Ă©trange et nous saisit au bas du chemin qui longe notre maison. Une moto sportive rouge y est souvent garĂ©e devant un petit portail toujours fermĂ©. DerriĂšre le portail des escaliers doivent mener Ă  une maison. La vieille dame, que l’on avait jamais vue, est appuyĂ©e sur la moto avec beaucoup d’assurance, son torse au niveau de la selle et elle a un bras appuyĂ© sur le haut rĂ©servoir. De l’autre cĂŽtĂ©, elle a posĂ© son sac Ă  main sur l’arriĂšre de la selle et de sa main, tient une longue canne. Elle est habillĂ©e pour sortir et, malgrĂ© la douceur du printemps, elle a un manteau bleu clair boutonnĂ©, un foulard, qui est peut-ĂȘtre en soie, bleu foncĂ© nouĂ© autour du cou et rentrĂ© dans l’encolure du manteau. Aux pieds, elle a de courtes bottines dont on peut se demander si elle ne sont pas fourrĂ©es. Elle est assez menue, elle a les cheveux courts et une mise en plis en petites boucles. Le petit portail est ouvert et on comprend qu’elle a dĂ» descendre de sa maison par lĂ  et qu’elle doit attendre quelqu’un ou qu’une voiture passe la prendre, fatiguĂ©e, elle s’appuie sur la moto. Le rouge trĂšs vif, la brillance du mĂ©tal et le design affutĂ© viennent heurter la douceur un peu passĂ©e de la vieille dame. Pourtant, elle semble trĂšs Ă  l’aise et mĂȘme assez contente semble-t-il. On se dit que peut-ĂȘtre elle aime les motos, qu’elle en a fait beaucoup, qu’elle est une passionnĂ©e de courses. On pressent une assurance ancienne dans sa maniĂšre d’ĂȘtre adossĂ©e au bolide, une libertĂ©, qui nous ravit. 13 novembre 2020 Une famille dans le chemin qui longe votre maison. Ils sont cinq, les parents et trois garçons. On les entend avant de les voir. Les jeunes garçons semblent se courir aprĂšs, on perçoit leurs rires, leurs cris et ils dĂ©valent la pente. Les parents marchent d’un bon pas. On entend le pĂšre dire il faudrait qu’on les appelle, on le les voit plus, il y a la route en bas ». Elle ne rĂ©pond pas, peut-ĂȘtre acquiesce-t-elle d’un geste car il crie les enfants, les enfants, venez ». Ils rĂ©pondent oui » en chƓur et remontent la route toujours en courant et en s’attrapant. Ils arrivent Ă  la hauteur de leurs parents essoufflĂ©s. On les dĂ©couvre Ă  ce moment-lĂ . Les trois garçons sont tous les trois habillĂ©s pareil d’un jean et d’un tee-shirt Ă  manches longues bleu, ils sont une doudoune lĂ©gĂšre nouĂ©e autour de la taille bleu marine et des baskets. Ils doivent avoir environ cinq, huit et dix ans. Les parents sont habillĂ©s simplement de jean, elle a un chemisier blanc assez large et lui un tee-shirt blanc. A leur pieds les mĂȘmes baskets blanches, lui portant un lĂ©ger sac Ă  dos. Elle tient Ă  la main quelques fleurs ramassĂ©es plus haut sur le bord du chemin. Ils sont Ă©tonnants d’harmonie et mĂȘme un peu inquiĂ©tants. On pense aux images publicitaires avec des familles parfaites en train de gambader dans les champs pour nous vendre de la lessive ou des cĂ©rĂ©ales de petit-dĂ©jeuner. Ce qui rend la scĂšne diffĂ©rente est qu’ils sont tous masquĂ©s. Mais tous les masques sont “faits maison” en tissu bleu clair. Cela nous fait sourire de voir que la volontĂ© d’un accord colorĂ© pastel va jusque-lĂ . Ils sont rĂ©unis devant notre portail et les enfants boivent de l’eau Ă  la bouteille. Ils discutent posĂ©ment un moment et dĂ©cident de prendre le petit chemin qui part sur la droite. DĂšs la dĂ©cision prise, on voit les enfants courir en poussant des hurlements. On les entend Ă  nouveau rire et crier. Cela nous rassure. 12 novembre 2020 Un homme dĂ©jĂ  ĂągĂ©. Il semble grand car il est trĂšs maigre. Il est habillĂ© d’un jean Levi’s classique assez neuf et d’un pull marine Ă  col en V sur un tee-shirt blanc. Au pied, des chaussures en cuir naturel de style anglais. Il est Ă  la fois cool et Ă©lĂ©gant et porte bien une certaine nonchalance. Au bout de ce corps comme une tige frĂȘle, une tĂȘte assez longue avec un menton fort, deux yeux bruns et une touffe de cheveux Ă©trange. Ils sont frisĂ©s, avec une couleur chĂątain un peu indĂ©finie, et certainement teints,Ă©tant donnĂ© son Ăąge, et leur longueur cache qu’ils sont clairsemĂ©s. On a le sentiment Ă  le voir que c’est un grand timide qui bouge avec maladresse. Autour de lui on s’empresse pour l’aider, lui expliquer comment ça marche zoom, instagram, facebook pour qu’il puisse chanter. On le sent mal Ă  l’aise mais en mĂȘme temps dans ses gestes flous, on perçoit des gestes dĂ©cidĂ©s, la guitare, le micro, le coup d’Ɠil aux autres musiciens, le regard dans la camĂ©ra, tout d’un grand professionnel. On ne sait si cet air empĂȘtrĂ© est celui qui se donne pour coller Ă  son image ou bien si c’est vraiment comme cela qu’il bouge et que ce n’est que dans son mĂ©tier qu’il sait se dĂ©brouiller avec le rĂ©el. On se dit que face Ă  ces images dĂ©versĂ©es chez nous qui voudraient nous montrer du vrai, on ne sait plus du tout comment regarder ce que l’on voit. MĂȘme si on est sensĂ© surprendre cet homme public chez lui, tout est pensĂ© et tout a Ă©tĂ© Ă©videmment minutieusement prĂ©parĂ©. Heureusement qu’il se met Ă  chanter car on a failli s’échapper pour ne plus regarder une image faussĂ©e dans une fausse situation. 11 novembre 2020 C’est d’abord un bruit. On ne l’entend que la journĂ©e, il est assez proche derriĂšre la premiĂšre rangĂ©e d’arbres. Au dĂ©but, quand on est arrivĂ©e, on n’y a pas prĂȘtĂ© attention puis quand on a cherchĂ© ce que ça pouvait ĂȘtre, on a vite compris. Poc, poc, poc, poc, poc, parfois pendant trĂšs longtemps. On a associĂ© le bruit aux cours de tennis universitaires en contrebas. On a pris l’habitude d’écouter. On arrive maintenant Ă  faire la diffĂ©rence entre les entraĂźnements et les matchs. Lors des entraĂźnements, les Ă©changes sont trĂšs longs, parfois nous semblent infinis. Alors que lors de matchs, les Ă©changes sont courts et ponctuĂ©s de cris ; des cris d’efforts, des cris de dĂ©pits, des injures, des exclamations arrivent jusqu’à nous comme une maniĂšre d’humaniser le tempo abstrait du poc. On finit par reconnaĂźtre certains joueurs rĂ©guliers. Il y a une jeune femme qui pousse un grand cri Ă  chaque coup que l’on a surnommĂ©e Monica Seles, il y a un homme qui chaque fois qu’il perd un point lance un tonitruant “et, merde”, il y a deux hommes qui jouent souvent l’un contre l’autre et qui se parlent, qui rient, il y a un jeune homme qui dit “oh, non” en appuyant longuement sur le on et tous les cris de joie quand ils gagnent. Et puis il y a l’entraĂźneur, on l’entend peu mais parfois, il dit “mais, non” sonore et sec. On entend parfois mĂȘme, quand le vent est favorable, la diffĂ©rence entre les coups suivant comment est frappĂ©e la balle. Savoir la prĂ©sence des joueurs que l’on imagine courant, suant, Ă  deux pas de nous, nous suffit. On n’a jamais eu envie d’aller voir, on prĂ©fĂšre rester dans la distance avec le bruit comme un mĂ©tronome qui scande doucement nos journĂ©es. 10 novembre 2020 Une trĂšs vieille dame qui se promĂšne dans le marchĂ© des antiquaires. Elle est chaussĂ©e de baskets montantes, compensĂ©es, avec des dĂ©corations dorĂ©es et des lacets rose vif. Elle est ensuite habillĂ©e d’un pantalon moulant ou d’un legging lĂ©opard et d’un haut large, en un tissu souple, avec des motifs floraux de toutes les couleurs. Elle est coiffĂ©e d’un chapeau trĂšs large qui fait penser Ă  une capeline rouge avec un ruban noir. Elle n’est pas grande, voutĂ©e et doit ĂȘtre assez maigre car, mĂȘme s’il est trĂšs serrĂ©, son pantalon flotte un peu. Elle marche lentement et fait le marchĂ© sĂ©rieusement, se penche, regarde tout et trĂšs souvent parle avec les marchands dont certains semblent bien la connaĂźtre. Sa tenue extravagante fait se retourner les gens mais elle n’a pas l’air du tout de s’en apercevoir. On la perd de vue. On est Ă©tonnĂ© de la retrouver presqu’à la fin du marchĂ© qui est pourtant grand. Elle n’a rien achetĂ©. On pense qu’elle aussi fragile que ce qui est exposĂ© et avec amusement, on se dit qu’elle est certainement aussi vieille que certains objets. D’ailleurs, elle regarde des objets qui ne sont pas les plus beaux, les plus anciens, mais plutĂŽt des objets du quotidien, des pots, des assiettes, des tissus, des nappes, des chemises blanches brodĂ©es. On se demande si elle ne vient pas lĂ  pour retrouver chaque semaine des choses de son passĂ© auquel elle rend hommage dans ses beaux habits chamarrĂ©s. 9 novembre 2020 Un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es dans un magasin qui fabrique et vend des sandales depuis de longues annĂ©es dans le centre d’une petite ville trĂšs touristique. La boutique est jolie et Ă©lĂ©gante et met en Ă©vidence le savoir faire ancien de cette marque en ayant une baie vitrĂ©e qui donne sur les ateliers oĂč des gens travaillent le cuir. Il est habillĂ©e d’un pantalon brun Ă  pinces, en coton lĂ©ger, d’une chemisette blanche repassĂ©e et est, bien entendu, chaussĂ© de sandales en cuir naturel de la marque. Il est masquĂ© mais on voit quand mĂȘme Ă  ses yeux et les rides de son front, au ton de sa voix haut perchĂ©e, qu’il veut montrer qu’il est le chef de la boutique et que les deux jeunes femmes sont ses assistantes. Quand on arrive, habillĂ©e simplement, le vendeur nous regarde Ă  peine et se consacre aux deux clientes dĂ©jĂ  prĂ©sentes qui font sortir des dizaines de sandales. Une des deux jeunes femmes s’approchent de nous. Quand il comprend que nous ne sommes pas lĂ  pour visiter la boutique mais pour acheter des sandales, il se prĂ©cipite vers nous, fait un petit signe Ă  la jeune femme qui s’efface. Il nous dit vous avez vos mesures pour la maison ? » avec un ton hautain. Il prend vos mesures et vous apporte des sandales comme s’il vous rendait un service. Vous vous demandez comment il fait s’il porte le mĂ©pris en bandouliĂšre au quotidien alors qu’il fait juste son mĂ©tier. On se dit qu’il aurait voulu autre chose, qu’il a rĂȘvĂ© d’un ailleurs et qu’il ne peut empĂȘcher cette amertume de teinter toutes les jolies chaussures. 8 novembre 2020 Une femme d’un certain Ăąge dans les rues d’une grande ville, elle doit avoir au moins soixante ans. Elle est assez petite et menue. Ses cheveux sont longs, trĂšs noirs avec les pointes rouges vifs. Elle porte une chemise lĂ©gĂšre dont on s’aperçoit qu’elle est faite de deux grands foulards noirs avec des motifs rouges. Les deux foulards sont juste nouĂ©s sur les Ă©paules et tenus par une ceinture en cuir ou simili cuir assez Ă©paisse et noire Ă  la taille. Quand elle marche, on entraperçoit son buste sous les bras et on voit qu’elle est nue dessous. Un legging noir trouĂ© volontairement par des scarifications horizontales sur les cuisses et les genoux complĂšte sa tenue. Aux pieds, elle a des baskets Ă  talons compensĂ©s noires. Elle marche dans la rue comme si elle dĂ©filait sous le regard des gens attablĂ©s aux terrasses des cafĂ©s. On ne sait si elle cherche Ă  ĂȘtre provocante ou si elle a juste envie d’ĂȘtre regardĂ©e. Elle ne semble pas du tout ressentir les moqueries de certains dites Ă  mi-voix. On voit que sa dĂ©marche que l’on croyait volontairement lente, est en fait lourde et que son corps pourtant mince est comme tassĂ©. Elle traĂźne ses Ă©normes baskets et Ă  chaque pas oscille dedans. On pense au culbuto ». Elle semble, en rĂ©alitĂ©, assez indiffĂ©rente aux regards sur elle comme si l’attention portĂ©e Ă  sa tenue tenait plus de la survie, de la volontĂ© de ne pas dĂ©river. De lutter contre une dĂ©faite. Chaque pas comme un baroud d’honneur. 7 novembre 2020 Un petit palmier, mais haut, tout droit. AprĂšs avoir beaucoup cherchĂ© pour essayer de savoir s’il Ă©tait un palmier de Washington, du Mexique ou un chamaerops, il semblerait que ce soit un palmier de Chine rustique et dont trĂšs courant en Occident ». Il a un trĂšs long tronc, fin et les palmes forment comme un plumeau perchĂ© au sommet. Il est en bordure d’une planche dans un jardin et il se dĂ©tache donc tout seul sur le paysage. A son pied, une plante assez basse, laissant toute sa hauteur se dĂ©ployer seule. Il contraste avec le reste du jardin plutĂŽt dense. Quand on le regarde, il fait un peu de peine, il frise le ridicule. On ne peut jamais le voir sans l’arriĂšre plan de la maison, ou de la colline et ses constructions ou devant le ville et la mer, suivant le point de vue. Evidemment, c’est quand il est devant l’arc presque parfait de la baie et la mer qu’il est le plus beau, qu’on comprend qu’il ait Ă©tĂ© plantĂ© lĂ . Mais ses proportions et son isolement en font un arbre un peu dĂ©gingandĂ©, comme un adolescent trop vite poussĂ©. Il a un camarade sur la colline d’en face qui est exactement dans la mĂȘme position mais encore plus haut et qui se dĂ©tache donc seul sur la ligne de crĂȘte. Quand il y a du vent, ses branches craquent et se frottent entre elles avec un bruit trĂšs caractĂ©ristique, comme un crissement qui Ă©voque un doux bruit de batterie ou un criquet. C’est ce son qu’on attend chaque matin quand le vent souffle, ce son presque animal, entre exotisme et familiaritĂ© qui fait que cet arbre bruissant se dĂ©ploie et trouve sa place. 6 novembre 2020 Une jeune femme dans le chemin devant chez vous. Elle est habillĂ©e d’une doudoune grise, courte et lĂ©gĂšre sur un haut blanc, d’un pantalon beige serrĂ© aux chevilles et de baskets blanches Ă  lacets. Elle est coiffĂ©e d’une courte queue de cheval, et porte des petites lunettes sur un visage plutĂŽt rond avec une fossette au menton. Elle ne court pas mais marche Ă  vive allure dans la descente. Elle a Ă  la main une laisse de cuir brun. On ne voit pas de chien aux alentours. Elle s’arrĂȘte et siffle Ă  plusieurs reprises puis en soufflant, remonte la rue toujours en sifflant. Elle vous salue et continue. Elle doit remonter presque toute le chemin. Elle finit par appeler allez, Pepsi, viens, Pepsi ». Tout Ă  coup, un chien blanc qui ressemble Ă  un chien loup mais plus fin, surgit comme s’il s’était cachĂ© derriĂšre un mur, il la regarde, aboie, et file en courant dans le chemin qui descend. Elle dit mais non, Pepsi », le chien s’arrĂȘte, la regarde, et repart. On dirait vraiment qu’il lui fait des blagues et qu’il joue Ă  cache cache ou Ă  trap-trap. Elle repasse en courant devant vous et en riant, elle vous redit bonjour et elle continue en criant Pepsi, si tu continues, je ne joue plus ». Cette phrase vous ramĂšne dans les cours de rĂ©crĂ©ation Ă  ceux qui chaque fois qu’ils perdaient, qu’ils Ă©taient le chat » , dĂ©cidaient de ne plus jouer ou de changer les rĂšgles du jeu. Un parfum de l’enfance qui remonte dans le silence de la ville. 5 novembre 2020 Une voix amie au tĂ©lĂ©phone. Vous ne vous connaissez pas depuis longtemps, vous vous ĂȘtes rencontrĂ©es dans votre milieu professionnel commun et vous avez tout de suite sympathisĂ©. Peu Ă  peu vous ĂȘtes devenues alliĂ©es, puis copines et enfin amies. Vous ne travaillez plus ensemble mais vous continuez Ă  vous appeler de temps en temps. A peine les premiers mots banals Ă©changĂ©s, elle commence Ă  parler Ă  toute vitesse sans reprendre son souffle et vous assomme de rĂ©cits dĂ©taillĂ©s de son quotidien de travail qui a Ă©tĂ© le vĂŽtre, mais qui ne l’est plus. Vous avez du mal Ă  suivre mais vous essayez vaillamment. Elle raconte les luttes autour de son poste et de ses fonctions dont elle doit bien avouer que cela ne va pas si bien. Vous vous rendez compte que toutes ses phrases commencent par comme je l’avais dit ». Elle est sans cesse en train d’essayer d’affirmer Ă  tout prix qu’elle avait prĂ©vu, anticipĂ©, annoncĂ©, qu’elle n’a pas Ă©tĂ© Ă©coutĂ©e, qu’elle savait. Quand elle se met Ă  parler de tout cela et de plus en plus vite, sans que vous ne disiez un mot, sa voix dĂ©jĂ  trĂšs aigĂŒe, monte encore. Vous avez le sentiment qu’elle s’énerve toute seule comme si votre prĂ©sence muette l’obligeait Ă  se justifier alors que vous ne lui demandez rien sinon comment elle va. Justement. Vous vous apercevez qu’elle n’a pas dit un mot d’elle en rĂ©alitĂ©. De ce que vous savez de sa solitude. Elle parle, elle meuble, elle joue la montre, pour ne pas vous rĂ©pondre, pour ne pas dire. Pour elle, ce serait comme un aveu, et elle ne veut pas. Vous ĂȘtes inquiĂšte. 4 novembre 2020 Un homme avec un tee-shirt blanc, un long tablier bleu plastifiĂ© et des haute bottes en caoutchouc se tient devant son petit Ă©tal de poisson. Il est seul sur le parking d’une jardinerie dans les collines au dessus de la ville, il est prĂšs de son petit camion frigorifique et s’abrite sous un parasol rond, assis sur une chaise. Quand vous vous approchez, il se lĂšve, vous lui demandez d’oĂč vient le poisson. Il rĂ©pond prĂ©cisĂ©ment et tous les poissons viennent de l’Atlantique alors que vous ĂȘtes au bord de la MĂ©diterranĂ©e. Vous vous Ă©tonnez et vous pensez au poissonnier dans AstĂ©rix dont le poisson ne vient que de LutĂšce en char. Il vous rĂ©pond qu’il a aussi un Ă©tal dans le grand marchĂ© du centre ville que sa femme tient et que lĂ , ils ont tout le poisson de pĂȘche locale pour les connaisseurs. Il dit qu’ici les gens s’arrĂȘtent rapidement et prennent du poisson facile Ă  cuire et Ă  manger, c’est pour cela qu’il a beaucoup de poisson blanc en filets. Il a l’air un peu triste en regardant son Ă©tal, il prĂ©fĂ©rerait certainement ĂȘtre dans la vie bruyante du grand marchĂ©. Mais il raconte qu’il a de nombreux habituĂ©s qui n’iraient jamais dans le centre ville et qu’au moins ceux-lĂ  ne vont pas acheter leur poisson au supermarchĂ©. Cela le rend joyeux de vous dire cela. Vous lui achetez du poisson. 3 novembre 2020 Une voix amie au tĂ©lĂ©phone. Une amitiĂ© trĂšs ancienne qui s’est peu Ă  peu dĂ©faite mais qui perdure d’anniversaire en fĂȘte. La conversation dĂ©marre en se racontant oĂč on en est, ce qu’on fait en reconstruisant les parcours de chacune, le travail, oĂč en sont les enfants, les choix de vie tellement diffĂ©rents de l’une et l’autre. Comme si vous Ă©tiez autour d’un cafĂ©, vous vous connaissez assez bien pour que peu Ă  peu la distance disparaisse comme si vous vous Ă©tiez quittĂ© il y a peu. Pourtant Ă  un moment, quand elle dit oui et comme tu l’as dit », vous vous rendez compte que non, ce n’est pas ce que vous avez dit. Alors vous la reprenez et reprĂ©cisez votre pensĂ©e et elle continue comme si vous n’aviez rien ajoutĂ©. Peu Ă  peu, Ă  petits coups de distorsion de ce que vous avez dit, de ce que vous avez vĂ©cu, de ce que vous auriez pu penser, vous vous rendez compte que la conversation est complĂštement chaotique. De plus en plus, elle se met Ă  surinterprĂ©ter tout ce que vous avez dit et Ă  partir de lĂ , Ă  tenir une discours incohĂ©rent entre la divagation et des affirmations autoritaires presque dĂ©lirantes. Vous ne parlez plus. Vous essayez que votre silence empĂȘche son soliloque de se nourrir de vos mots. Vous Ă©coutez cette dĂ©rive et vous pensez Ă  sa solitude. Vous ĂȘtes inquiĂšte. 2 novembre 2020 Deux femmes Ă  la table d’un restaurant. La premiĂšre, blonde, ronde, avec une robe assez large et fleurie, est restĂ©e longtemps seule Ă  l’attendre en tĂ©lĂ©phonant. Quand la deuxiĂšme arrive, elle-mĂȘme est au tĂ©lĂ©phone et s’affale sur sa chaise tout en parlant. Quand elles ont fini tous les deux, la nouvelle venue, brune, en tailleur noir avec une chemise blanche au dĂ©colletĂ© vertigineux, s’excuse et raconte par le menu Ă  l’autre tout ce qui lui est arrivĂ© et qui a gĂ©nĂ©rĂ© son retard. L’autre Ă©coute poliment. La brune parle beaucoup et prend la carte. L’autre, qui avait dĂ©jĂ  regardĂ©, dit qu’elle va prendre le poulpe. La nouvelle venue s’exclame qu’elle a horreur de ça, que prendre un plat, le midi, c’est de la folie, en plus avec une garniture de pommes de terre et qu’elle, elle va prendre un poisson. Pendant qu’elles attendent leur plat, la blonde explique qu’elle a du diabĂšte Ă  l’autre qui, immĂ©diatement, rĂ©pond qu’elle connait un mĂ©decin qui est spĂ©cialiste du diabĂšte et qu’elle l’appelle tout de suite. La femme blonde l’arrĂȘte et lui dit qu’elle est soignĂ©e Ă  l’hĂŽpital et que tout va bien. La femme brune ne s’arrĂȘte plus de lui donner des conseils, de lui donner des noms de plantes, de lui affirmer qu’elle doit absolument changer de mode de vie, et mĂȘme de vie. L’autre Ă©coute patiemment et est trĂšs soulagĂ©e quand elle voit arriver les plats. Le plat de poisson est Ă©norme mais le femme blonde l’attaque vaillamment comme si de rien n’était et continue sa litanie de conseils. A un moment donnĂ©, elle demande je peux ?» et commence Ă  piquer des pommes de terre dans le plat de poulpe de son amie. Celle-ci Ă©clate de rire et, dans son fou rire, dit je t’en prie ». 1 novembre 2020 Une jeune femme et son compagnon sont assis Ă  une petite table d’un restaurant en compagnie d’une jeune femme anglaise entourĂ©e de valises. Ce restaurant est au bord de la mer et la jeune femme est assise face Ă  la vue, son compagnon et la jeune anglaise sont face Ă  face et doivent donc tourner la tĂȘte pour voir la mer. La jeune femme se tourne souvent vers la jeune anglaise et lui commente la vue incroyable. On comprend que la jeune anglaise vient d’arriver de l’aĂ©roport et que c’est la premiĂšre fois qu’elle vient dans cette ville. La conversation se fait en anglais mais la jeune anglaise parle peu, elle a l’air fatiguĂ©e, le couple parle avec animation et l’oublie parfois. Celle-ci de temps en temps, presque subrepticement, se tourne vers la mer et la regarde une main devant les yeux. Quand elle va aux toilettes, la jeune femme dit Ă  sa compagnon qu’elle ne comprend pas, qu’elle a l’impression que leur amie n’a pas l’air d’ĂȘtre contente d’ĂȘtre lĂ . Son compagnon rit et lui rĂ©pond que leur amie s’est levĂ©e Ă  quatre heures du matin et que si elle voulait que leur amie profite de la vue, elle aurait pu lui laisser la place face Ă  la mer plutĂŽt que de se prĂ©cipiter dessus. Elle sait qu’elle aurait dĂ» faire cela mais elle n’a pas pu s’en empĂȘcher, elle n’aime pas qu’on le lui dise. Elle plonge le nez dans son assiette et n’ouvre plus la bouche. Elle se dit que la prochaine fois, elle fera attention. Elle-mĂȘme n’y croit certainement pas mais, du coup, elle redresse la tĂȘte et dĂ©cide de jouir de la vue quand mĂȘme, pendant que les deux autres se dĂ©vissent la tĂȘte. Tant qu’à faire autant en profiter. 31 octobre 2020 Un couple avec une petite fille sont assis Ă  la table d’une buvette dans un parc de la ville. Ils sont assez jeunes, habillĂ©s simplement. La petite fille doit avoir six ans, elle est de dos, on voit juste ses pieds qui se balancent dans ses baskets blanches et son gilet rose. Autour des enfants font du manĂšge, des gens passent en courant, des couples boivent des cafĂ©s, des amis se retrouvent, des petites filles jouent Ă  la dĂźnette avec de la boue, un homme seul lit. Leur table est petite en plastique vert, et sur cette table carrĂ©e, ils jouent aux dominos. Leurs consommations sont poussĂ©es sur le cĂŽtĂ© et ils sont en plein dans leur partie. La petite fille est trĂšs concentrĂ©e et s’agace quand ses parents parlent d’autres choses ou sont distraits par ce qui se passe aux alentours. Ils sont installĂ©s lĂ , comme s’ils Ă©taient chez eux mais sous les oliviers et les pieds dans l’herbe. Quand on les voit, on pense aux parcs en Chine avec les couples qui dansent, les joueurs de dominos et de mahjong et les hommes qui font chanter leur criquet. Ces gens occupant pleinement les jardins publics qui deviennent comme une grande piĂšce commune. Cette maniĂšre de s’installer et de se cĂŽtoyer ici et lĂ -bas, nous donne de la joie et un peu de courage. 30 octobre 2020 Un homme qui doit avoir une soixantaine d’annĂ©es. Cela fait des annĂ©es qu’on le voit dans notre tĂ©lĂ©viseur. On sait qu’il est trĂšs grand, plutĂŽt costaud avec parfois un embonpoint, il a un visage long, avec un grand sourire, un nez droit, des yeux trĂšs bleus et les cheveux blancs en arriĂšre sur un grand front. Il est souvent habillĂ© en casual » chic. Il montre des maisons, des meubles, des objets en un temps donnĂ© avec l’objectif avouĂ© de valoriser le travail de ceux qui ont Ă©tĂ© choisis. Pour cela, il est terriblement maladroit. On le voit face Ă  un jeune Ă©bĂ©niste qui montre avec simplicitĂ© ce qu’il fait et il lui dit avec un enthousiasme surjouĂ© mais, alors vous ĂȘtes un crĂ©ateur, un artiste !» et le jeune homme lui rĂ©pond que non, pas du tout », qu’il est un artisan et qu’ĂȘtre artiste, c’est autre chose et que lui, il a justement choisi d’ĂȘtre un artisan. Il reste un moment Ă©bahi. Cet homme n’ait pas encore compris qu’en voulant donner Ă  toute force Ă  tous le titre d’artiste, il dĂ©valorise les mĂ©tiers, les gestes, les savoirs et les choix de ceux qu’il semble dĂ©fendre, comme si ce qu’ils sont n’était pas suffisant. On se demande si en faisant cela, il ne veut pas s’inventer en dĂ©couvreur d’art et d’artistes, ne se satisfaisant pas de cette maniĂšre simple de faire des belles choses et voulant donner un autre statut Ă  l’émission qu’il prĂ©sente. Personne ne semble lui dire qu’il se trompe. 29 octobre 2020 Un homme assis Ă  son bureau. On voit qu’il est jeune, trĂšs jeune mĂȘme malgrĂ© son masque et sa blouse blanche. Il est d’un blond presque blanc et a des yeux verts, c’est quasiment tout ce qu’on voit de lui. Il vous demande de vous assoir, de dire ce qui vous amĂšne et vous Ă©coute. TrĂšs vite, il soupire en disant que ce qui a Ă©tĂ© fait avant lui a Ă©tĂ© mal fait, qu’il ne comprend pas qu’on continue Ă  faire comme cela, que c’est dĂ©passĂ©. Il ne regarde mĂȘme pas vos anciennes analyses et images mĂ©dicales. Il vous demande de vous installer dans sa machine. Vous devez enlever votre masque. Vous le remettez vite aprĂšs pour qu’à nouveau vous soyez tous les deux Ă  Ă©galitĂ©. Il vous pose quelques questions sans mĂ©nagement. Il vous inquiĂšte. Il le sent et il s’en moque, il ne cherche absolument pas Ă  vous rassurer, ce qui lui importe est de bien montrer que lui, il sait et qu’il va faire mieux. Vous ne savez s’il faut mettre cela sur la compte de la jeunesse ou sur l’inĂ©vitable lutte entre mĂ©decins, radiologues, spĂ©cialistes dont vous ĂȘtes le jouet depuis des annĂ©es. Prise entre la lassitude et l’indulgence, vous repartez quand mĂȘme avec l’inquiĂ©tude qu’il a instillĂ©e en vous. Il n’en a cure, les clichĂ©s sont parfaits. 28 octobre 2020 Une trĂšs jeune femme marche dans les rues d’une grande ville avec un homme jeune, aussi. Ils parlent avec animation. Elle est entiĂšrement habillĂ©e d’une robe et d’un voile vert d’un seul tenant qui lui couvrent tout le corps et les cheveux. Son visage trĂšs blanc est mis en valeur par la couleur d’un vert soutenu qui l’entoure entiĂšrement. Elle a un sac Ă  dos en cuir noir sur une Ă©paule et est chaussĂ©e de baskets noires montantes en tissu Ă©lastique sur une semelle blanche. Elle pousse une trottinette Ă©lectrique noire assez haute. A un carrefour, il s’arrĂȘtent et continuent de parler. Puis elle met son sac Ă  dos sur ses Ă©paules, monte sur sa trottinette et part. Elle a un grand sourire aux lĂšvres et va assez vite. La robe dĂ©ployĂ©e comme des ailes, vole de chaque cĂŽtĂ© de son corps avancĂ© et trĂšs droit. Elle semble s’ouvrir majestueusement un chemin dans la ville devenu un espace de libertĂ©. Elle s’éloigne ailĂ©e, avec une aisance Ă  la fois citadine et sauvage. On pense Ă  la Victoire de Samothrace et Ă  cet Ă©lan joyeux que l’on ressent chaque fois qu’on la redĂ©couvre perchĂ©e. Des figures de proue au corps dressĂ© qui fendent l’espace et dessinent des lignes de fuite fulgurantes. 27 octobre 2020 Une petite fille de cinq ans sur un manĂšge. Elle a des cheveux frisĂ©s chĂątains, un petit visage fin, un peu pointu, et est habillĂ©e simplement d’un pantalon noir et d’un tee-shirt rose. A ses pieds, des petites baskets blanches. Elle est avec une copine du mĂȘme Ăąge. Le manĂšge est ancien avec des chevaux de bois qui montent et descendent, des calĂšches, 
 En arrivant la petite fille s’arrĂȘte, regarde et voit que sa copine va vers les chevaux, elle hĂ©site et va dans une calĂšche. Quand le manĂšge part, on voit qu’elle se tient fermement alors que la calĂšche ne bouge pas. Elle se dĂ©tend peu Ă  peu et finit par sortir la tĂȘte et regarde sa copine qui monte et descend sur son cheval. Quand le tour est fini, elles peuvent en faire un autre. La petite fille hĂ©site Ă  nouveau. Sa copine va vers une sorte de nacelle qui tourne, la petite fille fait un pas vers la nacelle, regarde les chevaux, et puis trĂšs vite, elle crie moi, j’adore la calĂšche » et y retourne en s’y jetant presque. On comprend qu’elle a peur, qu’elle n’aime pas quand ça bouge, quand ça tourne, qu’elle a besoin pour profiter du manĂšge d’ĂȘtre dans un endroit qui la rassure, le doux mouvement de celui-ci lui suffit pour rĂȘver. Comme on la comprend. 26 octobre 2020 Une femme assise sur un banc dans un jardin public d’une grande ville. Elle est Ă  l’ombre d’un des nombreux oliviers. Elle a de longs cheveux frisĂ©s, Ă©pais, de couleurs roux foncĂ© qui nous fait penser Ă  un hennĂ© et une frange dense prĂšs des yeux. Le visage est marquĂ©, elle a les yeux fait avec du noir assez dense et une bouche large. Elle porte des baskets brunes, un jean assez serrĂ©, un chemisier avec de larges motifs rouges et une veste courte en cuir marron. De loin, on la voit bouger et faire des gestes avec une main. Dans l’autre main, elle tient un tĂ©lĂ©phone portable devant elle et on entend distinctement ce que dit son interlocutrice. Elle a mis le haut-parleur et parle elle-mĂȘme au tĂ©lĂ©phone comme si c’était quelqu’un. Tous les promeneurs peuvent entendre leur conversation. Elle essaie souvent d’interrompre l’autre qui semble parler beaucoup en disant et oui, et oui, quel malheur, et comme je te le disais,  ». Elle reprend et il faut faire avec, hein, moi, c’est pareil, ce que j’en dis.. ». On a l’impression d’entendre depuis toujours ces ritournelles des conversations autour d’un cafĂ©, d’une ricorĂ© » ou d’une verveine. Elle est seule sur son banc. Elle fait comme si. 25 octobre 2020 Un homme autour de soixante ans est assis Ă  la table d’un restaurant avec quatre autres personnes, deux femmes et deux hommes. Les deux femmes sont arrivĂ©es bien avant les trois hommes et avaient dĂ©jĂ  commencĂ© leur repas. L’homme semble assez grand, a un visage fin avec un nez assez fort, les cheveux blancs, ondulĂ©s et en arriĂšre, il parle avec un accent prononcĂ© de la ville oĂč nous sommes. Il est habillĂ© d’une chemise grise et d’une doudoune » sans manches, gris foncĂ©. A voir la familiaritĂ© qu’il a avec sa voisine, on comprend que c’est sa femme mais les deux femmes continuent leur repas en parlant entre elles, pendant que les trois hommes commandent, tous les trois la mĂȘme chose. Quand arrive son filet avec un beurre aux herbes, de la purĂ©e et un peu de mesclun », il regarde son plat d’un air dubitatif. Puis il prend la salade avec sa fourchette et la met d’autoritĂ© dans l’assiette vide de sa femme qui avait fini de manger. Elle lui dit, sans le regarder, tu es vraiment impossible », mange la salade et poursuit sa conversation. Elle n’a pas tournĂ© la tĂȘte un instant vers lui. Il mange avec dĂ©lectation sa purĂ©e comme un gamin. 24 octobre 2020 Un couple avec une petite fille dans une salle d’attente. Les parents semblent trĂšs jeunes et le petite fille doit avec cinq ans. La mĂšre et la petite fille sont quasiment habillĂ©es de maniĂšre identique La mĂšre a une longue robe noire qui descend jusqu’à ses chevilles et un manteau marron clair d’une forme trĂšs classique. La petite fille Ă  un collant en laine, une jupe Ă  volants et un pull, tous noirs, et un petit manteau brun exactement de la mĂȘme tonalitĂ© que sa mĂšre. Un vrai manteau d’adulte miniature avec le mĂȘme boutonnage et les mĂȘmes poches. Mais aux pieds, la mĂšre a des baskets blanches alors que la petite fille a des petites chaussures noires. La mĂšre porte un hidjab brun clair, on dirait couleur marron glacĂ© », qui va trĂšs bien avec le reste de sa tenue. La petite fille est chĂątain clair avec les cheveux mi-longs qui sont retenus en une queue de cheval par un chouchou » noir avec des petites perles blanches. La petite fille se recoiffe sans cesse et finit par se dĂ©coiffer. Sa mĂšre la prend entre ses genoux et la recoiffe. A ce moment-lĂ , le mĂ©decin apparait et les appelle, elles lĂšvent toutes les deux la tĂȘte et le mĂ©decin reste bouche bĂ©e devant cet effet de poupĂ©e russe » qu’elles ont si bien rĂ©ussi. Il demande si mademoiselle » veut bien le suivre, la petite fille remet une mĂšche de ses cheveux, boutonne son manteau et s’avance fiĂšrement, seule. Il faudra que le mĂ©decin insiste pour qu’elle accepte que ses parents viennent avec elle. Elle grandit. 23 octobre 2020 Un homme qui a cinquante-cinq ans, il est assis Ă  un grand bureau sur une estrade devant un Ă©cran blanc. Sur la table, il y a toujours des lunettes, un tĂ©lĂ©phone portable, un verre en plastique plein d’eau, des feuilles blanches Ă©crites, un plateau et une petite bouteille d’eau. Il porte un costume gris foncĂ© et une chemise grise sur laquelle on voit un petit micro accrochĂ©. Il a un visage qui paraĂźt rond car il est presque chauve avec une couronne de cheveux et quelques cheveux dressĂ©s sur le sommet de la tĂȘte. Le visage est assez rouge, et on regarde sa bouche car il ne cesse de parler Ă  son auditoire, sans jamais faire de pause, et il articule trĂšs fortement, chaque mot. Il veut ĂȘtre bien entendu et donc compris. Ce qui est le plus marquant est comment il bouge malgrĂ© sa position assise. Il tourne sur le fauteuil et il se sert sans cesse de ses mains et de ses doigts pour ponctuer son discours. Dans la complexitĂ© de ce qu’il dit, ses mains nous guident et donnent corps Ă  sa pensĂ©e. Les moments oĂč il reste quasi immobile sont ceux, paradoxalement, oĂč il dit des choses qui ont une portĂ©e forte, politique, perturbante. L’amphithéùtre bruisse mais il veille bien Ă  n’en rien remarquer et poursuit. On le voit penser et penser par nous et pour nous. C’est captivant et Ă©mouvant. On apprend. 22 octobre 2020 Un jeune homme dans un marchĂ© couvert. Il tient un Ă©tal juste Ă  l’entrĂ©e de la partie complĂštement fermĂ©e. Son Ă©tal est trĂšs particulier car il n’y vend que quelques lĂ©gumes l’étĂ©, des tomates, et le reste du temps, des champignons et quelques fruits des bois, toujours dans des petits cartons. En plein milieu de l’hiver, des pommes de terre. Il vend aussi de l’huile d’olive qu’il dit du pays » mais dont on sait qu’elle vient de l’Italie proche. Il a fait des panneaux pour annoncer qu’il peut avoir des truffes sur commande. Il est trĂšs brun, le visage fin, souvent habillĂ© de noir avec des couches de vĂȘtements qu’il enlĂšve au fur et Ă  mesure de la matinĂ©e. Il est mince, pas trĂšs grand. Il parle sans arrĂȘt. MĂȘme quand il n’y a personne, il harangue, et quand il y a des clients, il commente tout ce qu’il fait, propose des autres produits, plaisante pour faire patienter. On se demande s’il est si joyeux que ça. Un sacrĂ© commerçant, un peu agaçant, parfois. Ses panneaux de prix sont faits sur des bouts de cartons arrachĂ©s Ă©crits au feutre, posĂ©s maladroitement. On voit qu’il n’y a rien de moderne chez lui, ni carte bleue, ni caisse automatique. On ne sait si c’est pour se dĂ©marquer et se donner un cĂŽtĂ© plus authentique, lui qui force sur son accent. On apprend que sa mĂšre tient la charcuterie Ă  dix mĂštres et son oncle et sa cousine tiennent l’étal de fruits et lĂ©gumes en face. On se dit qu’il est nĂ© lĂ , que sa vie est lĂ , qu’il aime faire ça comme ça et c’est tout. 21 octobre 2020 Une rue dans une petite ville d’Italie. Une double porte en mĂ©tal noir est surmontĂ©e d’un petit auvent en Ă©ternit ». Sur le mĂ©tal, un panneau avec le logo sens interdit » et une petite enseigne collĂ©e. Dessus, le nom et le mĂ©tier du propriĂ©taire, un plombier, cela doit ĂȘtre le local pour son matĂ©riel. Devant la double porte, une chaise de bois de type bistrot ». Autour, des Ă©tagĂšres qui donnent sur le trottoir, avec de multiples fleurs et plantes dans des pots. De prĂšs, on se rend compte qu’il y a un drĂŽle de mĂ©lange de fausses fleurs aux couleurs assez criardes, rouges, roses, jaunes et oranges, et des vraies plantes mises en terre dont certains sont fleuries comme des gĂ©raniums et des impatients ». L’ensemble est Ă©tonnant, car si on a pris l’habitude de voir des plantes sur les trottoirs et les façades autour des portes et fenĂȘtres dans les villes, celles-ci apparaissent sur un mur vide et autour d’une grand rectangle noir opaque. On se dit que la chaise doit ĂȘtre rĂ©guliĂšrement occupĂ©e par ce plombier qui plante des fleurs et tente ainsi de contrer la rudesse de la façade. Une attention jardinĂ©e pour pouvoir s’asseoir dans la rue, entourĂ© de ce halo de couleurs et de nature rassemblĂ©es comme une petite installation paysagĂ©e. 20 octobre 2020 Un homme entre cinquante et soixante ans Ă  la terrasse de restaurant du bord de mer dans une petite ville d’Italie. Il est avec sa femme. Il est assez grand, les cheveux gris en arriĂšre, les yeux bleus clairs et perçants, une chemise et un pull bleu jetĂ© sur les Ă©paules, un jean et des chaussures marrons en cuir retournĂ© qui nous ont d’abord fait penser qu’il Ă©tait italien. DĂšs son arrivĂ©e, alors qu’il n’est pas encore assis, il dit Ă  trĂšs haute voix, vouloir tout de suite un apĂ©ritif et comme sa femme dit ne pas encore avoir fait son choix, il dĂ©cide qu’elle allait prendre un verre de Prosecco. Ensuite, pendant tout le temps du repas, il ne cesse de parler comme s’il disait Ă  voix haute tout ce qui lui passe par la tĂȘte mais de maniĂšre un peu grandiloquente. Dans ce restaurant dont un des atouts est la vue, tous les deux se sont mis le dos Ă  la mer, regardant la salle alors que tous les autres clients sont tournĂ©s vers la mer et la plage. Du coup, ils nous regardent ou plutĂŽt, nous sommes obligĂ©s de les regarder et ils font partie du spectacle. Cela lui plaĂźt bien, il se gonfle d’importance et Ă  un moment donnĂ© il parle tellement fort qu’on tourne la tĂȘte, il nous prend Ă  tĂ©moin de ce qu’il regarde sur un tĂ©lĂ©phone. Il est aux anges. Au centre. 19 octobre 2020 Un homme traverse la rue devant nous en dehors des passages protĂ©gĂ©s. Il fait attention aux voitures mais semble pressĂ©. Il est assez ĂągĂ©, avec des cheveux blancs et des traits fins et marquĂ©s. Il porte des lunettes noires au dessin trĂšs fort avec deux branches Ă©paisses et deux petits cercles autour des yeux, on ne voit presque que cela et elles lui donnent un air moderne et branchĂ© ». Il est habillĂ© d’un grand tee-shirt et d’un pantalon baggy » bleus et porte des baskets qu’on distingue mal mais qui semblent ĂȘtre des Converse ». On remarque qu’il porte un grand sac de courses en plastique avec des anses noires comme on peut en acheter dans les grandes surfaces. Ce sac semble plutĂŽt sale et plein. Une fois de l’autre cĂŽtĂ© de la rue, il court jusqu’à un banc et monte dessus. Il pose son sac et il monte sur l’accoudoir et met une main en visiĂšre. Il regarde en haut de la rue, puis en bas, plusieurs fois de suite. On dirait une vigie tournoyante. On se demande s’il cherche quelqu’un. Au bout d’un moment, il se met Ă  sourire puis Ă  rire. On pense qu’il a trouvĂ© mais son rire ne s’arrĂȘte jamais tandis qu’il continue de scruter au loin. Un homme qui guette le vide en riant. Un homme perdu, certainement. Encore un. 18 octobre 2020 Une dame ĂągĂ©e, seule, Ă  la table du restaurant d’un modeste hĂŽtel prĂšs de l’ocĂ©an. Elle a un chignon gris joliment tournĂ©, un gilet rose, un pantalon noir, brillant, avec des lacets qui le ferme Ă  chaque cheville et des baskets dorĂ©es. On comprend que c’est une cliente de l’hĂŽtel, qu’elle est en demi-pension et qu’elle prend lĂ  son repas tous les soirs car elle demande alors, qu’est-ce qu’il y a ce soir ? » d’un ton enjouĂ©. Les deux patrons sont trĂšs attentionnĂ©s avec elle et l’appelle princesse». On voit qu’elle fait trĂšs attention de se tenir droite mais, quand elle doit dĂ©couper son poisson, ses mains tremblent beaucoup, ça l’agace mais elle ne demande pas d’aide. Le lendemain, on la croise au petit dĂ©jeuner et le patron lui demande si princesse» veut bien accepter son aide pour porter sa valise. Elle accepte car elle descend les escaliers difficilement. Elle va prendre un taxi pour aller jusqu’à la gare et rentrer chez elle aprĂšs sa semaine de vacances. On pressent qu’elle vient tous les ans depuis trĂšs longtemps, qu’elle n’y est peut-ĂȘtre pas toujours venue seule. Elle part avec ses baskets dorĂ©es qui brillent dans le petit soleil de septembre et sa vaillante silhouette semble d’un coup minuscule. 17 octobre 2020 Une femme qui doit avoir une soixantaine d’annĂ©es. Elle est petite et menue, casquĂ©e d’un carrĂ© de cheveux teints en noirs et lissĂ©s. Elle est vĂȘtue d’un pantalon moulant et d’un haut un peu court, rouges. Elle porte des sandales noires avec des petits talons. Sa tenue criarde nous surprend, comme en dĂ©saccord avec sa maison ancienne qu’elle fait visiter pour la vendre. Elle ne veut pas laisser les professionnels faire la visite, elle veut absolument prendre les choses en main. Elle essaie de faire au mieux mais elle ne prend pas le temps d’essayer de comprendre ce qui touche les visiteurs et montre toujours ce qu’elle aime, elle, les transformations qu’elle a faites, son jardin et ce qu’elle y a plantĂ©. Elle ne laisse pas les visiteurs respirer, regarder, on se dit qu’elle cherche Ă  les asphyxier, qu’elle volette autour d’eux comme un insecte rouge et noir. Elle est presque ridicule. On ne sait si elle cherche par cette dĂ©bauche de gestes et de paroles Ă  masquer la tristesse de vendre sa maison ou, au contraire, si elle ne peut cacher son impatience Ă  s’en dĂ©barrasser. On sent que montrer Ă  des inconnus ses sentiments seraient une dĂ©faite pour elle et qu’elle ne veut rien laisser paraĂźtre. Jamais. 16 octobre 2020 Deux jeunes gens qui prennent un goĂ»ter dans une salon de thĂ© parisien trĂšs chic et trĂšs ancien. Ils sont face Ă  face et se ressemblent. AgĂ©s d’une vingtaine d’annĂ©es, ils ont des cheveux courts, l’un a une casquette posĂ©e Ă  cĂŽtĂ© de lui, ils sont en pantalon de jogging » noir, de marque, ils portent l’un, un tee-shirt avec un motif, l’autre, une chemise blanche assez serrĂ©e. A leurs pieds, des sneakers » d’une grande marque et Ă  cotĂ© d’eux, pour l’un, une pochette “Lacoste” et pour l’autre, une pochette “Vuitton”. Au milieu d’une clientĂšle de personnes ĂągĂ©es, de famille de la bourgeoisie parisienne avec enfants et de quelques touristes Ă©trangers, ils sont complĂštement dĂ©calĂ©s. Ils commandent avec assurance Ă  un serveur pincĂ© et regardent quelque chose sur l’iphone d’un des deux et rient ensemble. Quand arrivent leurs deux chocolats et leurs pĂątisseries, des Mont Blanc », les spĂ©cialitĂ©s de la maison, ils dĂ©gustent lentement en Ă©changeant de temps en temps sur ce qu’ils mangent. Leur gourmandise et le plaisir visible qu’ils prennent Ă  ĂȘtre lĂ , illuminent joyeusement les boiseries surannĂ©es de ce temple pĂątissier . 15 octobre 2020 Deux dames assises cĂŽte Ă  cĂŽte Ă  la table d’un restaurant, en face, leurs maris. Le restaurant est celui d’un hĂŽtel dans le sud-ouest de la France, l’ambiance y est surannĂ©e avec une dĂ©bauche d’élĂ©ments rustiques et quelques objets incongrus comme une immense vitrine rĂ©frigĂ©rĂ©e. On comprend que les deux couples ne sont pas des clients de l’hĂŽtel mais plutĂŽt des gens du coin car ils tutoient les serveurs. Une des dames a les cheveux orange foncĂ© et est habillĂ©e dans les mĂȘmes couleurs, l’autre dame a les cheveux longs, teints en blond, rĂ©unis en une haute et grande queue de cheval sur le cĂŽtĂ© de la tĂȘte et a un chemisier blanc lĂ©gĂšrement brillant. Quand, elles tournent la tĂȘte, on voit qu’elle sont maquillĂ©es, ont des boucles d’oreilles, des bagues, on pense qu’elles se sont apprĂȘtĂ©es pour cette soirĂ©e. Ils commentent les menus et on entend que les deux messieurs dĂ©cident tout de suite de choisir les plats les plus copieux. Elles hĂ©sitent, disent que non, elles ne peuvent pas prendre ça, elles minaudent, demandent leur avis Ă  chacun de ces messieurs, disent que mon dieu, quand mĂȘme c’est trĂšs lourd », et, Ă©videmment, finissent par et ça va faire grossir ». Elles dĂ©cident de prendre du poisson mais elles continuent de regarder la carte, pas satisfaites. Quand le serveur vient, elles prennent la mĂȘme chose que les hommes, du foie gras, du cassoulet et un dessert. Cela nous ravit. 14 octobre 2020 Une poste oĂč chacun, masquĂ©, a fait la queue pour pouvoir entrer, s’est lavĂ© les mains avec du gel et se tient sagement Ă  distance des autres personnes. Une femme trĂšs ĂągĂ©e est assise sur une chaise. Elle a une canne posĂ©e Ă  cĂŽtĂ© d’elle. Elle tient devant elle un grand sac en cuir noir et farfouille dedans depuis un bon moment. Elle arrĂȘte, regarde son sac et se remet Ă  fouiller avec encore plus de vigueur et commence Ă  dire mais ce n’est pas vrai, mais ce n’est pas vrai
 ». On voit qu’elle s’affole. Le vigile s’approche et lui dit qu’elle doit mettre un masque. Elle lui rĂ©pond que justement, elle le cherche partout, qu’elle ne comprend pas, qu’elle est sĂ»re de l’avoir pris, qu’elle n’a pas fait toute cette queue pour rien, qu’elle est tellement fatiguĂ©e dĂ©jĂ , qu’il faut qu’elle prenne cet argent, que ce n’est pas possible. Elle est au bord des larmes et regarde le vigile complĂštement perdue. Il la regarde et lui dit madame, il est lĂ  votre masque » en lui montrant le masque qu’elle avait mis Ă  son bras Ă  la hauteur du coude. Elle est tout ensemble surprise, soulagĂ©e et prise de honte. Elle se lĂšve et met son masque Ă  l’envers. Personne ne dit rien, tous un peu Ă©branlĂ© par la peur de cette femme qui a rĂ©sonnĂ© en nous, comme si nous Ă©tions tous des enfants pouvant Ă  tous moments ĂȘtre pris en faute. 13 octobre 2020 Une femme dĂ©jĂ  ĂągĂ©e autour de soixante-dix ans. Elle n’est pas grande, les cheveux courts teints en noir, jamais maquillĂ©e, elle s’habille tous les jours avec un pantalon souvent rentrĂ© dans des bottes, des pulls ajustĂ©s et par dessus un sorte de Barbour » ou une doudoune sans manche. L’étĂ©, elle met une grande capeline de paille. Elle essaie de ressembler Ă  l’image d’une gentlewoman farmer ». Elle arpente d’une dĂ©marche autoritaire les terrasses et les jardins de son petit chĂąteau en dĂ©ployant sans cesse une activitĂ© dĂ©bordante surjouĂ©e mais on ne sait pour qui. Quand elle appelle son mari, sa voix monte dans les aigus et elle s’adresse Ă  lui pour ĂȘtre entendue de loin. Lui marmonne avec calme. On est au premiĂšre loge de cette comĂ©die mais nous ne pouvons imaginer qu’elle se joue pour nous mais qu’elle se joue pour elle-mĂȘme dans une volontĂ© tenace de souligner les signes d’une distinction qui rĂ©vĂšlent plus d’aigreur que de joie aristocratique. 12 octobre 2020 Une petite fille de six ans environ. Elle attend Ă  la poste avec sa maman. Elle est blonde avec deux couettes, un visage encore trĂšs rond et deux yeux bleus perçants. Elle est vĂȘtue d’un pantalon de type legging » vert clair, d’un tee-shirt long et de baskets roses. On entend qu’elle parle en baissant la tĂȘte mais on ne comprend pas Ă  qui car sa mĂšre est plus loin. On voit alors qu’elle a accrochĂ© au col de son tee-shirt, une poupĂ©e Barbie noire. Celle-ci est sous le tee-shirt et seuls sortent les bras qui servent Ă  ce qu’elle tienne et sa tĂȘte. C’est Ă  elle que parle sans arrĂȘt la petite fille. D’abord, elle mime sa mĂšre en lui expliquant oĂč elles sont et pourquoi il faut attendre. Puis elle s’énerve et menace sa poupĂ©e d’une fessĂ©e si elle continue Ă  faire ce bazar ». Elle la secoue Ă  travers le tee-shirt et continue Ă  la tenir, moulant ainsi les formes fĂ©minines de la Barbie avec le tissu. L’image est obscĂšne des formes outrĂ©es de la Barbie sur le torse de cette enfant. Comme si une vulgaritĂ© usĂ©e venait percuter une fraĂźcheur dĂ©jĂ  fragile. 11 octobre 2020 Une dame dont on n’arrive pas Ă  dĂ©terminer l’ñge. On la voit dans les rues de cette ville du Sud depuis trente ans. Ou plutĂŽt Ă  la terrasse des deux grands cafĂ©s du centre ville. On se dit qu’elle n’a pas changĂ©. Elle est grande et perchĂ©e sur des hauts escarpins ou des boots. Elle a des pantalons trĂšs moulants, aujourd’hui, il est beige avec une surpiqĂ»re noire tout le long des jambes qui imite un pantalon de gardian ». Elle a un haut carmin et par dessus une veste courte, ajustĂ©e, en cuir bleu. Elle a des longs cheveux raides, noirs, lissĂ©s et une frange. Sa peau est recouverte d’un fond de teint Ă©pais, ses yeux sont cachĂ©s par des lunettes de soleil Ray-ban » et sa bouche est entourĂ©e d’un trait de crayon colorĂ© plus foncĂ© que le rouge Ă  lĂšvres, rosĂ©. On voit que le bas du visage s’est affaissĂ© surtout de chaque cĂŽtĂ© de la bouche. Elle le sait et se tient avec le menton toujours lĂ©gĂšrement relevĂ©. On se rappelle qu’elle ne souriait jamais. C’est toujours le cas. Elle est comme d’habitude assise Ă  la terrasse d’un bar, elle boit comme toujours un cafĂ© avec des amis, elle parle beaucoup mais ne sourit pas. Comme si c’était pour elle une question de savoir vivre, une maniĂšre de se tenir face aux autres, de donner du poids Ă  ses paroles et une gravitĂ© Ă  sa prĂ©sence. 10 octobre 2020 Une salle trĂšs austĂšre et vaste de restaurant dans laquelle est servi le petit dĂ©jeuner. Un couple d’anglais arrive. On ne sait pas comment on sait qu’ils sont anglais mais on le perçoit tout de suite. Ils regardent la salle et s’installent mais ils n’ont pas compris que chaque table dressĂ©e porte le nom d’une chambre et ce qui a Ă©tĂ© commandĂ© la veille. Ils attendent un moment. Lui se lĂšve et va voir les tables dressĂ©es et l’appelle. Ils se rasseyent Ă  leur table et commencent leur petit dĂ©jeuner. On les voit prendre chacun des flocons d’avoine, les mettre dans un grand bol, y rajouter du lait. Ils goĂ»tent. Elle dit que le porridge est meilleur chaud. Ils demandent du lait chaud et quand elle revient, la serveuse fait une moue de dĂ©goĂ»t en voyant leur bol. Ils rajoutent du lait chaud et mangent puis avant d’avoir fini, rajoutent leur yaourt et leurs fruits et mĂ©langent l’ensemble. Ils semblent trĂšs contents. Autour, les autres convives, plutĂŽt ĂągĂ©s, se regardent complices et s’accrochent Ă  leur tartines de beurre et de confiture comme si c’était un enjeu national vital. Un petit “Brexit” matinal. 9 octobre 2020 Deux hommes assis au bord de la mer au plus prĂšs des vagues. Ils discutent face Ă  face, l’un fume et l’autre non. On voit qu’ils ont chacun une canette de biĂšre. Ils semblent en grande conversation et se regardent, ne jetant qu’un coup d’Ɠil de temps en temps aux vagues qui ne sont pas aussi grosses que ces derniers jours mais qui font quand mĂȘme un roulement sourd assez fort. Ils sont assis chacun sur un tronc. Ils sont mĂȘme au milieu de cinq grands troncs d’arbres couchĂ©s sur la plage amenĂ©s par le courant et le ressac. Ces troncs ont Ă©tĂ© arrachĂ©s par les flots Ă  des kilomĂštres de lĂ  dans les vallĂ©es et ont dĂ©valĂ© jusque dans la mer en brisant tout sur leur passage. On en voit d’autres flottant encore ou Ă©chouĂ©s Ă©pars sur la plage. Les deux hommes sont assis tranquillement comme si ces troncs avaient toujours Ă©tĂ© lĂ , comme s’ils n’étaient le signe de rien. Ces restes d’arbres trouvent lĂ , dans cette tranquille indiffĂ©rence, une forme de domestication qui Ă©teint leur sauvagerie Ă©chouĂ©e. 8 octobre 2020 Une dame ĂągĂ©e dans un hĂŽtel modeste. Il est l’heure du petit-dĂ©jeuner et elle vient pour se servir au buffet. Elle prend beaucoup de choses, elle a faim. Elle est petite, elle a un visage fin, plutĂŽt triangulaire dont on ne distingue que les deux yeux bruns au-dessus de son masque en tissu bleu Ă  petites fleurs roses. Elle a des cheveux au carrĂ©, lĂ©gĂšrement ondulĂ©s, ils sont trĂšs blancs. Elle est habillĂ©e d’une robe ample d’un rose trĂšs foncĂ© presque rouge avec des motifs pourpres que l’on aperçoit Ă  peine, d’un gilet de laine d’un rose pĂąle et d’un grand foulard mauve avec des franges. A ses pieds, des tongs en cuir. On est Ă©tonnĂ© car il fait plutĂŽt froid pour porter des chaussures d’étĂ©. On voit alors qu’elle a les pieds plein de sable. On comprend alors que tĂŽt ce matin, avant le petit dĂ©jeuner, elle est allĂ©e marcher ou mieux se baigner. On se dit qu’elle fait cela tous les matins quand elle vient lĂ  en vacances, qu’elle vient pour ça, aller nager tous les matins. Que cette discipline la rend joyeuse et gourmande. La regarder sourire en frottant les pieds sous la table pour enlever le sable, nous fait du bien. 7 octobre 2020 Une silhouette petite avec toujours un sac Ă  dos sur le dos ou, le plus souvent, sur l’épaule. HabillĂ© avec des pulls trop grands, des parkas un peu usĂ©es en hiver, des pantalons avec des multiples poches et des chaussures de marche, il donnait l’impression d’ĂȘtre en partance. Le visage Ă©tait plutĂŽt rond, avec des petits yeux bruns, et un air farouche, parfois bravache, qui tenait Ă  sa posture avec le menton relevĂ© et une maniĂšre particuliĂšre de regarder dans les yeux. Il arpentait plus qu’il ne marchait ayant toujours quelque chose Ă  faire, dans une urgence de celui qui pense qu’il n’a pas le temps de faire tout ce qu’il a prĂ©vu. Et puis, souvent, comme une pause, on le trouvait en grande conversation, attentif, tendu vers l’autre dont il savait lire la souffrance. On ne sait comment il entretenait cet Ă©cart entre la douceur de l’attention et l’énergie mise Ă  faire. On voyait que cet homme fragile devait faire des projets pour se tenir debout et que peu importe qu’ils aboutissent ou non. L’énergie Ă  penser et Ă  faire Ă©tait son travail plus que la finalitĂ©. Mais un jour, il a eu un dernier projet et celui-lĂ , il a, hĂ©las, rĂ©ussi. 6 octobre 2020 Un restaurant, une terrasse qui donne sur la mer ou plutĂŽt sur un bassin, la marĂ©e monte. Les gens mangent des huitres, il fait soleil mais un peu frais. Quatre femmes arrivent en parlant et en riant, elles avaient rĂ©servĂ© et s’installent. Elles discutent vivement de ce qu’elles vont prendre pour l’apĂ©ritif et l’une d’entre elles parle de le leur offrir pour ces quatre-vingt deux ans puis se ravise en disant qu’elle prĂ©fĂšre leur offrir cet apĂ©ro » dans un endroit plus chic ou chez elle. On est surprise car Ă  les entendre, on ne pensait pas qu’elles avaient cet Ăąge. Quand on les regarde, elles ne sont pas toutes du mĂȘme Ăąge, elles ont entre soixante et quatre-vingt ans et sont trĂšs diffĂ©rentes les unes des autres. Pourtant, elles ont toutes fait le mĂȘme geste elles ont pris chacune leur foulard ou leur Ă©charpe et en ont fait un turban colorĂ© sur leur tĂȘte. On pense tout de suite aux peintures de Carpaccio et aux turbans orientaux. Ceux-lĂ  sont un peu faits Ă  la va vite, tombent lĂ©gĂšrement mais ils leur donnent un air altier et complice comme si elles avaient ainsi créé une confrĂ©rie ou une fratrie qui se joue du regard des autres. Une souriante libertĂ© partagĂ©e. 5 octobre 2020 Une scĂšne Ă  Paris sur un grand boulevard. On est assis Ă  un cafĂ©. On voit un homme ĂągĂ©, une soixantaine d’annĂ©e peut-ĂȘtre, de dos, il est assez massif, il est sale, barbu mais on n’a pas l’impression que ce soit un clochard. Il n’est habillĂ© que d’un slip gris et d’un short noir mais il porte son short sur les cuisses laissant ainsi son slip apparent. On croit d’abord qu’il est en train de pisser dans une poubelle mais non, il fouille dans cette poubelle puis lit le journal qu’il a trouvĂ©, debout, impassible. Il est 18 heures, c’est l’heure de pointe, il y a plein de gens autour de lui. Certains s’arrĂȘtent incrĂ©dules, d’autres disent quelque chose, quelqu’un lui demande ça va ? », il ne semble rien entendre. Il part en marchant difficilement sur le trottoir puisque son short sur les cuisses l’entrave. On fait une photographie parce que on a l’impression que demain on pensera qu’on s’est trompĂ©, que cette scĂšne n’a pas eu lieu. On ne sait quoi en penser. Un clochard, un homme qui a trop bu, un homme seul, en tout cas un homme perdu. Encore un. 4 octobre 2020 Sur une plage pendant la marĂ©e basse. Un petit garçon blond joue avec le sable entre ses parents. Ils restent longuement assis Ă  faire des pĂątĂ©s et des chĂąteaux que rĂ©guliĂšrement le petit garçon piĂ©tine avec allĂ©gresse. Quand ils se lĂšvent tous les trois, on voit que le petit garçon est petit, qu’il marche mais qu’il est encore maladroit. Sa mĂšre part en avant, ramassant des coquillages. Le pĂšre essaie d’îter le sable des vĂȘtements du petit, puis prend son tĂ©lĂ©phone et le filme. Il lui demande mais oĂč est maman ? ». Le petit garçon lĂšve les yeux, nous voit et reste saisi d’effroi, au bord des larmes. Puis sa mĂšre lui fait signe plus loin, il sourit et part en courant suivi par son pĂšre toujours en train de filmer. Il se jette dans les bras de sa mĂšre en criant Ă  la fois Ă©puisĂ© par sa premiĂšre grande course et parce qu’il la retrouve. On trouve presque cruel le jeu des parents pour le faire courir et pouvoir immortaliser la scĂšne. Le petit garçon a vraiment eu peur. Il rit maintenant. Il grandit. 3 octobre 2020 Une femme qui paraĂźt avoir une soixantaine d’annĂ©es Ă  la terrasse d’un cafĂ©. Elle est debout en grande discussion avec deux hommes assez ĂągĂ©s assis qui boivent un verre de vin. On ne la voit que de trois-quart. Elle a un tailleur pantalon en jersey blanc, le pantalon est patte d’élĂ©phant, traĂźne par terre et est trĂšs serrĂ© au dessus du genou, la veste est courte, gansĂ©e de noir et ne semble pas fermĂ©e. Elle est coiffĂ©e en arriĂšre et un peu en hauteur par des boucles de cheveux mi-longs teints en blond, qui semblent engluĂ©s dans de la laque au point qu’on pense qu’elle a peut-ĂȘtre une perruque. Au milieu des cheveux une longue sĂ©rie de rubans en tulle noir. Quand elle bouge, les cheveux n’ont aucune souplesse et forment une masse compacte. Elle semble trĂšs maquillĂ©e car on voit sur le cĂŽtĂ© de son visage des traits noirs et Ă©pais d’ eye-liner ». Son visage est complĂštement mangĂ© par de trĂšs grandes lunettes de soleil carrĂ©es et son masque. A ses doigts des bagues. Elle a deux bagues Ă  chaque doigt, un anneau dĂ©corĂ© et une grosse bague Ă  cabochon. Quand on regarde ses mains, on s’aperçoit qu’elle a des mains de trĂšs vieille femme, ridĂ©es et tavelĂ©es. Elle parle haut et fort et joue les sĂ©ductrices devant ces messieurs puis part en marchant trĂšs droite sur les trĂšs hauts talons que cache son pantalon. Elle a fiĂšre allure. 2 octobre 2020 Un couple dans un petit hĂŽtel. Ils ont une soixantaine d’annĂ©es. C’est le moment du petit dĂ©jeuner sous une belle verriĂšre ancienne. Ils prennent place Ă  une table et commandent chacun un cafĂ© au lait. Ils se lĂšvent et vont masquĂ©s au buffet en se tenant la main. Ils regardent tout avec une grande attention et en discutent. Ils commentent la belle allure des gĂąteaux, s’exclament devant la salade de fruits et la pyramide de kiwis, regardent toutes les confitures et sont Ă©tonnĂ©s qu’existe une confiture melon et citron, comparent les diffĂ©rentes cĂ©rĂ©ales, vĂ©rifient Ă  quoi sont les yaourts et les dates de pĂ©remption, se demandent pourquoi les fromages sont en portions enveloppĂ©es et comprennent que c’est une question d’hygiĂšne et ils se disent que vraiment non, ils ne mangeraient pas de charcuterie le matin devant le jambon. Puis chacun prend une assiette et on pense qu’ils vont faire un choix trĂšs divers et goĂ»ter Ă  plein de choses. On les voit repasser avec dans chaque assiette la mĂȘme chose deux biscottes et un carrĂ© de beurre. Ils savourent longuement leurs biscottes beurrĂ©es trempĂ©es dans leur cafĂ© au lait. Comme chaque matin. 24 septembre 2020 Elle Ă©crit tous les jours. Elle va partir quelques jours. Parfois, il faut prendre de regarder sans Ă©crire. Et puis l’homme au regard vert, l’ami, est parti pour toujours. Il faut prendre le temps de se souvenir. Oser regarder la boite de bois mort et le bouquet orange. Dire adieu. Consoler, aussi. Prendre dans les bras ceux qui sont maintenant irrĂ©mĂ©diablement seuls. On va aller voir d’autres mers et on revient. 23 septembre 2020 Un homme Ă  l’entrĂ©e d’un restaurant, il est le placeur, celui qui fait patienter les gens et les amĂšne Ă  leur table quand elle se libĂšre. Il est trĂšs Ă©tonnant il a une cinquantaine d’annĂ©es, il est chaussĂ© de baskets blanches avec quelques motifs triangulaires bleus, puis portent des bas beiges de contention qui lui arrivent sous le genou, un short assez long blanc avec des motifs de papillon, dont on a l’impression que c’est un caleçon long, un tee-shirt orange et par-dessus, une chemise bleue qui reste ouverte. Il a un accoutrement vraiment particulier alors que l’on s’attend plutĂŽt Ă  voir quelqu’un de plus jeune, habillĂ© en noir, suivant les codes d’un bar branchĂ© mĂȘme si les tenues sont plutĂŽt dĂ©contractĂ©es. Il est presque sympathique et joue de cette accoutrement et de son bagout pour rendre l’attente des uns et des autres moins ennuyeuse. À un moment donnĂ©, on l’entend parler Ă  un des garçons qui servent Ă  table, il est autoritaire et trĂšs dĂ©sagrĂ©able et d’un coup cet accoutrement nous semble celui d’un patron dĂ©guisĂ© en clown cruel. 22 septembre 2020 Une femme qui pose devant la mer. Elle Ă©bouriffe ses cheveux, elle tourne la tĂȘte et les Ă©paules mais surtout elle se tient sur une jambe et laisse l’autre jambe sur la pointe d’un pied en se tournant lĂ©gĂšrement. On retrouve cette scĂšne avec des femmes jeunes, plus ĂągĂ©es, blondes, brunes, Ă  chapeau, casquette, chignon, cheveux au vent, minces, rondes, grandes, petites, bien habillĂ©es, habillĂ©es simplement, en maillot, en talons aiguilles ou en tongs, partout, toutes posent comme cela, le pied cambrĂ©, la jambe lĂ©gĂšrement pliĂ©e. On se demande pourquoi. On cherche. On voit que c’est une pose que prennent toutes les femmes qui apparaissent sur Instagram. Certainement qu’elles pensent ĂȘtre plus jolies, plus sexy », avec une plus jolie jambe en prenant toute la mĂȘme attitude artificielle. Des mauvaises photos de starlette de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© partout dans le monde. Comme si, ce qui Ă©tait une photo de vacances, un souvenir, devait en passer par une standardisation du corps qui la vide de toute personnalitĂ© et de toute intimitĂ©. Une vision cauchemardesque sans cesse rĂ©pĂ©tĂ©e. 21 septembre 2020 Un homme avec un regard vert. Ses yeux sont extraordinaires, verts avec quelques touches de jaune et de bruns presque dorĂ©s, pas grands mais en amande parfaite. Le regard les accompagne en Ă©tant perçant, vif et toujours d’une concentration extrĂȘme. Cette intensitĂ© est avivĂ©e par son nez aquilin, sa bouche petite mais dessinĂ©e et son visage aigu. Les cheveux sont courts, raides, plantĂ©s droits sur la tĂȘte, lui donnant tout le temps un air dĂ©coiffĂ© et en mĂȘme temps affairĂ©, comme s’il passait sans cesse sa main dedans. HabillĂ© d’une chemise souvent colorĂ©e ou avec des motifs et un pantalon large, baggy » avec parfois des poches remplies. Il regarde des travaux d’étudiants dans une toute petite Ă©cole d’art. On le voit dĂ©cortiquer les formes, les analyser, poser une ou deux questions prĂ©cises, parfois dire une phrase dĂ©routante de son ironie mordante puis se reprendre et expliquer. On sait que tout ce qu’il dit est important. Il apprend Ă  des jeunes gens les gestes, l’exigence et la libertĂ© comme personne d’autres. Cela les sauve, le sauve et nous sauve tous. 20 septembre 2020 Un homme Ă  la terrasse de restaurant dans une ville d’Italie. Il est assis en face d’une femme, peut-ĂȘtre sa femme, on ne sait pas. Il est entiĂšrement chauve et on pense que, comme beaucoup, il se rase la tĂȘte pour masquer sa calvitie. Il a un teint un peu rosĂ©, des yeux clairs, dont on ne voit pas les cils et les sourcils, il devait ĂȘtre blond ou roux. Le nez est assez fort et droit, la bouche fine presque sans lĂšvres et le menton carrĂ©. On voit qu’il est habillĂ© d’une chemise en lin blanche sans col. Il se tient Ă©loignĂ© de la table, confortablement installĂ© dans sa chaise avec souvent les jambes croisĂ©es. Durant tout le repas, il a un mince sourire aux lĂšvres que l’on trouve Ă©trange. Il est comme un sourire de connivence esquissĂ©, qui peut paraĂźtre arrogant et qui pourtant reste assez charmant. On pense Ă  des tableaux. On s’aperçoit aussi que pendant tout le repas, il n’a pas dit un mot ou presque laissant sa compagne parler laissant juste flotter son sourire. A un moment, buvant son cafĂ©, il parle avec animation et mĂȘme en parlant on lui retrouve son air amusĂ© et Ă  peine suffisant alors mĂȘme que ses gestes montrent son engagement dans la conversation. On ne sait si ce dĂ©tachement et cette ironie sont volontaires ou bien s’il ne peut pas faire autrement que de ne pas vouloir ĂȘtre complĂštement lĂ . 19 septembre 2020 Un petit garçon de dix ans assis Ă  une grande tablĂ©e dans un restaurant. Il est au milieu de la table, Ă  cĂŽtĂ© d’un adulte et ensuite il y a au moins six enfants de tous les Ăąges. Il est fin avec un visage assez aigu, un nez pointu, des yeux noirs en amande et une coupe de cheveux un peu longue, trĂšs moderne. Il est habillĂ© d’une chemisette blanche et d’un jean et a un pull lĂ©ger sur les Ă©paules comme tous les hommes de cette famille. Il s’adresse essentiellement aux deux adultes prĂšs de lui et commente avec conviction la carte et on comprend qu’il veut choisir lui-mĂȘme ce qu’il mange. Les autres enfants Ă©coutent attentivement les nĂ©gociations et le boivent du regard. A un moment donnĂ©, la tablĂ©e des enfants exulte car, Ă  part les deux plus petits, ils vont commander ce qu’ils veulent. Ils s’adressent tous Ă  lui pour avoir des conseils. Il leur rĂ©pond avec bienveillance mais avec dĂ©tachement alors que certains ont l’air plus vieux que lui. Il Ă©nonce fiĂšrement qu’il choisit pour lui des spaghetti » aux truffes. Sa bataille gagnĂ©e vaut bien ça. 18 septembre 2020 Une grande place dans une grande ville. Une sono est posĂ©e au sol et quelqu’un est assis Ă  cĂŽtĂ© sur un pliant. Devant, trois couples dansent. Visiblement, c’est une danse de salon compliquĂ©e, peut-ĂȘtre plus simple que le tango, mais qui demande de connaĂźtre des pas prĂ©cis, de tourner, de se rattraper avec des jeux de bras. Les trois couples sont jeunes, ne se regardent pas entre eux et dansent trĂšs diffĂ©remment les uns des autres. Certains sont plus techniques, d’autres plus doux et chaloupĂ©s, des couples ont l’air de mieux se connaĂźtre que d’autres. A un moment, deux autres couples entrent dans la danse. On remarque un trĂšs jeune couple. Lui danse remarquablement bien en bougeant Ă  peine et elle est obligĂ©e d’en faire un peu plus, d’ĂȘtre un peu plus dans la technique. Ils ont une facilitĂ© Ă  ĂȘtre ensemble, Ă  se rĂ©pondre, sans en faire trop, qui rend tous les autres un peu trop dĂ©monstratifs. Peu Ă  peu, d’autres couples se mettent Ă  danser qui visiblement ne savent pas du tout danser cette danse-lĂ  mais juste ont envie de danser. Cela nous rend joyeux de les voir et cela suffit. 17 septembre 2020 Une femme Ă  la terrasse d’un grand cafĂ© parisien. Elle est grande, brune, coiffĂ©e d’un chignon banane et a d’assez grandes lunettes de soleil en forme de papillon qui lui recouvrent le visage. Elle est habillĂ©e d’une robe de cocktail noire moulante, qui descend au genou et qui est Ă©chancrĂ©e dans le dos et sur les hanches. De chaque cĂŽtĂ© de la taille, une petite chaine argentĂ©e. Au pied, elle est chaussĂ©e de sandales fines, Ă  trĂšs haut talon presque aiguille. Les sandales sont nacrĂ©es et sur le dessus des laniĂšres, il y a quelques fausses pierres qui brillent Ă  la lumiĂšre. Etrangement, elle n’a pas de bijoux, uniquement une montre qui a l’air de mĂ©tal dorĂ©. Elle arrive, s’assied et enlĂšve son masque et ses lunettes, commande son repas avec son compagnon qui Ă©tait lĂ  avant elle. Elle est trĂšs bien habillĂ©e, trop. C’est Ă©trange. On se dit que peut-ĂȘtre elle a un cocktail mondain plus tard. Elle rĂ©pond au tĂ©lĂ©phone et met le haut-parleur pour que son compagnon entende. D’une main, elle tient son tĂ©lĂ©phone, et de l’autre, elle mange. Elle mange de la purĂ©e. Elle la savoure comme une enfant en prenant des grosses bouchĂ©es qui lui emplissent la bouche. Ce geste rĂ©gressif lui donne un sourire qui dĂ©joue tout ce dont elle s’est parĂ© avec tant de soin. 16 septembre 2020 Un homme et une femme qui marchent dans la rue. Ils sont cĂŽte Ă  cĂŽte, ils avancent d’un mĂȘme pas assez vif. Lui est habillĂ©e plutĂŽt sportivement d’un jean et d’un tee-shirt et de chaussures de marche, il a une soixantaine d’annĂ©e, les cheveux gris et courts. Son visage est marquĂ© par des rides profondes. Elle est plus jeune, les cheveux bruns frisĂ©s et porte un chemisier gris, simple, rentrĂ© dans une jupe claire et des petits talons compensĂ©s. On les trouve plutĂŽt mal assortis mais leur pas s’accordent parfaitement. Ils ne se touchent pas et sont assez prĂšs l’un de l’autre. A un moment donnĂ©, ils regardent en mĂȘme temps, sur la droite, la mĂȘme chose d’un mĂȘme mouvement brusque de la tĂȘte. On trouve quand mĂȘme Ă©trange qu’ils ne se soient pas dits un mot alors on les suit du regard. Ils s’arrĂȘtent Ă  un feu attendant pour traverser toujours dans un mouvement identique. Ils traversent. Et puis, l’un part Ă  droite et l’autre Ă  gauche. Ce n’était pas un couple ou des amis, ils ne se connaissent certainement mĂȘme pas. Leur marche ensemble Ă©tait si harmonieuse, on est presque triste de les voir se sĂ©parer comme quand un duo de danseurs se dĂ©fait. 15 septembre 2020 Deux enfants descendent un long boulevard. Ils doivent voir une dizaines d’annĂ©es. C’est la fin de l’aprĂšs-midi, ils sont en short, sandales et tee-shirt. L’un est brun alors que l’autre est plus clair. Ils marchent vivement, courent un peu, sautillent, se parlent, rient. Ils ont l’air de savoir parfaitement oĂč ils sont, oĂč ils vont et de connaĂźtre l’endroit. Un peu avant un grand carrefour, il y a un panneau de signalisation mĂ©tallique assez haut. Le plus brun prend son Ă©lan, saute et touche le panneau mais sans en avoir l’air, sans que cela perturbe la marche de l’autre ou mĂȘme leur conversation. Il le fait dans le flux de leurs gestes comme si c’était naturel. Quelques jours plus tard, on revoit les mĂȘmes garçons quasiment Ă  la mĂȘme heure, au mĂȘme endroit. Comme la premiĂšre fois, le mĂȘme garçon court, saute, touche le panneau et continue. Cette fois-ci, l’autre garçon a regardĂ© le panneau et a juste ralenti. On se dit qu’ils passent lĂ  tous les deux trĂšs souvent, peut-ĂȘtre tous les jours et qu’il est Ă©tabli entre eux, comme une rĂšgle tacite, que c’est le plus brun qui saute et touche le panneau. On ne sait si l’autre garçon a comme cela des droits sur d’autres gestes dans leur promenade. On en doute. 14 septembre 2020 Deux jeunes filles ou jeunes femmes sur une plage privĂ©e. Elles sont assises sur leur matelas et ont des maillots trĂšs travaillĂ©s, des capelines, des lunettes de soleil de marques et des gros sacs dans lesquels elles vont fouiller rĂ©guliĂšrement. A la main, chacune a son iphone » qu’elles consultent en permanence. Elles parlent de la journĂ©e Ă  venir et on comprend que leurs questions tournent essentiellement sur quoi mettre et quand sur leur compte instagram ». Elles attendent qu’il y ait un soleil plus vif pour faire les premiĂšres photos et ensuite, envisagent de se changer et de mettre d’autres maillots de bains pour faire une autre sĂ©rie de photos. Quand elles commencent Ă  se photographier, l’une photographiant l’autre, celle qui pose se met Ă  genou sur le matelas, trĂšs cambrĂ©e, sa capeline dans une main, Ă©paules lĂ©gĂšrement tournĂ©es dans un sens, tĂȘte dans l’autre, les cheveux disposĂ©s autour du visage et sur les Ă©paules, menton relevĂ©. Des caricatures de mauvaises photos vaguement Ă©rotiques. On n’en revient pas de cette fabrication si laborieuse d’images datĂ©es avec ces outils tellement contemporains. Elles semblent pourtant ravies du rĂ©sultat. Dans leur joie Ă  se regarder, elles sont presque touchantes. 13 septembre 2020 Un maĂźtre d’hĂŽtel dans un Ă©tablissement plutĂŽt chic en Italie. Quand on le voit la premiĂšre fois, il sert le dĂźner. Il est habillĂ© d’un costume noir, d’une chemise blanche, d’une cravate noire et il porte des mocassins noirs cirĂ©s mais usĂ©s. Il est trĂšs obsĂ©quieux et comprend immĂ©diatement que vous ĂȘtes français. Il vous parle donc dans un français hĂ©sitant en s’aidant d’un peu d’anglais et d’italien. Le lendemain, au petit dĂ©jeuner, il vous dit bonjour mais il envoie une serveuse s’occuper de vous comme si le petit dĂ©jeuner n’était pas dans ses attributions. Il se contente de tout superviser. On pense qu’il tient absolument Ă  cette hiĂ©rarchie dans les repas. Pourtant, durant l’aprĂšs-midi, on a la surprise de le revoir, sans veste, en bras de chemise, au milieu du jardin en train de s’occuper de l’arrosage, de remuer tuyaux et outils. Il a l’air dĂ©sagrĂ©ablement surpris de nous croiser dans cette activitĂ© et dans cette tenue et il nous salue trĂšs vaguement. Quand on le revoit deux heures plus tard, Ă  nouveau dans ses habits, il nous salue avec toujours autant d’obsĂ©quiositĂ© comme si nous ne nous Ă©tions pas croisĂ©s auparavant. On ne sait s’il fait semblant de ne pas se souvenir ou bien si, vraiment, il a oubliĂ© notre premiĂšre rencontre, en remettant son costume, comme un acteur. 12 septembre 2020 Deux petits garçons avec leur pĂšre Ă  la plage. L’ainĂ© doit avoir sept ans environ. C’est un casse-cou qui fonce dans l’eau alors qu’il n’a pas de bouĂ©e et ne sait pas bien nager du tout, mais il barbote, coule Ă  moitiĂ©, se relĂšve, y retourne sans peur aucune. Il appelle rĂ©guliĂšrement son pĂšre qui est assis sur la plage les pieds dans l’eau avec son plus jeune frĂšre de trois ou quatre ans. Celui-ci Ă  l’air d’avoir trĂšs peur de l’eau, il court autour de son pĂšre qui essaie de l’entrainer mais chaque fois il se dĂ©robe, il ne fuit pas vraiment, il ne pleure pas mais il fait semblant d’ĂȘtre trĂšs occupĂ© Ă  autre chose. Son pĂšre un peu Ă©nervĂ©, et qui ne peut aller rejoindre son autre fils dans l’eau, lui dit qu’il est grand et qu’il devrait aller Ă  l’eau comme son frĂšre. L’enfant ne dit rien, ne bouge plus et regarde les vagues. Il rĂ©flĂ©chit. Il regarde les galets et se met Ă  les remuer et finit par en choisir un et le tend Ă  son pĂšre en lui disant que c’est un cadeau pour lui. Son pĂšre sourit avec indulgence, le remercie et lui dit qu’il va aller Ă  l’eau rejoindre son frĂšre ainĂ© et que lui, il va rester lĂ  assis Ă  choisir des beaux galets. Ils ont trouvĂ© un compromis qui leur va Ă  tous les trois mais qui n’enlĂšve pas la petite lueur d’inquiĂ©tude dans le regard du fils qui a peur que son pĂšre l’attrape et le mette Ă  l’eau et la lueur de tendresse inquiĂšte dans le regard du pĂšre qui ne comprend pas pourquoi son jeune fils est si craintif. 11 septembre 2020 On remarque cette jeune femme anglaise avec sa famille au repas du soir dans un bel hĂŽtel. Elle est trĂšs ronde, habillĂ©e d’une robe courte ample jaune et elle a les Ă©paules recouvertes d’un chĂąle transparent rouge orangĂ©. Elle est extrĂȘmement maquillĂ©e ce qui est Ă©tonnant en plein Ă©tĂ©. Son maquillage luit, notamment sur les pommettes et sur le front, et on ne peut que remarquer ses grands faux-cils enduits de mascara noir Ă©pais. Elle a l’air de se tenir assez Ă  part de la conversation et une moue boudeuse ne la quitte pendant tout le repas. Le lendemain, on la croise Ă  la piscine. Elle porte un maillot deux piĂšces Ă  damier noir et blanc et lit sur un matelas. Tout Ă  coup, quand le soleil est presque couchĂ©, elle se lĂšve et va se baigner. Elle nage alors un crawl magnifique. Fluide, rapide mais sans Ă -coups, on a le sentiment qu’elle bouge Ă  peine les jambes et que sa reprise de respiration se fait naturellement. Elle fait au moins trente longueurs. Quand elle sort, souriante, elle semble toute neuve. RĂ©parĂ©e. 10 septembre 2020 Un homme accoudĂ© Ă  un comptoir. Il est jeune avec un visage long, une barbe naissante et des yeux en amande brun. Ses cheveux courts commencent Ă  se clairsemer. Maigre, il porte un pantalon large comme un sarouel, des sandales birkenstock » noires et un tee-shirt gris sans manches. Il boit un cafĂ© et parle au serveur. Il tourne de temps en temps des yeux inquiets vers vous qui attendez votre cappuccino. Il dit du mal des françaises de maniĂšre trĂšs grossiĂšre et il doit se demander si vous n’ĂȘtes pas française et si vous le comprenez. Il a raison car vous le comprenez Ă  peu prĂšs mais vous ne rĂ©agissez pas essayant de percevoir ce qui suscite une telle colĂšre chez lui. Il parle des femmes françaises et les traite de putes ». On comprend qu’il s’est fait plusieurs fois rembarrer sĂšchement par des jeunes françaises qu’il dĂ©crit comme Ă©tant aguicheuses. Il prend le serveur Ă  tĂ©moin qui ne dit rien, gĂȘnĂ©. Il dit qu’ elles n’ont pas Ă  se promener comme cela si elles ne veulent pas d’homme et que lui il est un homme, hein ! ». On est choquĂ© de sa violence verbale et de l’agressivitĂ© qui Ă©mane de son attitude corporelle. Il le voit. Il comprend que l’on a compris. Il nous suit du regard en ricanant et en continuant de vitupĂ©rer. Seul. 9 septembre 2020 Une petite fille sur une place dans une petite ville d’Italie. Elle porte des sandales dorĂ©es, une robe marron en coton lĂ©ger, un peu bouffante avec un empiĂšcement brodĂ© de fleurs. Elle est coiffĂ©e d’un chignon qui est devenu un peu lĂąche. Elle a un visage fin, et de grands yeux bruns aux reflets dorĂ©s. Elle s’éloigne de la table oĂč parlent sa mĂšre et une amie. Elle voit qu’elle se reflĂšte dans la vitrine devant elle. Elle commence Ă  danser en imitant des chorĂ©graphies trĂšs sexuĂ©es qui la font remuer les hanches et le bassin et se caresser un bras par un autre en alternant. Elle regarde si on la regarde. Brutalement, elle s’arrĂȘte et se met Ă  mimer silencieusement quelqu’un qui est en colĂšre et qui crie, qui menace des mains. On se dit qu’elle doit imiter sa mĂšre ou un adulte qui la gronde. Elle se recoiffe et recommence Ă  mimer des starlettes de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© en se tortillant et en jouant avec les mĂšches qui sortent de son chignon. Elle joue Ă  minauder. Ce dĂ©filĂ© de modĂšles qu’elle rejoue nous fait peur. Elle n’a que cinq ans. 8 septembre 2020 Un homme attend dans la queue d’un laboratoire d’analyses mĂ©dicales. Il est grand, presque obĂšse, il porte des sandales, un short et un long tee-shirt brun. Il se tient debout, les jambes Ă©cartĂ©es, certainement Ă  cause de son poids. Il passe son temps au tĂ©lĂ©phone et appelle rĂ©guliĂšrement quelqu’un en lui disant chaque fois, trĂšs doucement c’est moi, ça va ? ». On sent qu’il est trĂšs inquiet et il appelle toutes les deux minutes. Il est soulagĂ© quand la queue avance enfin et que c’est bientĂŽt son tour. Il rappelle et dit ne t’inquiĂštes pas, je vais bientĂŽt revenir, surtout, tu ne bouges pas et tu ne fais pas de bĂȘtises ». On comprend qu’il parle Ă  un enfant qu’il a dĂ» laisser seul pour venir au laboratoire. On est Ă©mu par la douceur de sa voix et la gentillesse de son ton qui jamais n’a Ă©tĂ© menaçant ou inquiĂ©tant. Quand il ressort, il se hĂąte et il appelle Ă  nouveau et dit j’arrive» comme s’il Ă©tait parti depuis trĂšs longtemps. Il est Ă  la fois soulagĂ© et heureux. Son sourire devient enfantin dans la joie qu’il Ă©prouve. On pense qu’il doit peut-ĂȘtre ressembler, dans ce moment-lĂ , Ă  l’enfant qu’il va enfin retrouver. 7 septembre 2020 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©es habillĂ©e d’une robe noire assez courte et dĂ©colletĂ©e. Elle est dans son bureau qui a une large fenĂȘtre et on remarque qu’elle parle seule, regarde ses notes, recommence Ă  parler, sans arrĂȘt. De temps en temps, elle sort de son bureau et va fumer une cigarette, ses papiers toujours Ă  la main. Elle apprend, elle rĂ©pĂšte, mais semble tĂ©tanisĂ©e par ce qui l’attend, une rĂ©union, un conseil d’administration, un temps public, 
 un moment oĂč elle doit prendre la parole, prĂ©senter quelque chose et rĂ©pondre Ă  des questions. Pourtant elle travaille lĂ  depuis longtemps et doit avoir l’habitude mais elle a toujours peur comme au premier jour. Au plus le temps avance, au plus on sent son affolement qu’elle tente de masquer. Elle se maquille, chausse ses escarpins, se recoiffe. Elle se rĂ©pĂšte la liste des questions qu’on va lui poser et les rĂ©ponses qu’elle doit faire mais elle est terrifiĂ©e par la question inattendue Ă  laquelle elle ne saura pas rĂ©pondre. Elle a beau savoir qu’il y en aura forcĂ©ment une, que ce n’est pas grave, que quelqu’un d’autre sera lĂ  pour rĂ©pondre Ă  sa place, ĂȘtre prise en dĂ©faut, encore une fois, lui est insupportable. 6 septembre 2020 Un enfant, un petit garçon de quatre ou cinq ans. Il est au bord d’une piscine avec son pĂšre. Il ne veut pas venir dans l’eau, il dit sĂ©vĂšrement qu’il n’a pas ses brassards. Son pĂšre a beau lui montrer qu’il a pied, le rassurer, il trempe Ă  peine ses jambes et remonte vite. Quand ses deux grandes sƓurs arrivent, il est trĂšs content et se dit Ă  voix haute, elles sont lĂ , je vais nager » et effectivement elles arrivent Ă  le faire entrer dans l’eau, Ă  barboter, il ressort, y retourne, jusqu’à ce que son pĂšre l’emmĂšne. Il revient avec sa mĂšre et ses brassards. Il fonce seul vers la piscine et met franchement les deux jambes dans l’eau. Il commence alors un monologue Ă  haute voix il fait froid, j’ai froid, je vais nager, je nage, j’ai trĂšs froid ». Pendant tout ce temps, il se met Ă  l’eau, nage, sort, court au bord de la piscine, se remet Ă  l’eau comme s’il cherchait un endroit plus clĂ©ment. Il est trĂšs concentrĂ© et se motive en se parlant. Son pĂšre arrive et l’enroule grelottant dans une serviette. Le petit garçon ne crie pas mais lui dit en le regardant, outrĂ© mais je nageais quand mĂȘme ! ». Il s’appelle CĂ©sar. Il grandit. 5 septembre 2020 Une Ă©glise et, Ă  cĂŽtĂ©, un cloitre. On y rentre directement par un des bas-cĂŽtĂ© de l’église. Quand on y arrive, comme souvent, on a une sensation d’espace, comme une respiration grĂące Ă  la lumiĂšre qui surgit presque brutalement. On fait le tour sous les galeries bordĂ©e de colonnes simples, grises, avec chacune le mĂȘme chapiteau plat inspirĂ© d’un chapiteau ionique. Les arches sont simples, en arrondi. On remarque qu’au dessus de ces galeries, il y a un autre Ă©tage directement sous le toit avec une colonnade blanche sans arches. A cet Ă©tage supĂ©rieur, qui nous est interdit, on remarque des petites portes dont certaines sont ouvertes. Au centre du cloitre, un puit et autour de lui quatre carrĂ©s entourĂ©s de buis taillĂ© et des arbres disposĂ©s sans symĂ©trie particuliĂšre deux cyprĂšs, un palmier, deux rosiers, un grenadier. Au centre de chaque carrĂ© de buis, l’herbe est plutĂŽt sĂšche. Quelques plantes sont dans des pots, quelques autres ont Ă©tĂ© plantĂ©es rĂ©cemment. Entre deux haies de buis, une bĂȘche. Elle est plantĂ©e bien droite dans la terre. L’outil sert Ă  cultiver ce jardin. Au-delĂ  de la cohorte de visiteurs, il reste des gens, des moines, qui vivent, travaillent, cultivent, prient, lĂ . L’apaisement du lieu est comme rĂ©chauffĂ© de la prĂ©sence de cet objet familier. 4 septembre 2020 Un homme de quarante-cinq ans qui est dans un supermarchĂ©. Il est habillĂ© d’un jean noir, d’un tee-shirt gris, de chaussures pointues qui brillent et on voit Ă  ses doigts des grosses bagues comme en auraient des bikers. Il a pourtant plutĂŽt une tĂȘte de premier de la classe » avec juste une mĂšche rebelle qu’il relĂšve sans cesse d’une main. Il marche d’une drĂŽle de façon, avec lourdeur, il est pataud. Il est dans le rayon des vins et il fait de long en large le rayon, s’arrĂȘte, regarde des bouteilles, se recule, cherche des prix, prend et repose une bouteille, semble avoir une idĂ©e, va voir les cubis », revient, regarde dans les allĂ©es Ă  cĂŽtĂ©. Il attend quelqu’un. Il prend son tĂ©lĂ©phone, appelle et parle Ă  quelqu’un. Il attend reprenant son manĂšge. Un homme arrive, grand, lui dit mais enfin, tu peux quand mĂȘme choisir tout seul, non ? » et pendant que l’autre lui explique longuement pourquoi il hĂ©site, le nouveau venu remplit le caddie et va vers la caisse. Quand on les retrouve Ă  leur voiture, il explique toujours ses atermoiements et le grand a l’air exaspĂ©rĂ© par cette logorrhĂ©e. Il n’a pas l’air de s’en apercevoir. L’indĂ©cision est sa maniĂšre Ă  lui d’avancer. En crabe ou Ă  reculons. 3 septembre 2020 Un couple qui cherche une maison. Ils ont environ une cinquantaine d’annĂ©es et se connaissent depuis cinq ans. C’est donc un jeune couple et ils veulent faire ce premier achat commun. Ils n’ont jamais vĂ©cu ensemble. Quand ils en parlent, on sent une Ă©motion dans leurs voix. On ne comprend pas comment ils ont pu accepter d’ĂȘtre filmĂ©s et de participer Ă  une Ă©mission qui les aide dans leur recherche, certainement que leur recherche Ă©tait infructueuse. Quand ils Ă©noncent la liste de leurs demandes, le lieu oĂč ils voudraient habiter et leur budget, on comprend mieux en voyant la tĂȘte effarĂ©e, surjouĂ©e, mais quand mĂȘme effarĂ©e, de l’agent immobilier qui les accompagne. On voit bien que cette liste de demandes est la somme de leurs deux maniĂšres de vivre et que dĂ©jĂ  se dessinent toutes les failles Ă  venir. Chaque fois qu’ils visitent quelque chose, elle est trĂšs volubile et lui, souriant et mutique. Il ne sait pas comment dire que la maison, la cuisine, la dĂ©coration, le jardin, le confort, la vue, il s’en moque, et que lui, tout ce qui lui importe est d’avoir son grand garage pour bricoler. Seul. 2 septembre 2020 Un homme d’environ trente cinq ans, trĂšs grand, large, trĂšs musclĂ© et dont la seule prĂ©sence physique dĂ©gage une force impressionnante. Il est blond, bien coiffĂ© avec les cheveux un peu longs mis en arriĂšre et encore humides comme sortant de la douche. Il a un visage fin avec un menton carrĂ© et assez long. De prĂšs, on voit qu’il a de nombreuses cicatrices mais que son nez contrairement Ă  certains de ses camarades est intact. Il est habillĂ© d’un costume gris et d’une chemise blanche, on a le sentiment que les habits, pourtant Ă  sa taille, vont Ă©clater sous la pression d’une force contenue. Il parle tout doucement et face aux nombreuses sollicitations, rĂ©pond simplement. Son regard est bienveillant et on a du mal Ă  se le rappeler Ă©cumant de rage une heure auparavant, distribuant des coups aux joueurs de l’équipe adverse qui avaient fait mal Ă  l’un des siens. La force domptĂ©e et la maĂźtrise que l’on sent en lui tiennent aussi Ă  la fatigue aprĂšs avoir passĂ© tout ce temps sur le terrain Ă  courir, lutter, pousser, plaquer. C’est toute sa vie qu’il abandonne pour le temps propret et engoncĂ© du capitaine courage interviewĂ©. Parfois, quand il se redresse ou qu’il rejette ses cheveux en arriĂšre, se superposent Ă  cette figure posĂ©e et souriante, les images intenses de lui dans le match . 1 septembre 2020 Une jeune homme qui en fait doit bien avoir une trentaine d’annĂ©es. On dirait qu’il en a dix de moins car son visage est trĂšs juvĂ©nile, il est habillĂ© comme un Ă©tudiant et tout en lui, sa timiditĂ©, sa maladresse, la maniĂšre qu’il a de vous aborder, fait penser Ă  un trĂšs jeune homme alors qu’il a dĂ©jĂ  de lourdes responsabilitĂ©s dans son activitĂ© professionnelle. Quand vous le revoyez plusieurs mois plus tard, il est toujours habillĂ© de la mĂȘme façon avec un jean, une chemise froissĂ©e et des baskets dans des rĂ©unions avec des Ă©lus et des grands patrons mais vous voyez que quelque chose a changĂ©. Il ne bouge plus de la mĂȘme façon, il se tient plus droit, il s’adresse Ă  vous diffĂ©remment, avec plus de distance et d’assurance en mĂȘme temps. Quand vous regardez dans le dĂ©tail, vous voyez qu’il a quand mĂȘme une veste, qu’un sac en cuir a remplacĂ© le sac Ă  dos. Il prend Ă  plusieurs reprises la parole et sa voix fluette s’est posĂ©e. Vous lui demandez comment il va et il vous dit qu’il est fatiguĂ© mais tellement heureux, il est papa depuis un mois. Il a enfin son Ăąge. 31 aoĂ»t 2020 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©es grande, athlĂ©tique. Son visage est assez Ă©trange car elle a une petite bouche, un nez long, des petits yeux bleus mais l’ensemble est assez harmonieux. Sa blondeur naturelle est ravivĂ©e par une teinture. Elle a peu de cheveux et trĂšs plats et on voit que sa coupe dissymĂ©trique tente de leur donner un peu de volume. On remarque qu’elle a tout le temps un mouchoir Ă  la main. Elle est assise Ă  une table et boit du cafĂ© dans un mug. Son tĂ©lĂ©phone est posĂ© sur la table, elle le regarde rĂ©guliĂšrement. Elle attend. Quand il sonne, elle rĂ©pond vite, Ă©coute, rĂ©pond briĂšvement. Elle dit que quelque chose ne va pas, que c’est confirmĂ©. Elle tourne autour du pot. Quand on prononce le mot de dyslexie Ă  propos de son enfant dĂ©jĂ  adolescent qui passait des tests, elle a les larmes aux yeux et pleure. Elle n’arrive pas Ă  prononcer le mot, elle dit juste trĂšs, trĂšs ». On comprend qu’elle est Ă  la fois soulagĂ©e de savoir, effrayĂ©e de la tĂąche Ă  venir et triste pour son enfant qui souffre depuis tellement d’annĂ©es. Et dĂ©jĂ , on voit dans son regard et sa bouche tordue, qu’elle s’en veut de ne pas avoir vu, de ne pas avoir voulu voir et revient le motif lancinant de ne pas ĂȘtre Ă  la hauteur. D’ĂȘtre une mauvaise mĂšre. 17 aoĂ»t 2020 Elle Ă©crit Ă  son bureau, sĂ©rieuse, appliquĂ©e mais elle doit se dĂ©pĂȘcher. Elle part pour deux semaines. LĂ  oĂč elle va, elle aura besoin d’avoir tout le temps pour regarder. C’est important pour elle de pouvoir ressourcer son regard dans ce qu’elle aime. Quelque chose est en train de s’essouffler, elle le sent. Elle retourne Ă  la source, lĂ  oĂč son regard est nĂ©. Elle va travailler et revenir. 16 aoĂ»t 2020 Une jeune femme d’une trentaine d’annĂ©es Ă  la table d’un restaurant dĂ©jeune avec son mari. Elle est habillĂ©e d’une jupe noire assez longue qu’elle remonte une fois assise parce qu’il fait chaud, laissant voir ses jambes fines. Elle a des sandales en cuir avec des laniĂšres croisĂ©es et elle bouge sans arrĂȘt un de ses pieds. Elle porte un tee-shirt blanc et a trĂšs peu de bijou Ă  l’exception d’une alliance et d’une bague de fiançailles. Ses cheveux sont longs, raides et chĂątains et son visage est plutĂŽt allongĂ© avec un beau nez fin et trĂšs droit. On ne voit pas ses yeux car elle porte des lunettes de soleil rondes fortement teintĂ©es. Elle a une jolie bouche assez petite, ourlĂ©e et dĂ©licatement dessinĂ©e. Pourtant son visage est complĂštement transformĂ© par une moue de dĂ©goĂ»t. Les coins affaissĂ©s de sa bouche, ses lĂšvres retroussĂ©es, donnent une sensation d’une forte rĂ©pugnance. Elle parle beaucoup et avec vĂ©hĂ©mence et on se demande si c’est ce quelle raconte qui lui donne cette expression de rĂ©pulsion. Puis, Ă  un moment donnĂ©, elle commente leur repas, qu’elle trouve excellent, avec la mĂȘme moue. On se dit que jamais elle n’a souri, que jamais les coins de sa bouche ne se sont relevĂ©s, que jamais son visage ne s’est Ă©clairĂ©. On se demande quel Ă©cƓurement a pu altĂ©rer si dĂ©finitivement un sourire disparu. 15 aoĂ»t 2020 Une femme de soixante-dix ans environ, qui semble encore alerte, est assise en attendant le dĂ©but d’un concert de musique classique. Elle a un visage rond, une coiffure avec un carrĂ© visiblement mis en place par un brushing et beaucoup de laque et sa blondeur n’est pas naturelle. Sa coiffure ressemble un peu Ă  un casque et sa frange, soigneusement arrondie au fer, semble flotter au dessus de son front. Elle est habillĂ©e d’une combinaison-pantalon serrĂ©e Ă  manches courtes faite d’un tissu bleu clair et des grands motifs bruns. A ses pieds, des chaussures blanches trĂšs pointues Ă  talons hauts mais dĂ©couvertes Ă  l’arriĂšre, comme une haute sandale fermĂ©e. Le blanc est nacrĂ©. Quand elle se lĂšve et s’affaire auprĂšs des organisateurs du concert, elle dĂ©tonne. Jeunes et beaucoup moins jeunes, musiciens et public, tous sont habillĂ©s de vĂȘtements en lin, amples, de sandales, qui Ă©voquent un univers de bohĂšme chic au cƓur de la chaleur de l’étĂ©. Tous sont gentils avec elle mais on sent quand mĂȘme un peu de condescendance dans leur regard. Elle s’en moque et trottine des uns aux autres sentant confusĂ©ment que c’est en n’essayant pas de leur ressembler qu’elle gagne sa place parmi eux. 14 aoĂ»t 2020 Un garçon de douze ans environ dans les rues d’une ville touristique, l’étĂ©. Il est chaussĂ© de claquettes noires en plastique, d’un short flottant court, bleu et d’un tee-shirt orange. Il est avec ses parents et un autre enfant dans une poussette. Il a une coupe de cheveux Ă©trange. Tout le bas de sa tĂȘte est rasĂ© et il lui reste des cheveux bruns et trĂšs raides sur le haut de la tĂȘte comme coupĂ©s au bol mais trĂšs haut. On ne sait si cette coupe est maladroite ou bien si elle cherche Ă  imiter un footballeur ou un chanteur. Sa mĂšre cherche dans un grand sac et sort une casquette qu’elle lui met un peu de travers sur la tĂȘte. Il recule et fait un geste pour l’enlever et son pĂšre lui fait signe qu’il doit la garder. Il s’éloigne, le visage fermĂ©. On les retrouve quelques rues plus tard. Le petit garçon est restĂ© en arriĂšre. On le surprend en train d’enlever sa casquette, de la caler dans la poche de son short et de se recoiffer soigneusement dans le reflet d’une vitrine. Il fait en sorte que tous ses cheveux soient bien alignĂ©s et qu’aucun ne dĂ©passe de la ligne trĂšs droite de sa coupe. Il le fait prĂ©cautionneusement, il se regarde, sourit et repart en courant. Dans ce moment de coquetterie, il grandit. 13 aoĂ»t 2020 Une brocante dans le centre historique d’une grande ville du Sud de la France. L’étĂ©, la clientĂšle est essentiellement touristique et plutĂŽt aisĂ©e. Les objets prĂ©sentĂ©s sont dans l’ensemble plutĂŽt chers et de qualitĂ©s trĂšs diverses mĂȘme si quelques stands proposent de belles choses. Une femme se tient devant un stand montrant essentiellement des objets asiatiques Ă  des prix exorbitants. Elle a l’air intĂ©ressĂ©e par un petit vase chinois trĂšs ancien qui coĂ»te plusieurs centaines d’euros. Elle est habillĂ©e d’une longue robe blanche en lin assez ample et de sandales Birkenstock ». Au bras gauche, elle tient un grand sac en osier assez souple et de l’autre une grande frite » de bain en plastique violet dont on se sert pour nager ou pour faire de l’aquagym. Elle tient, du cĂŽtĂ© du panier, le petit vase chinois et de l’autre, la grande tige violette un peu cintrĂ©e qui lui arrive au dessus de la tĂȘte. L’antiquaire regarde son vase avec inquiĂ©tude et lui fait signe qu’il peut prendre la frite ». Il la prend et la pose au milieu des objets de son stand. Entre deux vases anciens, Ă  cĂŽtĂ© d’une soierie et d’un petit meuble, elle dĂ©note complĂštement. Le violet en mousse crissante au milieu de la subtilitĂ© des bruns patinĂ©s créé un choc visuel. Comme si brutalement, deux mondes venaient se heurter. C’est presque drĂŽle. 12 aoĂ»t 2020 Deux frĂšres assez jeunes tiennent deux Ă©tals cĂŽte Ă  cĂŽte dans un grand marchĂ©, un Ă©tal de poissonnerie et un Ă©tal de coquillages et de fruits de mer. L’aĂźnĂ© a un visage trĂšs fin, les cheveux courts, il n’est pas grand. Au contraire, le cadet est grand, le visage large, les cheveux frisĂ©s et il joue de son cĂŽtĂ© beau gosse ». L’aĂźnĂ© a un Ɠil sur tout, il vĂ©rifie l’approvisionnement des deux Ă©tals, que tous les employĂ©s travaillent bien, que la file des poissons Ă  nettoyer ne soit pas trop longue, il intervient quand il le faut, il tient les caisses et la carte bleu. Le cadet, mĂȘme quand il y a beaucoup de clients, se tient au milieu de l’étal, parle et plaisante. L’aĂźnĂ© s’affaire et d’un Ɠil acĂ©rĂ© voit tout, et donne des ordres brefs. On regarde son visage sensible fermĂ© et on se demande quelle blessure secrĂšte fait que, tous les jours, vous ne le voyez sourire que de maniĂšre automatique et commerciale. Dans son duo avec son cadet, ce dernier aide Ă  retrouver une jovialitĂ© un peu fanfaronne qui dĂ©noue l’inquiĂ©tude viscĂ©rale qui tend ses regards et ses gestes. A un moment donnĂ©, dans une accalmie, les deux frĂšres boivent un cafĂ©. Et, un instant, la tension de l’un se relĂąche, les plaisanteries de l’autre cessent, et ils se ressemblent. 11 aoĂ»t 2020 Une jeune femme qui sert dans un restaurant. Brune, les cheveux nouĂ©s en une queue de cheval lĂąche, elle est habillĂ©e simplement de noir avec des vĂȘtements amples. Elle ne porte pas de tablier, ni est Ă©quipĂ©e d’un carnet de commandes, ni d’un tire-bouchon 
 On comprend assez vite qu’elle n’est pas du tout une professionnelle, qu’elle est la fille de la propriĂ©taire qui est en cuisine et que le restaurant lui-mĂȘme vient juste d’ouvrir. Elle essaie de faire de son mieux et se rend bien compte qu’elle oublie les couverts, le pain, l’eau, puis de demander si on veut un dessert, elle ne sait rĂ©pondre Ă  aucune de nos questions mais elle improvise avec beaucoup de gentillesse mĂȘme si la familiaritĂ© avec laquelle elle nous parle est un peu trop grande. Vers la fin du service, on s’aperçoit qu’à une table du restaurant il y a des amis Ă  elle et qu’ils boivent ensemble de nombreux verres de rhum arrangĂ©. On voit qu’elle s’affaisse sur elle-mĂȘme, devient plus lourde avec une tristesse dans le corps et dans le regard que nous n’avions pas perçue avant. Quand on lui demande l’addition, elle est Ă©tonnĂ©e de nous voir encore lĂ , elle se lĂšve avec un peu de difficultĂ©s et nous tutoie comme elle le fait avec ses amis. Elle nous avait complĂštement oubliĂ©, elle ne sait plus jouer son rĂŽle de serveuse. Elle nous regarde partir comme si nous Ă©tions les premiers et les derniers clients avec une forme de stupĂ©faction accablĂ©e. 10 aoĂ»t 2020 Un homme ĂągĂ© Ă  une terrasse de cafĂ©. Il n’a rien sur sa table. RĂ©guliĂšrement, il se lĂšve et va voir de l’autre cĂŽtĂ© de la terrasse puis se rassied trĂšs droit et regardant fixement devant lui. Son visage est rond, les cheveux sont gris et frisĂ©s, les traits sont assez banals mais ce qui frappe sont les yeux trĂšs ronds et Ă©carquillĂ©s. On se demande s’il a compris qu’il devait commander dedans, qu’il ne sera pas servi sinon. Il disparaĂźt. Quand on se lĂšve, on le retrouve de l’autre cĂŽtĂ© de la terrasse assis parmi un groupe de gens plus jeunes que lui qui, visiblement, se retrouvent avec joie. L’homme trĂšs jeune Ă  cĂŽtĂ© de lui, vient d’arriver et lui jette de temps Ă  autre un regard attentionnĂ©. C’est certainement lui que l’homme ĂągĂ© cherchait et il n’a pas osĂ© aller voir le groupe en son absence. Pourtant au milieu de ces jeunes gens, il est toujours assis trĂšs droit sur sa chaise, regardant devant lui fixement, en ne suivant rien prĂ©cisĂ©ment des yeux et sans avoir le regard rĂȘveur de quelqu’un perdu dans ses pensĂ©es. Il est complĂštement absent aux autres mais certainement enfin rassurĂ© car il ne bouge plus de sa chaise. Devant lui, un sirop de fraise ou de grenadine Ă  l’eau avec une paille. 9 aoĂ»t 2020 Un couple et leurs deux enfants dĂźnent Ă  la table d’un restaurant avec une jeune femme. Un enfant est encore dans une poussette et s’endort assez vite, l’autre doit avoir trois ans et aprĂšs avoir mangĂ© commence Ă  se promener entre les tables. Ils sont français mais la conversation se fait en anglais. La jeune femme parle anglais avec un accent qui semble indien. A un moment donnĂ©, le petit garçon essaie d’aller plus loin, la jeune femme a un geste pour le rattraper, mais la mĂšre lui fait signe qu’elle peut le laisser faire. Le petit garçon a peur d’un chien et vient vite se mettre contre la jeune femme et se cache la tĂȘte dans son giron. Elle lui sourit et lui caresse les cheveux. Pendant ce temps la conversation se poursuit mais on remarque que la jeune femme ne quitte plus le petit garçon des yeux. Elle va pour se lever quand il part trop loin, mais son pĂšre le rattrape. La mĂšre lui dit en anglais que c’est sa soirĂ©e, qu’elle peut ne pas s’occuper du petit. Elle sourit. On comprend que c’est la nounou des enfants. InvitĂ©e au restaurant pour fĂȘter quelque chose, elle ne devrait pas travailler mais le petit garçon lui ne le sait pas. 8 aoĂ»t 2020 Une jeune fille aux cheveux longs trĂšs frisĂ©s, chĂątains clairs avec des reflets d’un roux vĂ©nitien. Elle a une large bouche dessinĂ©e, un nez fin et des yeux petits d’un bleu foncĂ© et profond. Son visage est assez rond et a encore la fraĂźcheur de sa jeunesse. Elle est discrĂšte et ne dit rien Ă  moins qu’on ne l’interroge. Elle rĂ©pond alors poliment et posĂ©ment vraiment Ă  la question. Elle regarde tout et tous avec beaucoup d’attention et semble souvent sur le point de dire quelque chose ou de poser une question mais se retient. On se demande pourquoi. Sa rĂ©serve semble maĂźtrisĂ©e et choisie car quand on l’entend parler Ă  son frĂšre ou Ă  ses amis, elle est plutĂŽt bavarde, joyeuse et loquace. MĂȘme sa voix change devenant plus vive et plus aigĂŒe. Ses parents sont trĂšs bienveillants et font trĂšs attention, quand elle est lĂ , de toujours l’inclure dans les conversations. Elle se dĂ©fie de ce regard posĂ© sur elle et tente par le silence de s’en Ă©manciper rĂ©servant sa parole Ă  ceux qu’elle choisit. Lors d’une conversation qu’elle Ă©coute, elle ne peut s’empĂȘcher de manifester de l’agacement devant ce que dit sa mĂšre. Celle-ci se crispe tout de suite et la regarde comme on peut regarder un enfant qui a dit ou fait une bĂȘtise. Sans se dĂ©monter, la jeune fille la regarde fixement, d’une phrase dĂ©finitive la contredit calmement et retourne Ă  son silence. Elle grandit. 7 aoĂ»t 2020 Un vieux monsieur assis sur un banc sur un bord de mer. Il peut entendre le ressac, les galets qui crissent et roulent. Il se tient assis trĂšs droit et regarde l’horizon sans bouger. Il est chaussĂ© de sandales en cuir usĂ©es qui sont comme de mules, il porte une djellaba blanche et il a une petite moustache. Il est entiĂšrement chauve. A cotĂ© de lui, posĂ©e sur le banc, une canne en bois. Un homme de son Ăąge vient s’assoir Ă  cotĂ© de lui. Ils se saluent Ă  mi-voix en se penchant l’un vers l’autre et ne se parlent plus. Ils regardent ensemble la mer. A un moment donnĂ©, ils commencent Ă  parler ensemble avec animation et un troisiĂšme arrive. Ils saluent les deux autres, il est un peu plus jeune et a un sac plastique Ă  la main. Il sort trois verres en plastique et une bouteille de citronnade. Il sert les trois verres et les distribuent. Ils dĂ©gustent en silence leur citronnade en regardant au loin. Puis chacun fouille dans ses poches et sort une cigarette, l’allume et ils fument tous les trois dans la mĂȘme immobilitĂ©. Leur regard triste est portĂ© au delĂ  de la mer dans une terre que le goĂ»t de la citronnade vient raviver dans une nostalgie partagĂ©e. 6 aoĂ»t 2020 Un homme d’une soixantaine d’annĂ©es qui Ă©coute un concert en plein air de musique classique. On remarque qu’il s’est mis sur une chaise qui lui permet de voir les musiciens mais aussi les personnages importants du village et d’en ĂȘtre vu. Il est sur le qui vive pendant l’entracte et regarde prĂ©cisĂ©ment qui parle Ă  qui. Voyant que personne ne s’adresse Ă  lui, il s’immisce dans une conversation que tiennent des personnes qui visiblement le connaissent mais marquent leur surprise devant cette irruption. Il arrĂȘte vite de parler mais reste avec eux, heureux d’ĂȘtre dans un groupe. A un moment donnĂ©, une conversation assez vive dĂ©marre entre deux personnes, il se retourne et intervient. L’une de ces deux personnes lui rĂ©pond sĂšchement qu’elle parle de cette question avec l’autre personne et pas avec lui et qu’elle lui serait reconnaissante de pouvoir poursuivre tranquillement leur conversation. AprĂšs cette rebuffade, il ne dit rien mais le regard qu’il lance Ă  la femme qui l’a Ă©cartĂ©, est Ă  la fois triste et vĂ©ritablement mĂ©chant. Etre exclu lui est insupportable. Il se rassied calmement alors que le concert reprend, seul son pied bat trop fortement la mesure. 5 aoĂ»t 2020 Une femme d’une cinquantaine d’annĂ©es assise dans une salle d’attente. Elle porte un masque, des cheveux courts teints en noir et des grosses lunettes Ă  monture Ă©caille. Elle tient son sac sur ses genoux. Elle a une robe bleue avec des dĂ©coupes de petites figures gĂ©omĂ©triques qui est une imitation d’une robe Maje. Face Ă  la recherche de cette tenue, on est extrĂȘmement surprise de voir ses chaussures. Ce sont des mules trĂšs usĂ©es avec un petit talon compensĂ©, en plastique. Souvent les femmes qui travaillent au marchĂ© et qui ont un certain Ăąge, en portent. Elle a de grands pieds, trĂšs dĂ©formĂ©s et porte un vernis Ă  ongles rose posĂ© trĂšs maladroitement sur des ongles abĂźmĂ©s. Elle se lĂšve alors que ce n’est pas son tour et va au secrĂ©tariat pour dire qu’elle attend depuis trĂšs longtemps d’une voix trĂšs tendue comme si elle allait pleurer. La secrĂ©taire, qui l’appelle par son nom, la rassure, lui dit qu’on va la recevoir, qu’elle est arrivĂ©e trĂšs en avance et que ce n’est pas encore l’heure Ă  laquelle elle a son rendez vous. Elle revient et se rassied. Elle triture les anses de son sac. Elle a peur. 4 aoĂ»t 2020 Une petite maison dans un jardin. La maison n’est pas neuve mais doit dater des annĂ©es soixante-dix, elle est trĂšs banale. Le jardin est Ă  moitiĂ© entretenu, l’herbe est coupĂ©e mais sĂšche. On est dimanche, le repas de famille se fait dehors, les enfants crient, jouent, les adultes discutent et parlent fort. Peu Ă  peu le jardin se vide. On voit un jeune homme seul au milieu de l’herbe habillĂ© d’une chemise blanche repassĂ©e, d’un nƓud papillon, d’un costume noir ajustĂ© et de chaussures noires cirĂ©es. Il est bien trop habillĂ© pour un repas de famille surtout en plein Ă©tĂ©. Il a l’air presque clownesque tellement il semble incongru d’autant plus qu’il est trĂšs droit et immobile. Il est trĂšs tranquille et regarde devant lui sans que son regard ne se pose. Cela créé une sorte d’image comique de dĂ©solation, cet homme en habit devant cette maison et ce jardin sans beautĂ© et sans verdure. Tout Ă  coup, il se met Ă  courir et va Ă  son scooter en regardant l’heure. On se dit alors qu’il est en habit de travail et que le petit instant suspendu de son rĂȘve, il a tout oubliĂ©. 3 aoĂ»t 2020 Un homme d’une trentaine d’annĂ©es dans un hĂŽpital. Il est habillĂ© de noir, avec des claquettes, un short et un tee-shirt. Il entre et au lieu d’aller Ă  l’accueil, il se prĂ©cipite vers le bureau pour les radios. Il parle mal le français. La secrĂ©taire lui dit qu’elle s’occupe des radios, que pour les scanners, il faut qu’il aille Ă  l’autre bureau mais que de toutes les façons, il ne peut avoir rendez vous lĂ  car son ordonnance est pour un IRM et qu’ils n’ont pas la machine. Tout de suite, il s’énerve disant qu’il a rendez vous lĂ , en tendant le papier avec force. Elle regarde la liste des rendez-vous et lui dit qu’il n’est pas sur la liste. Elle lui propose qu’il lui donne le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone oĂč il a pris rendez vous pour lui dire dans quel hĂŽpital il doit aller. Il ne comprend pas et dit que ce n’est pas normal qu’il doit faire un scanner lĂ . Il part. Il revient en criant toujours la mĂȘme chose, il a rendez vous lĂ , pourquoi elle ne veut pas de lui, que ce n’est pas normal. Un mĂ©decin intervient, l’homme est Ă  la limite d’exploser de colĂšre. Le mĂ©decin Ă  l’idĂ©e alors de lui montrer ce qui est Ă©crit sur l’ordonnance et le mot scanner sur la porte. Il s’assied. Il regarde plusieurs fois, il voit la diffĂ©rence Ă  dĂ©faut de pourvoir la lire. Il se calme. Il doit se demander oĂč il doit aller. Le mĂ©decin lui donne un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone. Il part en traĂźnant des pieds comme un enfant puni. 2 aoĂ»t 2020 Une femme dont on n’arrive pas Ă  dĂ©terminer l’ñge est assise en train de boire l’apĂ©ritif. Elle est habillĂ©e, d’une “combi-short” courte et dĂ©colletĂ©e lĂ©opard et chaussĂ©e de mules lĂ©opard. Elle est bronzĂ©e, faussement blonde et trĂšs maquillĂ©e malgrĂ© le soleil. La jeune fille d’une quinzaine d’annĂ©es Ă  cĂŽtĂ© d’elle est sa fille car elle l’appelle “maman” Ă  plusieurs reprises. Sa fille est dĂ©jĂ  trĂšs belle et va l’ĂȘtre encore plus, trĂšs vite. Cette jeune fille et le mari ventru et grisonnant, nous donne alors une idĂ©e de l’ñge de cette femme. Elle prend sans cesse des photos et des selfies en arrangeant sa chevelure, en mettant et en enlevant des grands lunettes de soleil qui lui mangent le visage. Elle cherche Ă  tout prix Ă  occuper l’attention de sa famille mais aussi celles des autres tables. On aperçoit un petit sac Ă  main lĂ©opard et un sac de courses banal. Dedans, un masque lĂ©opard. On aimerait presque attendre de la voir se lever et partir avec ce masque sur le visage. On se demande ce que se dit cette femme pour mettre en Ɠuvre tout cela, assortir toute sa tenue dans les moindres dĂ©tails dans un motif qui Ă©voquerait une sauvagerie Ă©rotique. On ne sait si elle trouve cela beau, que cela lui va bien ou bien si c’est pour attirer, encore un peu, les regards. 2 aoĂ»t 2020 Un homme d’environ trente-cinq ans, trĂšs grand, large, trĂšs musclĂ© et dont la seule prĂ©sence physique dĂ©gage une force impressionnante. Il est blond, bien coiffĂ© avec les cheveux un peu longs mis en arriĂšre et encore humides comme sortant de la douche. Il a un visage fin avec un menton carrĂ© et assez long. De prĂšs, on voit qu’il a de nombreuses cicatrices mais que son nez, contrairement Ă  certains de ses camarades, est intact. Il est habillĂ© d’un costume gris marquĂ© de l’écusson du club et d’une chemise blanche. On a le sentiment que les beaux habits, pourtant Ă  sa taille, vont Ă©clater sous la pression d’une force contenue. Il parle tout doucement et face aux nombreuses sollicitations, rĂ©pond simplement. Son regard est bienveillant et on a du mal Ă  se le rappeler Ă©cumant de rage quelques heures auparavant, distribuant des coups aux joueurs de l’équipe adverse qui avaient fait mal Ă  l’un des siens. La force domptĂ©e et la maĂźtrise que l’on sent en lui tiennent aussi Ă  la fatigue aprĂšs avoir passĂ© tout ce temps sur le terrain Ă  courir, lutter, pousser, plaquer. Par instant, quand il se redresse et recoiffe vivement ses cheveux en arriĂšre, on voit les images des matchs se superposer Ă  celle de ce gĂ©ant domptĂ©. C’est toute sa vie qu’il abandonne un instant pour revĂȘtir l’uniforme propret et serrĂ© du capitaine exemplaire interviewĂ©. 1 aoĂ»t 2020 L’église est une belle Ă©glise baroque sur une place d’une vieille ville. La façade ocre et verte est trĂšs ornĂ©e et la grande porte est ouverte. Une foule assez compacte se tient dĂ©jĂ  dedans et d’autres sont restĂ©s dehors. Quelques-uns sont assis Ă  la terrasse d’un cafĂ©. Les gens se saluent, s’embrassent, se font signe, ce sont aussi des retrouvailles. Un corbillard arrive, empli de fleurs et d’un cercueil trĂšs simple en bois clair avec une croix sans Christ dessus. Il est portĂ© par les hommes en noir et un cortĂšge familial se forme derriĂšre lui pour entrer dans l’église. Au moment oĂč le cercueil passe la grande porte, tous se lĂšvent et le grand orgue joue le premier accord, puis on entend un trait de violon, rare dans ces circonstances, long et suave, il prend tout le monde Ă  la gorge. Cette douceur et cette sensualitĂ© dans cette foule, dans ce moment-lĂ , vous fait comprendre pourquoi on fait cela. Pourquoi c’est si important, les enterrements, les Ă©glises, les gens qui se lĂšvent et la musique. La douceur du violon et la force de l’orgue vous rendent presque heureux dans ce théùtre apaisant que vous avez, presque malgrĂ© vous, ancrĂ© dans votre mĂ©moire. 31 juillet 2020 Un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es assis Ă  un cafĂ©. Il est en short, tee-shirt et tongs et a Ă  ses pieds un panier de courses plein. TrĂšs souriant, il regarde tous ceux qui passent et quand des gens s’asseyent aux tables d’à cĂŽtĂ© de lui, il engage tout de suite la conversation. La plupart du temps, on lui rĂ©pond poliment mais sans plus. Une femme d’une trentaine d’annĂ©es s’installe Ă  la table Ă  cĂŽtĂ© de lui. Il engage la conversation, elle rĂ©pond et boit son cafĂ©. Il se tourne vers elle et il lui fait un clin d’Ɠil. Elle a vu mais elle ne rĂ©agit pas. Il refait un clin d’Ɠil avec un petit signe de la tĂȘte comme pour dire “allez, on y va !”. Elle dĂ©tourne la tĂȘte. Il se penche vers elle et approche son bras, elle se recule, le regarde avec dĂ©goĂ»t et secoue la tĂȘte. Elle se lĂšve et va payer. Il se remet au fond de sa chaise, sourit Ă  nouveau et regarde les passants. On se demande ce qui peut bien lui passer par la tĂȘte pour penser que cette femme allait partir avec lui. On ne sait s’il tente vraiment sa chance pensant qu’une femme seule est forcĂ©ment disponible ou s’il sait qu’il sera rejetĂ© mais que c’est juste pour le plaisir d’importuner les femmes, qu’elles n’aient pas le plaisir de savourer un cafĂ© en terrasse seules, pour qu’elles se lĂšvent et s’en aillent. 30 juillet 2020 Une rangĂ©e de personnes plutĂŽt ĂągĂ©es pendant un concert de musique classique. Au milieu, une femme avec des cheveux au carrĂ©, blancs, un peu frisĂ©s. Elle ne parle presqu’à personne alors qu’à plusieurs reprises des gens se sont adressĂ©s Ă  elle ou ont guettĂ© son assentiment. Elle Ă©coute le concert mais, Ă  plusieurs reprises, elle regarde discrĂštement son tĂ©lĂ©phone. A un moment donnĂ©, le son fort d’une tĂ©lĂ©vision d’une maison gĂȘne le concert. Le public murmure, elle est tendue et sa tĂȘte est comme entrĂ©e dans son cou. Sa voisine lui dit quelque chose Ă  l’oreille. Elle hausse vivement les Ă©paules et secoue la tĂȘte. Elle n’interviendra pas pour faire cesser le bruit. Les personnes devant elle, se retournent vers elle, puis renoncent Ă  lui parler. Le bruit continue. Elle est responsable, Ă©lue, directrice de salle, d’astreinte, maire, peu importe, elle ne veut rien savoir de ceux qui voudrait qu’elle se lĂšve et aille taper Ă  la porte de la maison d’oĂč vient le bruit mais c’est trop. Elle veut Ă  tout prix prĂ©server ce temps oĂč la musique la protĂšge des autres, les empĂȘche de lui demander des choses, de l’interpeller, de lui reprocher ses actions, de l’avertir de ceci ou cela. La musique malgrĂ© le bruit gĂȘnant crĂ©e un espace de quiĂ©tude dans lequel elle peut reprendre son souffle. 29 juillet 2020 Un bateau dans une trĂšs belle baie de MĂ©diterranĂ©e. Au premier regard, on pense que c’est un bateau de guerre comme il y en parfois dans cette rade profonde. Son nom immense Ă©crit Ă  l’avant sur toute la hauteur fait penser Ă  un nom de bateau de la marine amĂ©ricaine. Sa taille, ses couleurs noir et gris, sa forme avec une proue droite, son arriĂšre vaste et bas Ă©quipĂ© d’une immense annexe noire, les multiples boules de radars et les antennes, tout semble vouloir qu’on pense Ă  une arme. Pourtant, ce serait plutĂŽt un yacht de luxe ou, paraĂźt-il, l’annexe d’un immense yacht de luxe. Au milieu de tous les autres bateaux, voiliers et yachts blancs, il créé une grande violence visuelle. Elle est accentuĂ©e par une violence sonore exercĂ©e sur toute l’étendue de la baie par ce bateau qui laisse en route ses moteurs ou son groupe Ă©lectrogĂšne sans discontinuer comme s’il devait lever l’ancre ou faire feu dans l’urgence. Quand on arrive Ă  ne plus le voir, on l’entend. On pense Ă  celui qui l’a voulu comme cela et qui doit rĂȘver de jouer Ă  la guerre jusqu’à produire ce monstre marin dont l’agressivitĂ© est une dĂ©claration de guerre Ă  la mer et aux marins. 28 juillet 2020 Un homme trĂšs ĂągĂ© assis dans un vieux fauteuil dĂ©foncĂ©. Du coup, on a l’impression qu’il est trĂšs bas et trĂšs petit et que ses bras sur les accoudoirs sont un peu en hauteur. Il est habillĂ© de chaussures de toiles de coton, d’un pantalon gris clair passablement tĂąchĂ© et d’un chemise bleue clair rentrĂ©e dans la pantalon qui semble tenir par une ceinture de cuir noir trĂšs abĂźmĂ©e. Les cheveux sont blancs et ils sont coiffĂ©s en arriĂšre cachant peut-ĂȘtre un dĂ©but de calvitie. Le visage est encore assez bien conservĂ© avec le menton marquĂ©, une bouche trĂšs fine ouvrant sur des dents trĂšs abĂźmĂ©es ou manquantes, un nez fort et un front haut. Les yeux semblent d’abord gris clair mais on s’aperçoit qu’en fait, ils sont d’un bleu trĂšs pĂąle comme s’ils avaient Ă©tĂ© dĂ©lavĂ©s par le temps. Ils sont petits mais avec un halo autour d’eux et un regard qui donnent le sentiment qu’il est toujours un peu au-delĂ  dans une rĂȘverie singuliĂšre. Comme s’il rĂ©flĂ©chissait en rĂȘvant. On remarque que ses mains sont rivĂ©es aux accoudoirs et que, malgrĂ© tout, elles tremblent beaucoup, ce qu’il essaie de masquer. Ce serait comme deux pĂŽles de luttes opposĂ©es de la profonde vieillesse amorcĂ©e entre les mains qui dĂ©raillent et le regard qui se dĂ©ploie au loin sans vous voir. 27 juillet 2020 Une petite fille de huit ans. Elle a de longs cheveux bouclĂ©s noirs qui lui recouvrent les Ă©paules et descendent jusqu’en bas du dos. Elle fait souvent le geste de les soulever et de les secouer comme pour faire de l’air. Son visage est trĂšs prĂ©cisĂ©ment dessinĂ© avec de grands yeux noirs, un nez fin et une bouche ourlĂ©e. On dirait un visage d’adulte, il n’a pas du tout le flou des visages d’enfants qui sont en train de changer, de grandir. Cette acuitĂ© des traits est accentuĂ©e par le fait qu’elle ressemble trait pour trait Ă  sa mĂšre et qu’on finit par avoir le sentiment que les deux visages ne font qu’un. Au-delĂ  mĂȘme du visage, elle est trĂšs sĂ©rieuse et observe tout et tous avec beaucoup d’attention. Son visage est parfois grave et elle fronce les sourcils certainement pour se concentrer, pour comprendre quelque chose. Pourtant Ă  un moment, on la surprend quand elle se penche vers sa mĂšre et lui murmure quelque chose Ă  l’oreille avec un air espiĂšgle. Elle se moque visiblement des gens qu’elle regarde depuis un moment. Ce rire dans son regard et son sourire moqueur vous rassurent. Elle est quand mĂȘme encore petite. 26 juillet 2020 Une toute petite Ă©choppe Ă  l’entrĂ©e d’un marchĂ© couvert oĂč l’on vend des spĂ©cialitĂ©s antillaises. L’homme qui la tient est grand, le visage dĂ©jĂ  marquĂ© et il parle beaucoup quand il cuisine et qu’il sert. Beaucoup de clients lui demandent des accras et il les fait Ă  la demande, alors pendant qu’ils cuisent, il blague, interpelle tout le monde, semble trĂšs Ă  l’aise. Chez lui. Souvent, il n’est pas Ă  son Ă©choppe et part faire des courses, boire un cafĂ©, parler avec un autre commerçant, livrer quelqu’un. On est obligĂ© de passer et repasser si on veut vraiment lui commander quelque chose. Un matin, il part longtemps, on le cherche, et on finit par demander Ă  la boulangĂšre juste en face, si elle sait oĂč il est. Elle est d’abord avenante quand vous approchez, car elle croit que vous allez lui acheter quelque chose, mais quand elle entend votre question, elle fait une moue dĂ©goĂ»tĂ©e et vous dit “Celui-lĂ , qu’est-ce que j’en sais ! et vous allez lui acheter quelque chose Ă  cet homme lĂ  ?”. Le sous-entendu raciste de la phrase vous effraie. Vous restez plantĂ©e lĂ  Ă  l’attendre comme si vous deviez les dĂ©fendre, lui et sa petite Ă©choppe, qui pourraient ĂȘtre poussĂ©s hors du marchĂ© par la bĂȘtise. 25 juillet 2020 Un couple assis sur un petit parapet qui domine la mer toute proche. Il porte un “marcel” noir, un short noir un peu long, des chaussettes et des claquettes en plastique bleu. Il a une barbe brune trĂšs peu Ă©paisse et des cheveux courts. Elle est assise plus nonchalamment, un genou repliĂ© sur le parapet. Elle porte des tongs, un pantalon de survĂȘtement gris, une chemise noire ample Ă  manches longues et une foulard noir de coton lĂ©ger sur ses cheveux et autour de son visage. Elle consulte son tĂ©lĂ©phone portable, parle Ă  son compagnon en lui montrant quelque chose sur l’écran. En faisant ce mouvement, son foulard tombe sur ses Ă©paules. Elle sourit et l’arrange sur ses Ă©paules, elle ne le remonte pas. L’homme la regarde rapidement, regarde autour d’eux et choisit de ne rien dire. Elle se tourne, regarde la mer et lui montre un bateau de pĂȘche. Ils se retournent tous les deux, se rasseyent sur le parapet Ă  l’envers, les jambes pendantes au-dessus de la mer, face Ă  la baie. Ils ont rangĂ© leur tĂ©lĂ©phone portable, posĂ©es sur le parapet, leurs mains se touchent. On dirait deux gamins. 24 juillet 2020 Une femme traverse prĂ©cautionneusement l’avenue principale de la ville en tirant un chariot de courses. Elle doit avoir une soixantaine d’annĂ©es et marche lentement. Ses cheveux gris sont assez courts et sont mis en plis au rouleau ou au fer, elle ne porte pas de sac mais tient un porte-monnaie dans la main qui ne tire pas le chariot. Elle est chaussĂ©e de pantoufles noires dĂ©corĂ©es de broderies sur le dessus avec des petits talons compensĂ©s. Elle porte une blouse sans manches, grise avec des petites fleurs roses, boutonnĂ©e sur le devant et en tissu brillant, comme du tergal. La blouse lui arrive aux genoux et est assez ample. Ce type de blouse est ce que mettaient les femmes ĂągĂ©es chez elle pour les travaux mĂ©nagers, la vie quotidienne. Vous vous arrĂȘtez pour la regarder car elle semble ĂȘtre d’un autre temps au milieu de cette avenue passante. Le temps de votre enfance. Elle est exactement habillĂ©e et coiffĂ©e comme votre grand-mĂšre. En la regardant s’éloigner doucement, vous entendez le bruissement du tissu, vous sentez l’odeur des gĂ©raniums qu’elle arrosait sur sa coursive. 23 juillet 2020 Deux jeunes garçons sur une plage, ils doivent avoir autour de seize ans. Ils nagent bruyamment en se parlant. Ils ne savent pas trĂšs bien nager, ils essaient de surmonter leur maladresse en faisant les “kĂ©kĂ©s”. Ils crient, ils s’interpellent, on n’entend qu’eux. Ils se laissent peu Ă  peu gagner par l’euphorie de la mer et se mettent Ă  jouer comme des gosses au bord de l’eau, Ă  faire la course Ă  grands renforts de gestes dĂ©sordonnĂ©s, Ă  s’asperger, Ă  se faire prendre par les vagues et les galets. L’un d’entre eux dit qu’il n’aime pas aller loin et, un peu honteux, mais voulant se rassurer quand mĂȘme, demande en riant, au maĂźtre nageur assis sur sa chaise, s’il viendra le sauver. Le maĂźtre nageur lui rĂ©pond qu’il devrait apprendre Ă  nager. Les deux garçons protestent avec vĂ©hĂ©mence disant qu’ils savent trĂšs bien nager en Ă©claboussant beaucoup autour d’eux mais lĂ  oĂč ils ont pied. AprĂšs avoir captĂ© l’attention de toute la plage, ils retournent sur les galets. Ils sont assis sur deux pliants qu’ont souvent les personnes ĂągĂ©es, et sirotent du coca en Ă©coutant de la musique fort. A nouveau, on n’entend qu’eux. Ils se narrent Ă  haute voix leurs exploits de natation comme des enfants qu’ils ne sont presque plus ou qu’ils sont presque encore et qui se racontent des histoires pour finir par presque y croire. 22 juillet 2020 Un chien tout petit, absolument ridicule avec des oreilles pointues et une queue dressĂ©e et retournĂ©e comme si elle avait Ă©tĂ© mise en plis autour d’un bigoudi. Il se promĂšne sur le quai d’un petit port. On est trĂšs surpris car ce type de chien est toujours soit dans les bras de son maĂźtre soit dans un panier, ou au moins en laisse. On regarde autour de lui, personne ne semble accompagner ce chien. Il est seul et vaque Ă  ses affaires de chien, renifler, humer, aller Ă  droite et Ă  gauche en courant, faire quelques pipis sur des endroits bien prĂ©cis sentis longuement, gratter la terre de temps en temps, aboyer quand un autre chien passe, Ă©viter les gens, aller voir du cĂŽtĂ© des poubelles. Exactement comme ferait un autre chien sauf qu’il a la taille d’un chat et qu’il nous fait immĂ©diatement penser aux petits chiens proches de la caricature de certains films, aux “PĂ©pettes”. Lui s’en moque et, en toute indĂ©pendance, il vit sa vie de MĂ©dor. Peu Ă  peu, on ne se moque plus, on voit que son instinct lui fait faire la mĂȘme chose que tous les autres chiens une fois dĂ©barrassĂ© de ses maĂźtres. On se met enfin Ă  le regarder comme un animal. 21 juillet 2020 Quatre femmes se retrouvent tous les jours pour faire une promenade et passe dans un Ă©troite ruelle en pente qu’elles descendent. Elles parlent sans arrĂȘt, le but de la petite marche Ă©tant de se retrouver et de sortir pas de faire du sport. L’une d’elle Ă  une voix plus ĂągĂ©e et souvent, alors que les paroles et les rires fusent, quand elle prend la parole, les autres Ă©coutent patiemment sa lenteur articulĂ©e. Puis, sitĂŽt qu’elle a fini, la conversation repart aussi vite. De temps en temps, l’une d’entre elles, s’adresse Ă  la plus ĂągĂ©e en lui disant “tu as compris ? “ et continue sans attendre la rĂ©ponse ou bien l’autre a rĂ©pondu avec un hochement de tĂȘte. Dans la pente, elles s’aperçoivent que la plus ĂągĂ©e va plus vite qu’elles, elles l’interpellent et lui disent qu’elle est vraiment en forme. L’autre leur rĂ©pond qu’elle, elle “ne passe pas son temps Ă  bavarder pour ne rien dire” d’un ton sec. Les trois autres restent muettes. Puis l’une lui dit avec prĂ©caution “mais maman, il ne faut pas nous en vouloir si tu ne comprends pas tout de notre conversation, tu comprends bien qu’on s’amuse un peu ensemble”. Une parole de petite fille qui s’excuse de rire avec ses sƓurs. 20 juillet 2020 Un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es qui Ă©coute un concert de musique classique. Il est habillĂ© d’un jean, d’un tee-shirt dĂ©lavĂ© et de tongs en cuir. Il est mal rasĂ© et dĂ©coiffĂ© comme s’il se levait d’une sieste. Quand il est arrivĂ© pour s’installer au premier rang, il a fait bien attention de porter avec un peu d’ostentation sa tenue nĂ©gligĂ©e. L’orchestre joue et il Ă©coute. AprĂšs le premier mouvement, l’orchestre suspend son geste pour reprendre ensuite par un mouvement plus rapide du mĂȘme concerto. Pendant ce court silence, il applaudit seul. Il ne sait pas qu’il faut attendre la fin des mouvements du concerto pour ne pas gĂȘner les musiciens. Deux ou trois personnes suivent mais lui s’arrĂȘte immĂ©diatement. Puis il se tourne vers les gens Ă  sa droite en souriant d’un air entendu. On ne sait pas s’il a fait cet impair exprĂšs voulant rompre avec les codes du concert bourgeois par sa tenue et en applaudissant quand il en a envie. On se dit qu’il est venu lĂ  pour dĂ©montrer quelque chose Ă  la petite communautĂ© rĂ©unie pour le concert autant que pour Ă©couter. Pourtant, ensuite, il fera toujours trĂšs attention que les applaudissements soient nourris pour applaudir Ă  son tour. Peut-ĂȘtre qu’il ne savait pas et qu’il cache au mieux son malaise par une dĂ©sinvolture Ă©tudiĂ©e. 19 juillet 2020 Un couple ĂągĂ© d’italiens dĂ©jeune avec un ami. Lui ressemble Ă  l’image rĂȘvĂ©e que l’on peut se faire d’un vieil italien Ă©lĂ©gant sans ostentation, les cheveux et la moustache blancs immaculĂ©s, les traits fins, parlant avec juste quelques gestes des mains et un air malicieux. De temps en temps, il jette un regard Ă  la fois dĂ©solĂ© et tendre Ă  sa femme qui se bat depuis qu’elle est arrivĂ©e avec son grand sac. Elle finit par le faire tomber, le vide en le ramassant, se met Ă  quatre pattes pour rĂ©cupĂ©rer tout ce qui est par terre, oublie le tĂ©lĂ©phone qui est sous sa chaise et se relĂšve en disant que c’est de sa faute car elle ne ferme jamais son sac avec un air Ă  la fois embĂȘtĂ© et un peu provocateur. Il la regarde faire puis se lĂšve, prend le sac, range posĂ©ment ce qu’il y a dedans, doit s’apercevoir qu’il manque le tĂ©lĂ©phone, se baisse, le cherche des yeux, le ramasse, ferme le sac et le pose sur une chaise en face de lui. Pendant ce temps, elle se dĂ©sintĂ©resse complĂštement de ce qu’il fait et raconte quelque chose Ă  leur ami en riant. Quand il se rassied, il sourit et se rĂ©installe dans la conversation en passant du français Ă  l’italien avec une aisance absolument naturelle. On se demande si dans ce duo, son rĂŽle Ă  elle n’est pas de tout faire tomber, de tout perdre et lui, calmement et Ă©lĂ©gamment, de tout ranger, tout retrouver, tout ordonner. 18 juillet 2020 Un jeune homme traverse une place. Il est grand, mince et porte un long bermuda et un tee-shirt sans manches vert fluo, il a des tongs aux pieds. Son visage fin et beau est couronnĂ© d’un immense chignon de dreadlocks tenus pas un foulard sombre dont certaines dĂ©passent. Il a fiĂšre allure et marche de maniĂšre Ă  la fois nonchalante et enjouĂ©e. On pense aux athlĂštes jamaĂŻcains de la course qui ont cette Ă©lĂ©gance joyeuse dans leur maniĂšre de se dĂ©placer et de gagner. Il va et vient au dĂ©but sans que l’on comprenne ce qu’il fait et puis on se rend compte qu’il regarde les Ă©tals et doit chercher un fruit ou un lĂ©gume prĂ©cis. Il s’arrĂȘte devant un Ă©tal de lĂ©gumes et on voit que le marchand lui lance un regard sur la dĂ©fensive presqu’agressif. Il n’a pas l’air de s’en apercevoir et quand il demande s’il peut se servir de courgettes du pays, le marchand ouvre des grands yeux et sourit. Le grand athlĂšte rasta Ă  la belle allure a un fort accent chantant et particulier du coin et il sait choisir ses courgettes. On ne sait s’il est indiffĂ©rent ou juste habituĂ© Ă  l’agressivitĂ© qu’il peut susciter ou s’il sait que dĂšs qu’il parle son accent l’adoucit immĂ©diatement faisant de lui quelqu’un d’ici. 17 juillet 2020 Une femme d’une quarantaine d’annĂ©es qui est massive mais semble assez sportive, dynamique. Elle est habillĂ©e d’un robe noire ample et de bottines. Ce qui frappe, ce sont ses lunettes qui viennent en avant de son visage et qui sont noires, longues et assez peu larges mais avec des montures trĂšs Ă©paisses qui cachent quasi complĂštement le regard. Le visage est assez large et se termine en un menton pointu et une bouche fine. Les cheveux sont trĂšs noirs et coupĂ©s dans un carrĂ© court. Les pommettes sont marquĂ©es. On pense Ă  un visage slave. Pourtant autre chose nous donne un sentiment de dĂ©jĂ  vu et de malaise. On pense alors aux visages que l’on a pu voir dans des films de femmes des pays de l’Est, avec ce type de lunettes et de visage, au regard froid, au verbe violent qui en surveillent ou en interrogent d’autres. Pourtant quand celle-ci se met Ă  rire et enlĂšve ses lunettes pour les essuyer, on voit toute la beautĂ© lumineuse d’un jeune visage d’une paysanne russe. On ne sait plus quel Ăąge elle a et on se demande pourquoi elle a mis devant son regard un paravent plastifiĂ© et noir. Certainement qu’elle s’est sentie contrainte de cacher la fraĂźcheur Ă©clatante qui peut troubler son image de femme de pouvoir. 16 juillet 2020 Un jeune couple dĂ©jeune devant une plage. Ils se lĂšvent et vont s’assoir sur un matelas pour faire une selfie d’eux deux devant la mer. Elle bouge un peu ses cheveux, donne un coup Ă  sa frange et attend, assise. Il se recoiffe une premiĂšre fois pour donner un peu de volume Ă  sa chevelure un peu clairsemĂ©e. Il s’assied et tient le tĂ©lĂ©phone Ă  bout de bras, regarde leur image et fait la grimace. Il se relĂšve. Il remet en place sa chemise blanche, refait bouffer ses cheveux et se rassied. Il prend un selfie, le regarde, le montre Ă  sa compagne, et visiblement n’est pas content. Il retourne Ă  leur table, prend ses lunettes de soleil et les met, non sans avoir encore passĂ© une main dans ses cheveux. Pendant ce temps, elle attend souriante et sĂ»re d’elle, trĂšs calme. Il se rassied et ils prennent leur photo puis une deuxiĂšme. La jeune femme se relĂšve, elle est assez grande, mince, jolie sans ostentation. Lui, plus petit, semble mal Ă  l’aise quand ils sont debout ensemble. Il est inquiet. Sa tension semble grandir encore devant le rire de sa compagne qui pianote sur son tĂ©lĂ©phone et envoie certainement leur image sur les rĂ©seaux sociaux. Il a terriblement peur d’ĂȘtre encore moquĂ©. 15 juillet 2020 Un jeune garçon pieds nus, en pantalon de survĂȘtement relevĂ© et tee-shirt ample et blanc, s’amuse avec les vagues au dĂ©but de l’automne. Il a des cheveux courts, trĂšs blonds et une visage fin aux lĂšvres petites avec des yeux clairs. L’eau est dĂ©jĂ  froide, il crie, il court, va et vient en fonction des vagues. A un moment donnĂ©, il glisse parmi les galets, se retrouve par terre et se fait mouiller jusqu’aux genoux. Il rit. Il a l’air seul mais au fond de la plage, une femme le regarde sans vraiment d’inquiĂ©tude mais quand il tombe, elle va vers lui et s’arrĂȘte en entendant son rire. Le rire aigu de l’enfant, presqu’un adolescent, nous surprend et quand on voit qu’il a des boucles d’oreilles, on pense que c’est peut-ĂȘtre plutĂŽt une jeune fille. On le regarde ou on la regarde longuement s’amuser et on ne peut savoir. A voir le regard doux et attentif que lui porte celle qui semble ĂȘtre sa mĂšre, les mouvements, les gestes, les cris, la vivacitĂ© de cet ĂȘtre joyeux, on se dit que cette incertitude est la sienne, que c’est son choix portĂ© vaillamment face Ă  la mer qui lui lĂšche les pieds. 14 juillet 2020 Un homme d’une quarantaine d’annĂ©es. Il n’est pas grand, avec une densitĂ© physique, une Ă©paisseur qui est contredite par un visage dans lequel tout est petit. On remarque immĂ©diatement que le sourire est toujours forcĂ© et que le mouvement incessant des yeux le contredit. Il observe tout, tout le temps, et on cherche ce qui est l’espace ou le lieu de son angoisse. Il a deux jeunes enfants qui jouent, non loin de leur mĂšre, assez tranquillement. DĂšs qu’il arrive, l’un se met Ă  crier et l’autre Ă  faire une bĂȘtise. Cet homme fermĂ© a fait de l’inquiĂ©tude pour ses enfants, une obsession. Il fait presque peur dans ses gestes prĂ©cautionneux, quand il enlĂšve absolument tout qui pourrait reprĂ©senter une danger, quand il passe son temps accroupi Ă  vĂ©rifier que tout se passe bien. Il sait que les autres le voyant pensent qu’il est obsessionnel, qu’il exagĂšre. Il se sent jugĂ© alors il parle autant pour les autres que pour lui-mĂȘme en commentant ce qu’il fait et en en donnant les raisons, tentant d’objectiver pour lui et les autres ses gestes. Il sait qu’il en fait trop mais il ne peut pas faire autrement. Il créé une tension perpĂ©tuelle qui malmĂšne les ĂȘtres. 13 juillet 2020 La jeune femme est trĂšs brune, elle porte un chignon haut et a de jolis yeux bruns clairs. Elle porte une robe fleurie dont les courtes manches sont un peu bouffantes. Quand elle prĂ©pare votre dossier mĂ©dical puis tente de vous enregistrer et de vous faire payer, elle semble perdue et le mĂ©decin, son patron doit la guider. Elle fait un remplacement. Il doit lui faire rĂ©pĂ©ter plusieurs fois ce qu’elle dit car elle porte un masque noir Ă©pais, trĂšs particulier qu’elle attache par des pressions et qui semble trĂšs prĂšs de son visage. A un moment donnĂ©, le mĂ©decin est reparti et le systĂšme informatique se bloque, elle sort de derriĂšre son bureau et sa vitre, et court vers le bureau. La vision de cette jeune femme qui court avec son masque noir fait penser Ă  une vision cinĂ©matographique mĂȘme si ce film-lĂ , cette image-lĂ  n’existent probablement pas. On pense immĂ©diatement aux jeunes gens dĂ©figurĂ©s pendant la premiĂšre guerre mondiale et leur masque. Elle se rassied, essoufflĂ©e, et on est apaisĂ© par le bruit de sa respiration qui nous ramĂšne au rĂ©el. 12 juillet 2020 Un maĂźtre d’hĂŽtel d’un restaurant de plage assez chic. Il nous demande si on a rĂ©servĂ© et nous dĂ©signe une table loin de la mer. On lui confie qu’on voudrait entendre la mer, que c’est pour cela que l’on vient aussi, il nous dit que “bien sĂ»r, il comprend” et il nous trouve une table plus prĂšs. Il est parfait. HabillĂ© d’un costume noir, d’une chemise blanche mais sans cravate ce qui aurait Ă©tĂ© trop pour la situation de ce restaurant, il porte des chaussures en cuir noir, cirĂ©es. Ce costume impeccable de sa fonction est mis en valeur par son masque immaculĂ© avec, sur le cĂŽtĂ©, le nom de la plage. Alors que tous les serveurs et serveuses suent, enlĂšvent leur masque dĂšs qu’ils entrent dans les cuisines, il n’y touche pas, il ne l’enlĂšve jamais, il va de table en table pour demander si tout va bien. A force, on a le sentiment qu’il est Ă  part et c’est peut-ĂȘtre ce qu’il souhaite ou que sa fonction demande. Pourtant Ă  un moment donnĂ©, on le surprend qui essuie son visage avec un mouchoir en coton et change de masque pour en avoir un toujours impeccable. Ce petit geste de s’essuyer nous rassure et nous fait entr’apercevoir le visage de l’homme qui doit absolument donner le sentiment qu’il sourit poliment Ă  tous alors qu’on ne voit presque pas son visage. 11 juillet 2020 Deux petits garçons d’environ sept ans sur le quai d’un tout petit port. Ils jouent en toute libertĂ©. L’un a un bermuda, un tee-shirt ample, pieds nus, il est bronzĂ©, Ă©lancĂ©, avec dĂ©jĂ  des Ă©paules, un beau visage fin et une coupe de cheveux savamment libres. L’autre, plus brun, est en claquettes plastiques, en short noir avec un polo dĂ©lavĂ© et une coupe de cheveux classique de petit garçon. Le premier initie les jeux, marche en Ă©quilibre au port du quai, montre les petits poissons, court vite, l’autre suit. MĂȘme quand ils marchent ensemble, le premier le devance peu. Quant l’autre le dĂ©passe, d’un petit sautillement, il le devance Ă  nouveau, mine de rien. De temps en temps, il remonte d’un coup de tĂȘte ses mĂšches de cheveux et on voit le bel adolescent qu’il va ĂȘtre, sĂ»r de lui, sĂ©duisant. L’autre joue, court, touche ses cheveux, tout comme l’autre, avec un lĂ©ger dĂ©calage qui n’est pas seulement dĂ» au temps nĂ©cessaire pour l’imiter mais aussi Ă  son manque d’assurance. A un moment donnĂ©, il se met Ă  courir persuadĂ© que l’autre va le suivre, l’autre ne bouge pas. Le futur “beau gosse” attend, il a toute la vie devant lui pour ĂȘtre aimĂ©. 10 juillet 2020 Une jeune femme avec ses deux petites filles dans une jardinerie. L’ainĂ©e fait la tĂȘte et pleurniche en rĂ©pĂ©tant que “ce n’est pas juste”. Elle veut absolument qu’on lui achĂšte un petit chien en rĂ©sine qui imite la porcelaine et sa mĂšre ne veut pas. La plus jeune sƓur se range alternativement dans la camp de l’une et de l’autre. Le combat dure pendant tout le temps de la longue queue aux caisses puis d’un coup, la mĂšre cĂšde, et dit Ă  l’ainĂ©e d’aller chercher avec sa sƓur un petit chien chacune. Elles reviennent. Alors que l’ainĂ©e exulte, la plus jeune Ă  l’air plus dubitative et finit par demander “mais est-ce qu’on pourra avoir un vrai chien, un jour ?”. La mĂšre rĂ©pond qu’elles ont ces deux petits chiens et que cela suffit bien comme cela. La plus jeune regarde sa sƓur d’un air inquiet, se disant certainement qu’elle prĂ©fĂšre avoir un vrai chien que cet ersatz. L’aĂźnĂ©e la regarde et lui fait un signe de la main qui semble dire “prenons ces faux chiens, ensuite, nous essaierons d’en avoir un vrai”. Elles caressent toutes deux la rĂ©sine colorĂ©e pensivement. 9 juillet 2020 Un homme qui dĂ©jeune sur une plage avec son compagnon et la mĂšre de l’un d’entre eux, sĂ»rement la sienne car il est face Ă  elle. Il est en tongs noires, en short noir assez court et en marcel gris foncĂ©. Il est grisonnant et a un visage assez rond marquĂ© par une acnĂ© ancienne. Pendant tout le repas, il parle. Sans s’arrĂȘter jamais, guettant juste de temps en temps les acquiescements des deux autres. DĂšs que le silence menace, son angoisse est palpable et il se met Ă  triturer sa serviette et son pain. Sur le qui vive, il interpelle le serveur pour redemander du pain, puis de l’eau, puis des nouvelles serviettes, la carte, commentant les plats, disant “c’est bon, hein” mĂȘme s’il n’a pas goĂ»tĂ© les autres assiettes, suggĂ©rant de profiter de la plage aprĂšs le dĂ©jeuner, rĂ©pĂ©tant “on est bien ici, hein ?”, n’attendant pas de rĂ©ponse, reprenant par “ah, ce qu’on va ĂȘtre bien au bord de l’eau !”. Il a un besoin presque Ă©touffant de commenter le prĂ©sent pour se donner la sensation d’ĂȘtre lĂ . Les deux autres personnes lui prĂȘtent une attention mesurĂ©e, habituĂ©es certainement. Cela les arrange peut-ĂȘtre. De temps en temps, la mĂšre dit quand mĂȘme, “mais, oui” d’un ton rassurant pour qu’il se tranquillise juste quelques instants, qu’il s’apaise. 8 juillet 2020 Une femme d’environ une cinquantaine d’annĂ©e attend pour pouvoir entrer dans un magasin. Une fois entrĂ©e, elle manifeste vivement son mĂ©contentement mais on ne sait pourquoi. A voir le visage souriant mais excĂ©dĂ© du commerçant, on comprend qu’elle doit souvent faire cela. Elle rĂąle en marmonnant sans qu’on puisse distinguer vraiment ce qu’elle se dit. Elle regarde Ă  plusieurs reprises vos deux paniers. Elle manifeste que vous la gĂȘnez. Vous continuez nĂ©anmoins vos courses en parallĂšle, elle regarde chaque Ă©tiquette, va vers certains fruits dont vous vous ĂȘtes servis, hĂ©site longtemps devant les cerises et renonce. Elle va vers la caisse pour payer. Vous vous rendez compte malgrĂ© le masque, qu’elle est encore plus tendue et lĂ , muette. Elle regarde prĂ©cisĂ©ment les prix qui s’affichent Ă  la pesĂ©e et compte mentalement. Quand le commerçant dit la somme, l’arrondit plus bas, elle semble soulagĂ©e, tend la somme exacte et s’en va non sans vous lancer un regard colĂ©reux. L’opulence tranquille de vos courses vous gĂȘne presque. Vous allez vers la caisse et le commerçant, vous dit “Elle rĂąle mais c’est parce qu’elle ne peut pas acheter ce qui lui fait envie”. Il ne prĂ©cise pas “elle !” en emballant vos fraises mais il l’a pensĂ© et vous aussi. 7 juillet 2020 Dans un port d’une petite ville du Sud de la France, il y a au moins dix voiliers quasiment alignĂ©s sur un quai. Il fait mauvais, le mistral souffle et aucun bateau n’a pu sortir en mer. Dans l’aprĂšs-midi, peu Ă  peu, on s’aperçoit que sur chaque voilier, il y a un homme. Ils sont tous de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration, entre cinquante et soixante ans, plutĂŽt bien bĂątis et costauds. Ils sont habillĂ©s d’un bermuda blanc ou en jean, d’un tee-shirt rayĂ©, de chaussures de bateau ou de sandales MĂ©phisto, tous quasi identiques. Chacun dĂ©plie, nettoie, plie, range, nettoie, soude, hisse, affale, protĂšge, remplit, graisse, peint, vernit, ponce, colmate, colle, dessale, lime, dĂ©coupe, dĂ©noue, noue, bricole avec un plaisir et une joie perceptible. Certains parlent entre eux de bateau Ă  bateau, rigolent, deux boivent un cafĂ© ensemble. Ils forment ensemble un ballet mĂ©canique dont mĂȘme les Ă©carts semblent faire partie d’une chorĂ©graphie rĂ©pĂ©tĂ©e. On se pose quand mĂȘme une question pourquoi n’y a t-il aucune femme ? Les leurs, certaines Ă  qui appartiendrait aussi un bateau, oĂč sont-elles ? Brutalement, cette fraternitĂ© des gestes et de la mer devient inquiĂ©tante. 6 juillet 2020 Un homme fort, assez jeune, au bord d’un trottoir qui attend pour traverser. Il est en short noir flottant, en tee-shirt noir assez large, et porte des baskets noires montantes. Ses longs cheveux chĂątains semblent mal coupĂ©s et dĂ©passent d’une casquette blanche avec une longue visiĂšre. Son visage est Ă©pais, avec un nez trĂšs Ă©patĂ© comme s’il avait reçu un coup, il a une barbe naissante. Il sautille sur place et regarde rĂ©guliĂšrement sa montre, sans prĂȘter attention Ă  autre chose, concentrĂ©. De temps en temps, il lĂšve la tĂȘte vers le feu. On pense qu’il est en train de courir, de faire du sport et que son trajet est interrompu par la traversĂ©e de ce boulevard. Pourtant quand on repasse au mĂȘme endroit aprĂšs avoir fait des courses, il n’a pas bougĂ©. Il continue de sautiller, de regarder sa montre, le feu mais effectivement quand il pourrait passer, il reste sur place. A un moment donnĂ©, il arrĂȘte de sautiller et il se tourne pour demander quelque chose Ă  un passant qui lui donne une cigarette. Il allume la cigarette, ne bouge plus. Quand elle est finie, il recommence Ă  sautiller et Ă  guetter le feu vert. Alors qu’il s’agite comme une marionnette remontĂ©e, son simulacre nous fige dans un regard suspendu. 5 juillet 2020 Deux jeunes femmes dans un restaurant qui sont visiblement au dĂ©but de leurs vacances dans une petite Ăźle du Sud de la France, un petit paradis. L’une d’entre elle, un peu ronde, avec une jolie bouche charnue, fait trĂšs visiblement “la gueule”. D’un ton las, elle regarde la carte et n’en finit plus de chercher ce qu’elle va boire, ce qu’elle va manger alors que la serveuse attend patiemment. En regardant sa compagne du coin de l’Ɠil comme si c’était une provocation, elle annonce qu’elle va manger un plat chaud, copieux, alors que le midi est dĂ©jĂ  trĂšs ensoleillĂ©. Celle-ci ne rĂ©agit pas. Quand le repas arrive, elle fait la moue Ă  la premiĂšre bouchĂ©e, critique le plat mais finit son assiette. Quand arrivent les desserts, elle peut enfin manifester toute sa colĂšre car sa compagne a pris un dessert Ă  partager pour elles deux avec du chocolat et elle n’aime pas le chocolat. Sa compagne lui fait remarquer qu’elle ne pouvait savoir qu’il y avait du chocolat dans l’énoncĂ© du dessert et qu’elle n’a qu’à commander un autre dessert. L’autre continue de s’énerver et lui dit “Comme d’habitude, tu n’as pas fait attention Ă  moi! “. Alors, l’autre se tourne vers elle et trĂšs gentiment lui dit “Qu’est ce qui ne va pas ? “. Enfin. 4 juillet 2020 Un couple de trentenaires italiens sur une plage. On les remarque parce qu’elle passe un long moment Ă  lui masser le dos alors que lui, impavide, se tient assis, droit, sur son matelas en regardant la mer devant lui. Ils vont ensuite Ă  l’eau. Elle, la premiĂšre, entre dans l’eau et nage un peu pendant qu’il se tient debout toujours trĂšs droit, les pieds dans l’eau. Il attend un peu, dĂšs qu’elle le regarde et va vers lui, il plonge et nage vite. Elle hĂ©site, continue vers lui, il nage mais finit par ralentir et se laisser rejoindre. Elle l’enlace et l’embrasse dans l’eau en riant visiblement trĂšs heureuse d’y ĂȘtre arrivĂ©e. Il ne bouge presque pas et repart nager en l’écartant du bras doucement. Elle nage vers le bord et se retourne de temps en temps pour le regarder. Quand il sort de l’eau, il vĂ©rifie qu’elle le regarde comme quand il y est entrĂ©. On les retrouve plus tard Ă  une table du restaurant. Elle parle vivement et longuement. Il l’écoute avec aviditĂ©, acquiesce, la regarde intensĂ©ment. Dans cette inversion de l’attention, on devine une rĂ©partition possible de leurs territoires de pouvoir. 3 juillet 2020 Un homme lourd, ĂągĂ© mais moins qu’il n’y paraĂźt certainement, qui vend des objets sur le cĂŽtĂ© d’un marchĂ©. Il est lĂ  pour vendre mais il n’arrive pas Ă  faire le minimum pour y arriver. Il rĂ©pond Ă  peine aux questions sur les objets, leur prix, et marmonne Ă  la limite du dĂ©sagrĂ©able. Quand il est obligĂ© de se dĂ©placer pour aller chercher quelque chose, regarder un prix, il ne fait que la moitiĂ© des gestes et souvent une fois le geste esquissĂ©, il semble donner un prix au hasard. On n’arrive pas Ă  savoir s’il ne voudrait pas ĂȘtre lĂ , si quelque chose ou quelqu’un l’a mis en rogne ou bien si cette fatigue Ă©paisse vient d’ailleurs. On se demande s’il n’est pas si attachĂ© Ă  ce qu’il voudrait vendre qu’il fait tout pour tout garder d’autant plus que la camionnette Ă  cĂŽtĂ© de son stand est remplie d’objets encore emballĂ©s. Un couple insiste pour lui acheter une lampe, il finit par donner un prix qu’ils ne nĂ©gocient pas et ils paient. Il regarde la lampe, soupire, et la leur tend, sans l’emballer, comme s’il fallait faire vite pour ne pas qu’il rende l’argent et veuille la garder Ă  tout prix. 2 juillet 2020 Une place trĂšs minĂ©rale d’une petite ville du Sud de la France. Il fait trĂšs chaud, il n’y a pas d’ombre. Au centre de la place, une fontaine trĂšs basse et de chaque cĂŽtĂ© de ce bout d’üle, des canaux assez larges. On voit de jeunes enfants qui pataugent et jouent dans la fontaine, on aperçoit et on entend des plus grands qui sautent dans le canal, qui nagent, remontent par une Ă©chelle, se houspillent, sautent Ă  nouveau. Rien n’est amĂ©nagĂ© pour la baignade. On regarde s’ils sont accompagnĂ©s et on voit trois femmes qui sont installĂ©es sur les longues marches le long de la fontaine avec des serviettes, des sacs de pique-nique, des bouteilles d’eau, les habits des enfants en vrac. Deux d’entre elles sont en maillots de bain et installĂ©es comme Ă  la plage, une troisiĂšme est habillĂ©e et se tient sur le cĂŽtĂ© du bassin, elle est pieds nus et les trempe rĂ©guliĂšrement dans l’eau fraĂźche. Elles parlent entre elles, jettent un coup d’Ɠil aux enfants. La plage est Ă  quelques kilomĂštres alors elles viennent prendre place dans l’espace public aseptisĂ© auquel elles redonnent un souffle de vie qui nous fait penser aux Ă©tĂ©s anciens et aux cris des enfants qui jouaient partout oĂč il y avait de l’eau. 1 juillet 2020 Le quai d’un port qui rutile de yachts immenses, brillants, comme boursouflĂ©s, obscĂšnes. Sur leurs plages arriĂšres, des gens qui boivent, dansent, mangent, discutent, sous les yeux des badauds venus lĂ  pour cela, les voir. Un peu de cĂŽtĂ©, sur un quai plus privĂ©, un yacht gris foncĂ©, aussi gros que les autres, avec un salon Ă  l’arriĂšre trĂšs vaste et ouvert. On y voit un groupe de jeunes gens entre seize et vingt ans pense-t-on, qui boivent, dansent, servis par un Ă©quipage en tenue qui rĂ©guliĂšrement passe un plateau de flĂ»tes Ă  champagne parmi eux. Les jeunes gens sont tous bronzĂ©s, bien habillĂ©s, avec une Ă©lĂ©gance sans calcul. Ils sont sur le yacht de la famille de l’un des leurs, c’est leurs vacances. Ils font comme beaucoup de jeunes gens de leur Ăąge, ils boivent, ils crient, ils Ă©coutent de la musique fort et ils dansent. Pourtant, lĂ , sur ce bateau, sous les yeux d’une foule modeste qu’ils ne semblent pas voir du tout, ils apparaissent dans une dĂ©cadence folle et aveugle. On a le sentiment qu’à tous moments, le bateau peut couler et eux, se retrouver Ă  nager dans les eaux sales du port. On le leur souhaite presque. 30 juin 2020 Petit, trĂšs petit, un homme d’une trentaine d’annĂ©es sillonne un marchĂ© sous le soleil. Il est habillĂ© d’un pantalon bleu avec le pli marquĂ© et une chemisette gris clair. La chemisette est rentrĂ©e dans le pantalon. Aux pieds qui sont grands par rapport Ă  sa taille, des sandales du genre “MĂ©phisto”. Il marche vite mais en traĂźnant quand mĂȘme des pieds au milieu des allĂ©es. Il a un regard fixe et comme abasourdi, un sourire figĂ© aux lĂšvres et tourne sans cesse car on le croise plusieurs fois. Personne ne se moque de lui, personne ne lui parle, personne ne l’interpelle comme souvent cela arrive dans les villages avec “son idiot”. Il semble seul, nous sommes en ville. A un moment donnĂ©, il va se mettre Ă  cĂŽtĂ© d’un Ă©tal de fruits et lĂ©gumes et il ne bouge plus. Il se balance en regardant les gens comme s’il jouait Ă  la marchande, peut-ĂȘtre dans une conversation muette. On ne sait s’il est liĂ© Ă  la vendeuse de l’étal qui lui jette de temps en temps un regard bienveillant mais ne lui parle pas ou s’il s’est mis lĂ , et c’est tout. On ne sait pas s’il parle, s’il entend, mais sa prĂ©sence créé un halo creux, une apnĂ©e, au sein du bruissement de ce dimanche. 29 juin 2020 Le mĂ©decin vous appelle et vous entrez dans son cabinet Ă  l’intĂ©rieur d’un grand hĂŽpital. Vous l’avez dĂ©jĂ  vu deux fois mais il porte lĂ  un masque qui dĂ©colle ses grandes oreilles qui sont encore plus visibles et risibles que d’habitude. Vous pensez Ă  Lucky Luke et l’histoire des O’Timmins et des O’Hara. Cela vous fait sourire. Il regarde vos examens, n’a lu aucun des documents que vous aviez envoyĂ©s, pose des questions, lit tout en Ă©coutant vos rĂ©ponses. Il va vous examiner et vous demande d’enlever votre masque. Il vous montre sur l’écran ce qu’il voit avec sa camĂ©ra. Vous vous relevez, vous allez vous rasseoir aprĂšs avoir remis votre masque. Il enlĂšve le sien et vous savez alors qu’il va vous annoncer des mauvaises nouvelles. Il s’assied sur un tabouret et vous explique qu’il n’a plus beaucoup de solutions pour vous. Il vĂ©rifie du regard que vous Ă©coutez et comprenez bien. Vous vous demandez si ceux qui ont des grandes oreilles sont les O’Timmins ou les O’Hara. Vous vous dĂ©fendez devant ce qui est en train d’advenir. 28 juin 2020 Une trĂšs jolie jeune femme Ă  la terrasse d’un cafĂ© avec son petit garçon qui doit avoir deux ans. Elle est bronzĂ©e, bien habillĂ©e mais simplement, trĂšs apprĂȘtĂ©e et maquillĂ©e. Elle met son fils devant son Ă©cran de tĂ©lĂ©phone, il grignote un bout de pain en regardant un jeu ou un dessin animĂ©. De temps en temps, il lui prend le bras pour lui montrer quelque chose. Une amie arrive, aussi jolie, elle est accompagnĂ©e d’un petit chien, une miniature de bouledogue qu’elle tient en laisse et qui se met sous la table. La jeune mĂšre explique que le pĂšre de son fils va venir le chercher ce midi jusqu’au soir en ce dimanche de fĂȘte des pĂšres, et que le week-end prochain, elle pourra enfin aller faire la fĂȘte avec des amis car “le petit est avec son pĂšre”. Elle ne voit pas que chaque fois qu’elle parle de lui et de son pĂšre, le petit garçon essaie de donner un coup de pied au chien. Il y arrive parfois. Le chien couine et se rĂ©fugie dans les jambes de sa maĂźtresse. Celle-ci d’un geste agacĂ©, le repousse. Le petit garçon regarde fixement l’écran mais continue d’écouter la conversation, redonne un coup de pied, le chien couine 
 dans ce dialogue de petits gestes violents, on ne sait pas si l’enfant et le chien ne sont pas solidaires. 20 juin 2020 Elle Ă©crit Ă  son bureau, sĂ©rieuse, appliquĂ©e mais elle doit se dĂ©pĂȘcher. Elle part pour une semaine. LĂ  oĂč elle va, elle n’aura pas internet et aucun moyen d’écrire tous les jours une description. Ou plutĂŽt, il y aura des possibilitĂ©s de connexion mais ce sera compliquĂ©, elle va y penser sans cesse. D’autres choses tristes lui encombrent l’esprit, elle doit s’allĂ©ger. Elle a besoin de juste regarder et de noter ce qu’elle voit. Elle va travailler et revenir. 19 juin 2020 Une femme d’une quarantaine d’annĂ©es sort d’un pas dĂ©cidĂ© d’une serre reconvertie en pĂ©piniĂšre. Elle est habillĂ©e trĂšs simplement d’un jean ample et d’un grand tee-shirt noir, ses cheveux sont retenus par un ruban et elle porte des courtes bottes en caoutchouc. Elle porte un masque et des gants en plastique fin. Elle tient un sĂ©cateur Ă  la main et une petite binette. Elle rentre et sort de la pĂ©piniĂšre, range les plantes aromatiques qui sont exposĂ©es dehors, Ă  l’entrĂ©e. Elle enlĂšve les mauvaises herbes, va dans la rĂ©serve et revient avec des soucis et des capucines qu’elle arrange sur des petites tables. Elle travaille. Elle entre dans la pĂ©piniĂšre et discute avec une cliente et ressort. Elle regarde les romarins, les soulĂšve, les tĂąte, en pose et en reprend, elle a un air soucieux. Tout Ă  coup, subrepticement, elle enlĂšve un gant. Elle tĂąte les romarins Ă  nouveau, touche le terreau des pots et sourit en en prenant deux. Elle remet son gant rapidement et va rejoindre la cliente Ă  la caisse. 18 juin 2020 L’homme a une cinquantaine d’annĂ©es. Le visage est fin, le regard vibrant d’intelligence et d’humanitĂ©, le cheveu court, il porte de grosses chaussures de marche, un jean et un tee-shirt usĂ©. Il tient dans la main une liasse de papiers Ă©bouriffĂ©s, Ă©crits Ă  la main avec des ratures et des soulignĂ©s qui traversent presque le papier. Il semble chercher quelque chose. Son sac que l’on voit posĂ© par terre, certainement. Il se roule une cigarette Ă©paisse et on voit que ses doigts sont jaunis comme ceux des gros fumeurs. Il fume assez tranquillement en regardant la cour intĂ©rieure de son Ă©cole. Il est en retard, les Ă©tudiants l’attendent en levant la tĂȘte vers lui mais il fume avec quand mĂȘme une sorte de fĂ©brilitĂ©. D’un coup, il jette un Ɠil Ă  la table commune et voit le cahier d’un autre enseignant. Il dessine dessus une sorte de cocotte au stylo bille. Il sourit comme un enfant. Il descend les marches en tanguant un peu, presque maladroitement et va faire cours. Il a oubliĂ© ses notes et son sac. Il n’a presque pas peur. 17 juin 2020 Un jeune homme s’arrĂȘte avec son vĂ©lo-taxi devant un bar ancien devenu branchĂ© d’un quartier ancien et piĂ©ton. On s’attend Ă  ce qu’il descende pour boire un cafĂ© ou rejoindre des gens mais on entend les habituĂ©s appeler “Josette, Josette”. Une trĂšs vieille dame lĂšve la tĂȘte, sourit au garçon et se lĂšve lentement. Elle traverse la terrasse Ă  trĂšs petits pas dans son pantalon large, sa chemise Ă  col “Mao” et son sac en bandouliĂšre. Elle dit “Bonjour, Anton” et il lui demande sur un ton qui montre qu’il connaĂźt la rĂ©ponse “on va Ă  la maison ?”. Il a un accent slave prononcĂ©. Il lui installe un petit marche-pied et elle monte gaillardement dans le vĂ©lo-taxi. Une fois assise, elle sourit Ă  la cantonade, certaine d’ĂȘtre au centre de l’attention, et donne une petite tape sur l’épaule d’Anton qui docilement commence Ă  pĂ©daler. Les habituĂ©s racontent que tous les jours ce vĂ©lo-taxi vient la chercher aprĂšs qu’elle a fait son petit tour. Dans son sourire et dans son petit geste, on retrouve des images de cinĂ©ma avec des pousse-pousses dans des rues surpeuplĂ©es d’Asie et des hommes qui courent ou pĂ©dalent pour en tirer d’autres. 16 juin 2020 Un hĂŽtel de luxe des annĂ©es quatre-vingt sur le bord de mer d’une grande ville balnĂ©aire. Il est laid, gĂ©omĂ©trique, datĂ©, et fait maintenant tĂąche au milieu des autres immeubles plus anciens et assez beaux, il reste pourtant avec son casino, le symbole d’un certain luxe. On prend la rue qui longe l’arriĂšre du bĂątiment et on a le sentiment de changer de ville. A un chantier vide sur un trottoir et une façade, succĂšde une boutique abandonnĂ©e d’ancien loueur de voitures, un hall d’immeuble sale, une entrĂ©e de parking pisseuse, des gravats, un restaurant fermĂ© et le poste de police municipale gris et marron. On est surpris car on est Ă  cinquante mĂštres du bord de mer, Ă  deux pas des boutiques de luxe et les clients du grand hĂŽtel doivent passer par lĂ , parfois. Comme si c’était l’envers du dĂ©cor, la vraie ville qui tient le carton pĂąte. AprĂšs un temps de dĂ©goĂ»t, cela nous rassure presque de retrouver dans ce chantier, notre ville qui Ă©tait sale et “foutraque” avant d’ĂȘtre entiĂšrement dĂ©volue au tourisme. Quelque chose d’un sud irrĂ©ductible Ă  sa marchandisation Ă  tout prix qu’on avait vu dans certains quartiers de Rome ou d’AthĂšnes. 15 juin 2020 Une jeune femme sur un matelas et sous un parasol d’une plage privĂ©e, allongĂ©e, tout au bord de la mer. La plage est presque vide, seuls quelques matelas sont occupĂ©s en “premiĂšre ligne” mais le restaurant plus au fond, lui, est plein et animĂ©. Elle se relĂšve et s’examine longuement comme si elle cherchait quelque chose sur sa peau. Puis elle enfile lentement un courte robe cintrĂ©e boutonnĂ©e sur le devant qu’elle ne ferme pas complĂštement ce qui met en valeur sa poitrine opulente et elle chausse des claquettes de marque italienne avec des cabochons brillants. Elle refait ensuite sa haute queue de cheval, se regarde dans un miroir de poche, touche ses sourcils et met du brillant sur ses lĂšvres. On pense qu’elle va prendre son sac pour partir ou aller dĂ©jeuner mais elle ne fait que traverser la plage et le restaurant Ă  pas mesurĂ©s pour aller aux toilettes. Elle revient, repasse avec la mĂȘme lenteur calculĂ©e, se dĂ©shabille lentement et se rĂ©installe sur son matelas. Pendant tout ce temps, son compagnon n’a pas bougĂ© ni mĂȘme levĂ© le regard de son livre. 14 juin 2020 Un homme Ă  la caisse d’un magasin de meubles et d’objets. Il est habillĂ© en noir avec le nom du magasin qui sert de logo sur le polo. Ils ne sont que deux dans tout le magasin et il est pressĂ© de toutes parts par des clients qui veulent des renseignements ou payer. Il vous a vu attendre patiemment et il sait que cela fait longtemps, il vous apostrophe pour vous demander ce que vous voulez car “il obĂ©it toujours aux femmes” en essayant de crĂ©er une complicitĂ© avec vous. Il voit que vous souriez poliment mais il comprend tout de suite qu’il ne faut pas qu’il aille sur ce terrain-lĂ  avec vous. Il reste un court moment silencieux en vous menant vers le meuble sur lequel vous voulez un renseignement et trĂšs vite, il essaie de trouver le moyen de se rattraper en racontant qu’il vit avec quatre femmes. Il dit un mot sur ses trois petites filles pour vous toucher car vous continuez Ă  montrer qu’il ne vous embarque pas avec ces plaisanteries sur les femmes. Il arrive devant la table qui vous intĂ©resse et lĂ , il vous dit “vous serez bien autour de cette table avec votre mari et vos enfants Ă  manger vos bons petits plats”. Vous le regardez effondrĂ©e, il le voit, il ne comprend pas mais il sourit, il veut vous vendre la table. 13 juin 2020 Une femme assez ĂągĂ©e assise Ă  une table qui parle avec deux personnes. Elle s’appuie lourdement sur ses avants-bras et de temps en temps se redresse vivement. On ne sait pas si c’est Ă  cause d’une douleur dans le dos ou parce que, d’un coup, elle pense Ă  son maintien et ne veut pas paraĂźtre avachie. Sa voix est coupante quoiqu’elle dise et sans rĂ©elle nĂ©cessitĂ© car la conversation semble plutĂŽt calme. On sent que c’est son ton quoiqu’il arrive peut-ĂȘtre par une volontĂ© intrigante de ne pas vouloir ĂȘtre interrompue ni contredite. Il est difficile de savoir si, pour elle, ses interlocuteurs n’existent que comme oreilles qui se doivent d’ĂȘtre attentives mais muettes, ou bien, si elle ne veut surtout pas oublier ce qu’elle tient absolument Ă  dire comme son Ăąge pourrait le faire penser. Quand elle n’arrive pas Ă  ses fins, immĂ©diatement, elle fait un geste d’agacement d’une main et tout son visage se durcit d’une moue presque mĂ©prisante. Elle veut tellement se prouver et prouver Ă  tous qu’elle est encore Ă  la hauteur. Pourtant dans cette lutte, elle laisse avant tout jaillir sa peur, comme si avoir tort, juste Ă©couter, c’était encore trop, c’était vieillir. 12 juin 2020 Une conversation entre cinq personnes dont certains semblent bien se connaĂźtre et d’autres presque pas. Ils discutent de films, de livres, de balades, de leur ville, la parole circule vite et de maniĂšre trĂšs fluide et, malgrĂ© les diffĂ©rences de points de vue, le ton est trĂšs bienveillant. On est surpris car un homme ne dit rien. Il est ĂągĂ© mais pas plus que certains autres, et souvent, certains le regardent pour voir s’il veut prendre la parole. On comprend qu’il doit ĂȘtre concernĂ© par certains sujets. A un moment donnĂ©, il semble prendre son Ă©lan et dit “c’est comme ce qui m’est arrivĂ© 
” et entame un rĂ©cit qui trĂšs vite semble complĂštement dĂ©calĂ© du sujet des Ă©changes et anecdotique. Comme si Ă  un moment donnĂ© il avait voulu juste ĂȘtre au centre de l’attention. Cela surprend de la part de cet homme que l’on perçoit comme plutĂŽt discret. On dirait que d’un coup, il s’est dit, “il faut que je dise quelque chose quand mĂȘme”, alors qu’il aime Ă©couter plutĂŽt. Comme s’il obĂ©issait Ă  une convention sociale de devoir faire la conversation qu’il aurait apprise tardivement. Il se force. Il s’applique mais son mime social tombe Ă  cĂŽtĂ©. 11 juin 2020 Un homme d’une trentaine d’annĂ©es boit un cafĂ© avec deux amis de son Ăąge. Il est extrĂȘmement soignĂ©, habillĂ© d’une chemise blanche ouverte sur sa poitrine et retroussĂ©e Ă  mi-bras, une montre voyante et deux bracelets en cuir et mĂ©tal. Sa barbe trĂšs noire est coupĂ©e Ă  ras et ses bords sont nets quasi gĂ©omĂ©triques. Sa coiffure est Ă©trange, les cheveux sur le haut de son crĂąne sont gominĂ©s et rĂ©unis en une toute petite couette mais de chaque cĂŽtĂ©, ils sont courts. Les lignes entre chaque zone sont trĂšs marquĂ©es et lĂ  aussi, nettes. Il parle avec animation de la finale d’une Ă©mission de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© qui a eu lieu la veille et il dit qu”il est dĂ©goĂ»tĂ©â€ du rĂ©sultat. Celui qui Ă©tait son favori, un certain Claude qu’il pare de toutes les qualitĂ©s, a perdu et bien entendu, il pense que c’est truquĂ© pour “qu’une meuf gagne”. Les autres acquiescent. Il ne peut s’arrĂȘter d’en parler, s’emballe et se projette dans cet Ă©chec d’un autre, comme le sien. On sent que sa colĂšre l’aide Ă  accepter l’émotion qu’il a ressentie la veille quand Claude a perdu. 10 juin 2020 Un couple d’un certain Ăąge est assis du cĂŽtĂ© “lounge” d’un restaurant sur la plage. De dos, ils disparaissent presque dans deux fauteuils monstrueux faits d’un moulage en plastique jaune criard d’un “fauteuil d’époque” agrandit. On sait que c’était la mode de reproduire en plastique des meubles anciens ou d’intĂ©rieur mais cela dĂ©note vraiment au milieu du teck de cette plage plutĂŽt chic. Ils les ont peut-ĂȘtre choisis car ils sont volumineux, l’homme est trĂšs corpulent et, de face, occupe pleinement son siĂšge. Il y semble trĂšs Ă  l’aise et a entre les mains un I-pad qu’il ne cesse de consulter. Quand on arrive pour s’assoir Ă  une table prĂšs, il lĂšve la tĂȘte et reprend immĂ©diatement. Pendant ce temps sa femme, beaucoup plus gracile que lui, regarde son tĂ©lĂ©phone portable. Cela donne le sentiment qu’elle est comme une miniature perdue dans tout ce jaune. Ils ne se sont pas dits un mot mais semblent tous les deux tout Ă  fait sereins et Ă©changent parfois un regard complice. Peut-ĂȘtre regardent-ils la mĂȘme chose ? ou bien peut-ĂȘtre s’écrivent-ils ce qu’ils ne peuvent pas se dire ? 9 juin 2020 Un homme seul qui regarde la mer. Il est debout sur les galets, les jambes lĂ©gĂšrement Ă©cartĂ©es, les pieds chaussĂ©s de baskets blanches, un peu enfoncĂ©s dans le sol. Son regard est trĂšs fixe mais quand il tourne la tĂȘte Ă  droite et Ă  gauche, il y a comme une inquiĂ©tude dans son regard qui semble chercher quelque chose ou quelqu’un. Il s’assoit et prend une bouteille d’eau dans sa poche. Il boit Ă  la bouteille lentement, longtemps. Il tourne de nouveau la tĂȘte comme s’il avait peur d’ĂȘtre Ă©piĂ©. Il regarde la mer, vĂ©rifie qu’il n’est pas Ă©piĂ©, et recommence. En le regardant depuis la promenade, d’en haut, on a le sentiment d’une chorĂ©graphie rĂ©pĂ©titive et inquiĂ©tante. A un moment, ses Ă©paules s’affaissent et il s’assoit de maniĂšre plus tranquille, plus installĂ©e. D’un coup, il se relĂšve et recommence. Pourtant rien ne semble le menacer. Seule, la mer gronde un peu. 8 juin 2020 Un jeune papa et sa petite fille entrent dans la boucherie. Elle dit “oh, les bananes”. Tout le monde sourit mais elle semble trĂšs sĂ©rieuse. Son pĂšre lui demande oĂč elle voit des bananes. Elle montre un poulet entier. Son pĂšre lui explique que c’est un poulet et que dans une boucherie, on vend de la viande comme le steak hachĂ© ou les saucisses. Il lui parle des cuisses de poulet qu’elle aime bien et qui viennent de cet animal qui est devant elle. Elle dit que c’est jaune. Il lui rĂ©pond que tout ce qui est jaune n’est pas une banane mais devant le poulet elle continue Ă  dire “banane, banane, banane”. Pour dĂ©tourner son attention son pĂšre lui propose d’un ton enthousiaste des saucisses pour accompagner la purĂ©e de ce midi. Elle dit oui mais continue de regarder le poulet. Il est entier avec sa tĂȘte, sa crĂȘte et son bec tournĂ©s vers elle, juste Ă  sa hauteur. C’est peut-ĂȘtre cela qu’elle essaie de mettre Ă  distance en faisant intervenir une autre image. Elle se bat contre cette vision entourĂ©e de toutes les autres viandes crues, rouges, avec les os saillants. 7 juin 2020 Un enfant crie. Au dĂ©but, on pense qu’il est juste trĂšs Ă©nervĂ© puis on entend que ses cris deviennent plus aigus comme quand on a peur. Aux bruits d’eau et aux voix, on comprend qu’un homme est en train d’essayer de lui apprendre Ă  nager. La voix est trĂšs calme et l’enfant semble s’apaiser en battant trĂšs forts des pieds et des mains. Mais peu Ă  peu, les cris de peur reviennent, s’amplifient et la voix masculine s’énerve un peu. On entend aux bruits que font ses pas au bord de la piscine, que l’enfant en est sorti et il hurle avec colĂšre que “jamais, jamais, j’y retourne, papa”. On comprend qu’il est plus grand que ce que l’on croyait. Le pĂšre rit et le traite de peureux. D’autres rires s’élĂšvent, ils sont certainement entre amis ou en famille. Au ton de sa voix, on sent le pĂšre gĂȘnĂ© devant les autres de s’y ĂȘtre mal pris ou d’avoir un fils poltron. Il propose alors une partie de foot Ă  son fils qui refuse et dit “ ça aussi, jamais plus”. Il y a comme un silence puis des rires Ă  nouveau. Mais on n’entend pas de ballon. Le fils chantonne Ă  haute voix presque triomphalement. Il grandit. 6 juin 2020 Une serveuse dans un cafĂ© sur une grande place d’un marchĂ© du centre ville. C’est un vrai marchĂ© avec des habituĂ©s et les habitants de la ville, pas celui pour touristes plus prĂšs de la mer. Tout autour de la place qui couronne les nombreux Ă©tals, il y a plusieurs cafĂ©s dont certains font aussi restaurant. C’est la premiĂšre fois aujourd’hui qu’on peut boire un cafĂ© en terrasse, assis, en lisant le journal local et grignotant quelque chose. Cela fait plus de deux mois que cette jeune femme n’a pas servi comme cela des clients. Ceux-ci sont heureux de retrouver leur terrasse, leurs habitudes, ils s’interpellent, disent des bĂȘtises, rient. DerriĂšre le masque qu’elle doit porter, on peut percevoir qu’elle fait la gueule, comme toujours. C’est plus difficile Ă  percevoir que d’habitude mais elle continue Ă  faire semblant de ne pas voir ceux qui l’appellent, elle parle longuement avec un client servi alors que d’autres sont pressĂ©s, elle passe Ă  cĂŽtĂ© de tables sales sans les nettoyer. On est presque heureux de la retrouver inchangĂ©e et un peu triste aussi pour elle qu’elle ne puisse pas, mĂȘme ce jour-lĂ , participer Ă  la joie collective. Mais elle travaille. 5 juin 2020 Un couple choisit des lampes et des ampoules au rayon luminaire d’un grand magasin de bricolage. Il tient le charriot pendant qu’elle se dĂ©place dans le rayon qui est assez grand. Ils Ă©changent sur les choix possibles, les prix, les contraintes qu’ils ont, et au fur et Ă  mesure qu’elle s’éloigne, ils haussent le ton jusqu’à crier. Les gens autour les regardent, se regardent entre eux, certains rient car ils savent tous maintenant que leur cuisine est jaune, qu’ils sont un “peu justes ce mois-ci”, qu’elle n’aime pas le noir et qu’il n’aime pas le bois et les “chichis”. Ils sont seuls. Ils se parlent en criant comme s’ils Ă©taient chez eux, d’une piĂšce Ă  l’autre. Ils ne perçoivent absolument pas l’impudeur de cette situation et si on la leur rĂ©vĂ©lait, ils ne comprendraient pas. On est lĂ , et collectivement, nous avons tous l’impression d’ĂȘtre transparents pour eux, des objets. C’est Ă  la fois drĂŽle, car cette sensation est partagĂ©e et crĂ©e une complicitĂ©, et inquiĂ©tant, car on a le sentiment que nous sommes transformĂ©s en voyeurs de leur intimitĂ©. 4 juin 2020 De loin, on perçoit cinq corps d’hommes adultes, jeunes sur le toit plat d’un immeuble. Un sixiĂšme arrive par une porte qui doit ouvrir sur un escalier. Ils semblent dĂ©sƓuvrĂ©s. Certains Ă©coutent de la musique avec des casques en regardant au loin, d’autres regardent, Ă©crivent, jouent avec leur tĂ©lĂ©phone portable et parfois ils se disent quelque chose. Mais pas plus. Ils ne font rien ensemble mais ils sont ensemble. Ils ne s’installent pas, ne s’assoient pas, ils bougent lentement. L’un d’entre eux s’amuse Ă  courir tout autour du toit, Ă  sauter, et Ă  un moment donnĂ©, danse, les autres semblent en rire. Ils sont Ă  l’air libre, le toit est assez grand mais ils sont entourĂ©s par le vide des dix Ă©tages. Quand l’hĂ©licoptĂšre jaune de l’hĂŽpital tout proche passe au dessus d’eux, ils le regardent tous jusqu’à ce qu’il disparaisse. On pense aux cours des prisons au moment des promenades avec ces hommes qui tournent en rond et semblent obĂ©ir Ă  un ordre Ă©tabli dont on ne connait pas les rĂšgles. 3 juin 2020 Un homme s’arrĂȘte devant un restaurant qui ne fait plus que de la nourriture Ă  emporter, des pizzas, des pan-bagnats, des pissaladiĂšres, des boissons et des desserts. Il semble habituĂ© et commande une pizza et une biĂšre. La jeune femme qui est Ă  la caisse lui dit qu’il y a un peu d’attente et lui propose d’aller s’assoir sur les marches devant la restaurant. Contrairement aux autres hommes qui attendent, il ne semble pas ĂȘtre en habits de travail. Il s’assied et boit sa biĂšre Ă  petites gorgĂ©es. Il regarde dans le vide mais de temps en temps il suit des yeux les jeunes femmes qui passent devant lui. Son regard s’attarde sur celles qui sont peu vĂȘtues ou particuliĂšrement apprĂȘtĂ©es, jeunes et minces. Quand on l’appelle pour la pizza, il rachĂšte une biĂšre plus grande. On pense qu’il va partir ailleurs la manger comme tous les autres qui prennent la direction de la plage. Il retourne sur les marches et mange sa pizza lĂ , trĂšs vite, et continue de siroter sa biĂšre. 2 juin 2020 Un petit bateau sur la mer. Quand vous prenez les jumelles pour le regarder, vous voyez que c’est un beau pointu avec un pĂȘcheur dedans. Il tient la barre et avance dans la mer vers son filet que vous repĂ©rez Ă  son petit drapeau rouge. Il arrive prĂšs du filet, arrĂȘte ou baisse le moteur et se penche longuement puis commence Ă  remonter son filet. C’est trĂšs long et on suit ses mouvements qui montrent l’intensitĂ© de son effort. Quand il a fini, il regarde longuement dans son bateau, il travaille certainement Ă  trier son poisson car on le voit rĂ©guliĂšrement rejeter du poisson Ă  la mer. A un moment donnĂ©, il s’arrĂȘte et se relĂšve. Il se tient trĂšs droit dans le bateau. Il regarde la ville devant lui, trĂšs prĂšs, silencieuse, sans voiture et sans promeneur. Il se retourne et regarde longuement la mer. On se rend compte avec lui qu’il est absolument seul dans une mer dĂ©serte jusqu’à l’horizon. Il s’assied et reste longtemps Ă  regarder lĂ©gĂšrement ballotĂ© par les vagues. Il en profite car demain ce sera fini de ce silence et d’avoir l’immensitĂ© pour soi. 1 juin 2020 Une femme se tient sagement sur une chaise en paille Ă  cĂŽtĂ© de son Ă©tal de fruits et lĂ©gumes. Elle est jolie, les cheveux sombres et porte un tablier sur une robe Ă  fleurs. DĂšs que vous approchez, elle vous attrape du regard mais attend, ne se lĂšve pas et ne s’approche pas. Elle a perçu tout de suite, en bonne commerçante, que vous Ă©tiez une cliente potentielle mais qui voulait pouvoir regarder tranquillement les produits. Pourtant dĂšs que vous saisissez un carton de fraises, elle se lĂšve un peu trop vite, comme si elle bondissait, et vous propose un carton plus gros dont elle baisse le prix. Elle a un accent italien prononcĂ© et depuis des annĂ©es que vous la voyez sur ce marchĂ©, vous savez qu’elle le cultive soigneusement. Elle sait qu’il touche la nombreuse descendance des italiens venus dans cette ville qui n’est française que depuis peu. 31 mai 2020 Un homme descend en courant votre petite rue puis, plus tard, la remonte en soufflant dans la pente raide. Il est habillĂ© comme le parfait “jogger” avec son pantalon moulant, son tee-shirt mouillĂ© de sueur, les baskets sophistiquĂ©es, la montre qu’il consulte rĂ©guliĂšrement et une casquette sur des cheveux trĂšs courts. On remarque qu’en revanche, il n’a pas de casque ou d’écouteurs sur les oreilles. Quand il passe devant vous, vous lui dites bonjour mais il vous rĂ©pond comme Ă  regret. Sa voix est presque agressive et son regard mauvais. Il jette toujours en passant un long regard Ă  votre maison et c’est comme s’il vous reprochait d’ĂȘtre la propriĂ©taire de cette si belle maison au jardin fleuri qui regarde la mer. 30 mai 2020 Une rue dans une vieille ville touristique dĂ©sertĂ©e mais avec ses habitants qui vont et viennent. A un angle de trottoir, une table basse et un fauteuil en osier blancs tous les deux, sur le fauteuil, un coussin bariolĂ©. Sur la table un journal repliĂ© et un peu chiffonnĂ© et une tasse de cafĂ© et sa soucoupe. Un homme est assis dans le fauteuil, confortablement, une jambe repliĂ©e sur l’autre et regarde devant lui, jette un Ɠil aux passants, en salue certains. D’une soixantaine d’annĂ©es, habillĂ© simplement, il a dĂ©cidĂ© de s’installer lĂ . Les terrasses des cafĂ©s fermĂ©e, il s’est trouvĂ© une place. Une rĂ©occupation de l’espace public qui fait se rappeler ces moments l’étĂ© oĂč les gens descendaient de chez eux avec leur chaise et discutaient, quand la chaleur s’évaporait peu Ă  peu. 29 mai 2020 Deux personnes ĂągĂ©es sont assises cĂŽte Ă  cĂŽte sur un banc face Ă  la mer. Elle tient une canne dans une main. Ils ne se parlent pas et regardent devant eux avec intensitĂ©. Ils sont trĂšs chics sans aucune ostentation. Lui Ă  un pantalon gris et un polo blanc avec de fines rayures horizontales d’un gris un peu plus soutenu que son pantalon et il tient Ă  la main une casquette beige. Elle est en pantalon un peu large bleu clair, en lin certainement, et porte un chemisier ample bleu plus foncĂ© Ă  larges fleurs blanches. Ils ont tous les deux les cheveux courts et blancs. Au pied des espadrilles noires pour lui et bleues foncĂ©es pour elle. Sur le visage, ils ont le mĂȘme masque immaculĂ© tenu par des Ă©lastiques derriĂšre les oreilles. Ils se tiennent la main et leurs doigts sont fortement enlacĂ©s pour cette premiĂšre sortie au plus prĂšs des vagues. 28 mai 2020 Une jeune femme pousse une poussette dans un chemin. Elle est habillĂ©e de noir avec un legging, un grand tee-shirt et des baskets. Elle tient d’une main, la poussette noire aussi, assez haute sur roue. Dedans, il y a une petite fille d’un an environ, habillĂ©e de blanc et de rose avec un serre-tĂȘte et qui tient dans la main un jouet vert et bleu sans qu’on puisse savoir avec certitude ce que c’est. Elle essaie d’attirer l’attention de sa mĂšre ou de sa “nounou” en agitant les bras et le jouet avec vivacitĂ© et en la regardant. De dos, on a l’impression que celle-ci regarde au loin, dans le vide. On s’aperçoit qu’elle tient un tĂ©lĂ©phone contre son oreille et que tout le long du chemin, elle parle. Quand la petite fille fait tomber son jouet, elle coince le tĂ©lĂ©phone contre son oreille et le ramasse de sa main libre. Elle ne l’a toujours pas regardĂ©e. 27 mai 2020 Un enfant de cinq ans environ regarde, Ă  travers une vitrine, un chiot qui dort dans son panier. Il est trĂšs attentif, silencieux, puis dit avec conviction Ă  sa mĂšre qu’il doit absolument avoir ce chien. Elle lui explique toutes les contraintes que reprĂ©sentent un chien et qu’il est encore trop petit pour s’en occuper. Quand sa grand-mĂšre arrive, il l’emmĂšne immĂ©diatement voir le chiot et lui explique doctement qu’on ne peut pas avoir de chien car ils font pipi partout. Pourtant quand un garçon d’une dizaine d’annĂ©es, plus grand que lui, prend le chiot dans ses bras dans le magasin, son visage se fige. Il se retient de demander Ă  nouveau un chien, il pense qu’il faut mieux qu’il se taise et attende d’ĂȘtre plus grand. Qu’il faut qu’il mette toutes les chances de son cĂŽtĂ©. Il grandit. 26 mai 2020 Une femme d’un certain Ăąge parle avec son mari dans leur jardin qui fait face au vĂŽtre. Vous ĂȘtes en train d’arroser quand elle se tourne vers vous et vous parle pour la premiĂšre fois depuis votre emmĂ©nagement. En Ă©changeant avec elle, vous vous apercevez qu’elle a une veste cintrĂ©e de costume blanc avec un col brillant, un petit haut noir avec de la dentelle, qu’elle est maquillĂ©e et coiffĂ©e d’un chignon de cheveux faussement blonds. Vous ĂȘtes surprise par le contraste entre le lieu oĂč elle se trouve, son jardin, la situation, elle ne semble pas sur le point de sortir et Ă©change calmement, et ce soin apportĂ© Ă  sa tenue. On dirait qu’elle est dĂ©guisĂ©e. Vous ne pouvez vous empĂȘcher de vous demander ce que cela cache. 25 mai 2020 Le petit magasin de fruits et lĂ©gumes est simple avec des produits locaux et les deux hommes qui s’en occupent sont trĂšs avenants. On remarque que devant le magasin stationne en permanence une camionnette ou un scooter. Un homme chauve, qui semble plus ĂągĂ© que les deux autres, est assis dedans ou dessus. Il ne fait rien. Ou plutĂŽt il semble surveiller en permanence le magasin. L’un des patrons l’interpelle par son prĂ©nom, Hugo, et lui demande d’aller livrer un panier Ă  cĂŽtĂ©. Il se lĂšve et on s’aperçoit qu’il marche difficilement comme les gens qui ont eu la polio. On voit pour la premiĂšre fois son regard. Il est vitreux, sans couleur et complĂštement perdu comme celui des toxicomanes. Il rĂ©pĂšte l’adresse et part lentement. Le patron se tourne vers nous et nous dit avec beaucoup de tendresse dans la voix “bah, on ne le revoit plus avant midi”. 24 mai 2020 Chaque jour, une dame descend prĂ©cautionneusement le raccourci goudronnĂ©. Vous pensez qu’ensuite elle fait le tour par la grande route qui donne sur la mer et rejoint une des maisons cossues au-dessus d’un grand tournant. Elle semble ĂągĂ©e car elle marche Ă  pas trĂšs mesurĂ©s mais sa chevelure est chĂątain foncĂ© coiffĂ©e en un savant chignon. Elle est emmitouflĂ©e d’un manteau brun plutĂŽt chic et ample et d’une Ă©charpe d’un brun plus chaud avec des pompons noirs alors qu’il fait dĂ©jĂ  chaud. A ses pieds, des “stan smith” noires. Sa lenteur nous fait penser qu’elle est trĂšs ĂągĂ©e mais sa tenue trĂšs droite et l’absence de canne pour s’aider nous fait douter. On ne sait quel Ăąge lui donner et on pense Ă  quelqu’un de plus jeune, convalescent, qui s’astreint chaque jour Ă  son petit tour pour rĂ©apprendre Ă  marcher, Ă  respirer, Ă  se promener. 23 mai 2020 Un homme qui en fait trop. Comme un titre, dĂšs que vous le voyez bouger, cette phrase vous vient Ă  l’esprit. HabillĂ© sobrement d’un costume noir sur un tee-shirt gris mais avec des baskets de marque voyantes, il virevolte autour d’un couple d’une cinquantaine d’annĂ©es. Sa maniĂšre d’ĂȘtre gentil devient obsĂ©quieuse tant il fait des compliments en dĂ©calage avec la rĂ©alitĂ© de ces deux personnes simples. TrĂšs vite, ce trop plein de niaiseries sonnent faux et tourne en une moquerie travestie. Comme s’il prenait Ă  tĂ©moin un spectateur, en faisait un complice malgrĂ© lui, de ce mĂ©pris dĂ©guisĂ©. Cela nous met mal Ă  l’aise, on a presque honte pour lui et pour nous. Qu’est ce qu’il veut leur vendre ou leur faire acheter ? 22 mai 2020 Une femme se promĂšne avec un tout petit chien sur la Promenade des anglais. Elle regarde tout autour d’elle et cherche du regard les passants. Elle est grande, plutĂŽt mince dans une robe vert olive Ă  rayures noires et marche avec des petits talons compensĂ©s en toile comme si c’était des hauts escarpins. Elle a les cheveux longs, raides et teints en un blond tirant sur le roux, assez artificiel. Elle se tient Ă  cĂŽtĂ© d’une barriĂšre et s’attend visiblement Ă  ce qu’on la regarde. Elle baisse les yeux sur son chien qui pisse Ă  deux reprises sur la barriĂšre. Elle relĂšve le visage et sourit presque triomphalement en tirant sur la laisse. On se demande pourquoi elle semble contente alors qu’on aurait un peu honte Ă  sa place. Elle a du croiser un regard, enfin. 21 mai 2020 Deux hommes derriĂšre une haie dense dans un chemin privĂ©. On ne sait pas exactement ce qu’ils font mais on les entend bĂȘcher, couper du mĂ©tal, de la pierre, transporter des matĂ©riaux dans une brouette. Tout cela dans une assez bonne humeur, avec des plaisanteries, mĂȘme si on les entend parfois soupirer et ahaner devant la difficultĂ© de leur tĂąche. TrĂšs tard dans la matinĂ©e, on perçoit une voix de femme, puis deux et ils quittent leur chantier pour dĂ©jeuner avec elles sur une terrasse en contrebas. Les rires, les exclamations, les longs rĂ©cits, prolongent infiniment le repas pendant tout l’aprĂšs-midi. Le chantier abandonnĂ© ne semble qu’ĂȘtre le prĂ©texte Ă  des retrouvailles joyeuses. 20 mai 2020 Une longue file de gens avec des masques qui s’appuient sur leurs chariots qui dĂ©bordent de plants de lĂ©gumes, de fleurs, de sacs de terreau, de pots en cĂ©ramique, de boites d’engrais. Sagement, ils attendent pour payer et font bien attention de rester loin les uns des autres comme cela leur est demandĂ©. Personne ne dĂ©roge Ă  la rĂšgle mĂȘme si certains manifestent leur impatience. Il y a quelque chose d’étrange et triste de voir ces allĂ©es de bout de nature encagĂ©e et de penser Ă  toutes ces jardiniĂšres, Ă  tous ces jardins forcĂ©ment dans la ville ou prĂšs d’elle. L’écart se creuse entre la docilitĂ© partagĂ©e en alignement et l’image que l’on pourrait avoir de la nature. Alors que le dĂ©sir de jardin est tellement fort, on a le sentiment que l’on est devant un morne mime trop ordonnĂ©. Ce que l’on voit ne sont plus les gens qui font la queue mais les plantes qui en file indienne patientent sagement. 19 mai 2020 On entend sur le marchĂ©, une voix de femme rauque et cassĂ©e qui raconte une histoire, avec des rires, qui s’arrĂȘte, quelqu’un renchĂ©rit, elle reprend. On s’arrĂȘte pris par une Ă©motion vive d’un souvenir d’enfance. On retrouve instantanĂ©ment le souvenir de femmes autour du lavoir dans le village qui parlent entre elles, s’exclament et rient. Des voix comme celle-lĂ , avec cette fĂȘlure, qui ne racontent pas grand chose mais c’est quand mĂȘme important. D’ailleurs celles qui ne disaient rien se faisaient plaisanter, rabrouer “et alors, tu dis rien ? “. On Ă©coutait, on ne comprenait pas grand chose de ce qui se disait mais ces voix rocailleuses des femmes des villages mĂȘlĂ©es au bruit de l’eau qui s’écoule Ă©taient des moments de quiĂ©tude attentive. Cette voix dans la ville bruissante, cette voix qui se casse et s’éraille dĂšs qu’elle parle vite, nous ramĂšne aux prĂ©sences douces et minĂ©rales des oliviers dans notre vallĂ©e. 18 mai 2020 La chevelure domptĂ©e par une queue de cheval semble dĂ©mesurĂ©e, dense, Ă©paisse, frisĂ©e pour une si petite tĂȘte. Presque malgrĂ© elle, cette masse flottante lui donne un air gai et libre. Le visage semble toujours avenant et pĂ©tillant comme portĂ© par cette chevelure extravagante qu’elle tente de maĂźtriser mais dont elle joue aussi. Une fois, on l’avait vue avec des tresses et une robette, mimant la petite fille qu’elle n’est plus. Un jour pourtant, on l’avait surprise Ă©nervĂ©e et d’un coup, la bouche Ă©tait devenue dure et le regard froid. Le casque de la chevelure s’est instantanĂ©ment transformĂ© en une forme menaçante. On a pensĂ© aux reprĂ©sentations de MĂ©duse surtout Ă  celle du Caravage avec les serpents qui nous avait toujours fait peur. 17 mai 2020 Un jeune homme d’une vingtaine d’annĂ©es qui livre, range, jette, enlĂšve, ajoute des fruits et des lĂ©gumes dans un petit magasin de primeurs. Il n’a jamais affaire Ă  la clientĂšle sauf quand il doit aider quelqu’un Ă  porter des paniers trop lourds chez lui ou vers sa voiture. Il ne dit jamais un mot et obĂ©it aux deux patrons avec cĂ©lĂ©ritĂ©. Il va et vient avec cageots et cartons, et alors que tous prennent garde de se tenir Ă  distance, que la plupart ont des masques, il semble ne faire attention Ă  rien, ni Ă  personne. On le regarde faire et ses mouvements, obĂ©issant Ă  sa logique de travail, ne prennent pas du tout en compte les consignes obligatoires. Il a tellement l’habitude d’ĂȘtre invisible dans les Ă©changes entre ses patrons et la clientĂšle qu’il a fini par penser qu’il l’était. Il travaille comme s’il Ă©tait seul et certainement que pour lui, il l’est. 16 mai 2020 Un homme d’un certain Ăąge sur un vĂ©lo qui roule lentement sur la piste cyclable d’un magnifique bord de mer. Il s’arrĂȘte et pose un pied Ă  terre pour parler Ă  quelqu’un qui est Ă  pied et qu’il n’a visiblement pas vu depuis longtemps. Ils s’exclament de loin puis Ă©changent des nouvelles sur ces derniĂšres semaines, sur leurs familles, quelques connaissances et chaque fois que les nouvelles sont bonnes, ils disent ensemble “ah, tant mieux, tant mieux”. Ils ont l’air gĂȘnĂ©s comme s’ils n’osaient pas vraiment parler et voulaient se limiter Ă  Ă©changer des informations anodines. Pour eux deux, raconter la peur de tomber malade, de mourir et l’effroi de voir les gens de leur Ăąge tomber, serait aller trop loin, une dĂ©faite mĂȘme. D’un coup, pour dĂ©nouer cette tension et ces non-dits, le cycliste dit “enfin, si on est lĂ  pour en parler, c’est qu’on n’est pas morts, hein ?”. Ils sourient alors tous deux et se regardent vraiment, enfin, avec Ă©motion. Ils laissent venir la tristesse partagĂ©e. 15 mai 2020 La maison est neuve, quelconque avec sa couleur beige et ses balcons Ă  balustres mais elle a une belle vue sur la mer et un joli jardin. La jeune femme qui y vit semble ne jamais se prĂ©occuper de l’extĂ©rieur et ne sort que rarement sur la terrasse devant la porte-fenĂȘtre de sa chambre. Les jours de grand soleil, elle s’installe dans un transat en maillot de bain et bronze, des Ă©couteurs sur les oreilles, sans jamais regarder la mer. Elle vit dans cette maison comme dans un appartement du centre ville. Alors qu’elle y est seule avec son compagnon, on dirait que pour elle, le jardin, est un espace qui ne lui appartient pas. On imagine qu’arrivĂ©e rĂ©cemment dans cette maison, elle ne s’est pas encore dĂ©tachĂ©e de la vie en appartement avec balcon qu’elle a eu jusqu’à prĂ©sent et qu’elle reste attachĂ©e Ă  cette mesure ancienne et rassurante de l’espace urbanisĂ©. Elle n’arrive pas Ă  prendre la gĂ©omĂ©trie de l’opulence nouvelle. 14 mai 2020 Une voix de femme au tĂ©lĂ©phone, encore jeune, mais assurĂ©e, avec un lĂ©ger accent un peu traĂźnant. Elle prend de vos nouvelles longuement mais il y a une urgence contenue et un peu contrainte dans sa voix. Vous sentez qu’elle vous tĂ©lĂ©phone pour quelque chose de prĂ©cis et qu’elle n’ose pas encore se lancer. Elle va vous demander votre avis. Vous acceptez de l’aider mais vous essayez de mieux comprendre et vous commencez Ă  poser des questions. ImmĂ©diatement, vous comprenez que vos questions la dĂ©rangent car tout de suite vous soulevez un problĂšme important qui va nĂ©cessiter de revoir le projet qu’elle vous soumet. Elle vous remercie mais on sait bien qu’elle aurait prĂ©fĂ©rĂ© que vous donniez un avis cosmĂ©tique. Que vous jouiez le jeu de faire semblant que c’était bien. Elle ne peut s’empĂȘcher de penser qu’elle Ă©tait sĂ»re que cela allait se passer comme cela. Elle s’en serait voulu de ne pas prendre votre avis mais elle avait peur de votre regard trop absolu. Il va falloir tout repenser et sa panique revient. 13 mai 2020 On entend au loin une musique, quelque chose de trĂšs rythmĂ© avec beaucoup de basses. On pense d’abord Ă  du rap et puis non, plutĂŽt du hip-hop ou du R’n’B. On associe cette musique trĂšs forte Ă  des adolescents ou des jeunes gens. Effectivement, le son monte encore, gĂȘnant tout le voisinage et on entend des voix jeunes qui crient et rient venant d’une maison de vacances en contrebas. TrĂšs vite, les cris ne sont plus joyeux mais tendus, ils deviennent inquiĂ©tants et on sent comme une menace qui nous alerte. On perçoit une violence sourde dans les tonalitĂ©s des voix mais on ne sait qu’en penser. On Ă©coute plus prĂ©cisĂ©ment et on se rend compte qu’on ne rĂ©ussit pas Ă  savoir si cette violence tient Ă  une maniĂšre de s’exprimer et de se parler entre amis ou s’il se passe vraiment quelque chose. Ce n’est pas la langue que l’on ne comprend pas mais le ton. On se sent perdus et impuissants et on attend avec une peu de fĂ©brilitĂ© que les rires reviennent. Puis tout Ă  coup plus rien, le silence, et le quartier reprend sa bourgeoise biensĂ©ance. On regrette presque cette Ă©motion soudaine. 12 mai 2020 L’homme aux cheveux blancs et au regard bleu et dur vous accueille sĂšchement. Il vous salue Ă  peine et vous tend le gel hydroalcoolique et un masque. Il vĂ©rifie que le masque soit bien mis sans un mot et vous demande de bien vous laver les mains entre les doigts jusqu’à ce que le produit ait pĂ©nĂ©trĂ©. Il vous fait signe de le suivre dans son cabinet et vous demande pourquoi vous ĂȘtes lĂ . Vous aviez transmis toutes les informations, vous recommencez Ă  expliquer. Il vous fait sentir qu’il vous en veut d’ĂȘtre venue. Mais il fait son travail. Il vous ausculte, il prend votre pouls, votre tension, se rend compte qu’effectivement votre situation se dĂ©grade, il fait des ordonnances. Son large masque blanc, les lunettes devant ses yeux et sa froideur vous le rendent absolument Ă©tranger. Alors qu’il commence Ă  vouloir Ă©changer avec vous, Ă  Ă©tablir un lien parce qu’il pense que vous avez peut-ĂȘtre eu raison de venir, votre certitude de ne pas pouvoir le reconnaĂźtre le jour oĂč vous le croiserez le visage nu, vous rend mutique. 11 mai 2020 Une femme qui fait le mĂ©nage chez les autres. Elle est habillĂ©e d’un legging noir et d’un haut Ă  mi cuisse. Sa coiffure est Ă©trange, les cheveux longs et frisĂ©s sont extrĂȘmement tirĂ©s en arriĂšre sur le sommet de la tĂȘte par une pince et redescendent ensuite dans le cou. Contre le crĂąne, ils luisent de gras ou d’un produit capillaire, on ne sait pas, mais on voit que c’est une façon Ă  elle de s’apprĂȘter pour sa tĂąche. Elle paraĂźt grosse et pourtant, elle est plutĂŽt forte avec une ossature lourde et pleine mais qui la met mal Ă  l’aise et qu’elle essaie de masquer. On pense aux athlĂštes qui lancent le disque ou le poids. Elle a la mĂȘme densitĂ© et la mĂȘme gaucherie dans les mouvements d’une lourdeur animale. Elle fait tomber tout ce qu’elle frĂŽle dans un dĂ©sastre qu’elle ne maĂźtrise pas et regarde sincĂšrement dĂ©solĂ©e ce qui est tombĂ©, s’est cassĂ©, comme si elle ne comprenait pas pourquoi cela lui arrive Ă  elle. Quand ce n’est pas trop grave, elle en rit. 10 mai 2020 Elle parle trĂšs vite. On perçoit qu’elle occupe tout l’espace de la parole pour empĂȘcher quelqu’un de parler. Elle finit par dire devant votre air Ă©tonnĂ© par ses questions qui ne correspondent pas Ă  son Ăąge “c’est pour mon fils” dans un souffle comme s’excusant. On tourne la tĂȘte et on voit qu’il est lĂ , immense, les bras ballants avec un regard Ă  la fois implorant et butĂ©. DĂ©libĂ©rĂ©ment alors, on s’adresse Ă  lui en passant par dessus le flot de paroles. Au lieu de rĂ©pondre Ă  la mĂšre, on pose des questions au fils auxquelles il rĂ©pond calmement. Peu Ă  peu, vous dialoguez normalement, il sourit, se rassure devant les difficultĂ©s Ă  venir et vous apercevez que sa mĂšre s’est tue. Elle s’est mise en retrait, il a pris peu Ă  peu sa place face Ă  vous. Elle a les bras croisĂ©s sur la poitrine et vous regarde avec une animositĂ© certaine comprenant que cette exclusion de la conversation est le dĂ©but de son dĂ©part Ă  lui vers ce monde qui est le vĂŽtre. 9 mai 2020 Un homme assis derriĂšre une table devant un large auditoire. Il doit avoir une soixante d’annĂ©es et semble trĂšs Ă  l’aise, il a l’habitude de cette situation. Il a des cheveux presque blancs bien coupĂ©s et une costume gris foncĂ© avec une chemise blanche et une cravate sombre. On perçoit un gilet noir de laine et le col de sa veste est remontĂ© Ă©trangement, lui donnant un air moderne. On pense qu’il a froid, qu’il y a un courant d’air. Il parle dans un micro et a des notes posĂ©es devant lui. Son visage est fin et Ă©lĂ©gant, il ne quitte jamais ses lunettes. Dans cette sobriĂ©tĂ© et le sĂ©rieux de son cours, il sourit de temps en temps avec une ironie qui ne semble pas mordante. On est surpris car, dans ce qu’il Ă©nonce, il glisse des notes personnelles, des petits dĂ©calages ce qui est nouveau pour lui et pour nous. Il s’accorde ce droit car c’est sa derniĂšre annĂ©e. C’est le fin. Et son ironie est presque tendre de ce qui lui apparait comme une incongruitĂ©, lui qui continue avec tant d’ardeur son travail de pensĂ©e. 8 mai 2020 La voix d’un enfant derriĂšre un mur. Il se promĂšne dans une petite ruelle avec ses parents. Il chantonne et en mĂȘme temps cherche une devinette que lui a posĂ©e son pĂšre. Il rĂ©pond et annonce qu’il va en poser une Ă  son tour. Il demande “Aimez- vous Mac Do?” Son pĂšre, trĂšs embĂȘtĂ©, lui dit que cette question n’est pas une devinette mais l’enfant insiste et lui demande de rĂ©pondre avec un peu d’anxiĂ©tĂ© dans la voix. Il a dĂ» percevoir dans la gaietĂ© qu’a manifestĂ©e son pĂšre en allant chez MacDo pour lui faire plaisir, quelque chose de factice qui l’inquiĂšte. Pourquoi son pĂšre n’aime-t’il pas les mĂȘmes choses que lui ? Il veut savoir. Il grandit. 7 mai 2020 Une maĂźtresse femme d’une cinquantaine d’annĂ©es sur un marchĂ©. Les cheveux sont teints dans un noir de jais, longs, raidis, avec une frange qui durçit ses traits. Elle a le verbe haut et trĂŽne sur son Ă©tal d’oĂč elle interpelle, salue, apostrophe. Elle donne sans cesse des ordres Ă  des hommes plus jeunes qu’elle qui l’entourent dans le travail difficile du poisson. Fils, employĂ©s, ils plient et exĂ©cutent ses demandes sĂšches mais dĂšs qu’ils le peuvent, ils se moquent d’elles bruyamment surtout si elle est partie faire une course ou boire un cafĂ©. Ils ne peuvent pas complĂštement accepter ces ordres-lĂ  et veulent surtout que les autres croient qu’ils obĂ©issent pour lui faire plaisir, pas parce qu’elle est leur patronne. 6 mai 2020 Une jeune femme extrĂȘmement mince, habillĂ©e tout en noir, fait la queue devant la pharmacie. Elle semble nerveuse ou impatiente et saute d’un pied sur l’autre. Elle bouge ses bras comme si elle Ă©tait sur un ring. Elle est coiffĂ©e d’une haute queue de cheval qui dĂ©gage son long visage et met trĂšs en Ă©vidence le masque qu’elle porte devant la bouche et le nez et qui lui enserre aussi le menton. Contrairement aux autres masques, celui-ci n’a pas de plis et prend la forme du bas de son visage comme s’il avait Ă©tĂ© moulĂ© dessus. EntiĂšrement noir, il y a en son centre des signes calligraphiques chinois blancs Ă  la hauteur de sa bouche comme un cri muet et incomprĂ©hensible. Alors que tous nous ressemblons Ă  des malades errants avec nos masques bleus et blancs d’hĂŽpital, le sien voudrait faire d’elle une guerriĂšre. 5 mai 2020 L’homme paraĂźt tout de suite sympathique avec ses cheveux blancs coupĂ©s courts de façon trĂšs moderne et ses vĂȘtements qui dĂ©notent une recherche tout en Ă©tant dĂ©contractĂ©s avec des formes jeunes et ajustĂ©es. Les couleurs sont personnelles et les baskets montantes drĂŽles. Sa dĂ©marche est assurĂ©e et Ă©lastique quand il se promĂšne dans la ville ou dans son jardin. Quand il commence Ă  parler, on est stupĂ©fait par sa voix haut perchĂ©e de fausset qu’il pousse en la rendant maniĂ©rĂ©e comme si c’était un choix de sa part. On se dit qu’il a dĂ» falloir du courage quand il s’est dĂ©couvert cette voix Ă  l’adolescence et que toute sa personnalitĂ© s’est bĂątie autour de ça. 4 mai 2020 DerriĂšre un mur trop fin, une voix de femme qui ne peut s’empĂȘcher de crier quand elle parle. Au dĂ©part, on a cru qu’elle tĂ©lĂ©phonait en arpentant son jardin puis on a compris qu’elle parlait avec quelqu’un prĂ©sent. La voix est dĂ©sagrĂ©able et ne s’exprime que par mots courts qui sonnent tous comme des exclamations parfois remplacĂ©s par des rires en cascade, presque gras. Ces rires rĂ©pĂ©tĂ©s sonnent Ă©trangement d’une gaietĂ© factice, elle veut absolument que tout autour d’elle qui vient de rĂ©investir cette maison vide, soit joyeux et festif. D’un coup, la tristesse de cette mascarade qu’elle n’en finit plus de rejouer nous gagne. 3 mai 2020 On entend des voix d’enfants surexcitĂ©s. Ils crient, ils courent, ils s’exclament, ils rient, c’est PĂąques. La chasse aux Ɠufs est ouverte dans les jardins de ceux qui en ont. Tout Ă  coup, on entend des pleurs. Celui qui n’a pas trouvĂ© d’Ɠufs, celui qui s’est fait voler les siens, celui dont l’Ɠuf est cassĂ©, celui qui en a moins que les autres, celui qui pense que c’est injuste et qui ne se remet des cris de victoire des autres enfants qui bourdonnent autour de lui. Une voix d’adulte intervient calmement mais il y a sous la douceur, un agacement et on comprend que c’est toujours cet enfant-lĂ  qui pleure dans ces moments de fĂȘte et de joie. 2 mai 2020 Une femme mince, brune, le visage marquĂ©, qui doit avoir une cinquantaine d’annĂ©es. Elle s’agite dans son salon que l’on devine impeccable et qu’elle continue de ranger rapidement “surjouant” son activitĂ© alors que rien ne traĂźne. On sent qu’elle veut dĂ©montrer quelque chose ou plutĂŽt prouver quelque chose, peut-ĂȘtre qu’elle est trĂšs occupĂ©e voire dĂ©bordĂ©e alors que ses interlocuteurs, non. Son ton un peu pincĂ© cache son dĂ©sappointement car personne ne s’intĂ©resse vraiment Ă  ce qu’elle fait. A un moment donnĂ© un de ses frĂšres, lui dit “mais arrĂȘte de t’agiter” et son regard triste et vide de petite fille vieillie montre qu’elle a l’habitude de l’indiffĂ©rence agacĂ©e rĂ©servĂ©e Ă  la cadette de cette fratrie. 1 mai 2020 Un homme d’une soixantaine d’annĂ©e, maghrĂ©bin, il se tient devant une secrĂ©taire mĂ©dicale assise Ă  son bureau. Il vient pour un examen radiologique mais il n’a pas pris de rendez vous et ne semble pas comprendre pourquoi cela pose problĂšme et ce qu’il aurait dĂ» faire. Il rĂ©pĂšte sans cesse comme pour prouver sa bonne foi “je viens pour l’examen a dit le docteur”. La secrĂ©taire, de guerre lasse, lui dit que l’on va faire son examen mais qu’il va devoir attendre et que, pendant ce temps, il est important qu’il boive cinq verres d’eau et lui tend un gobelet en carton en lui montrant la porte des toilettes. Il prend le gobelet, le regarde Ă©berluĂ© et demande “je dois boire?”. Elle soupire et se lĂšve pour lui montrer la porte derriĂšre laquelle il y a un robinet. Il rĂ©pĂšte “cinq, cinq, cinq.. “ avec un air dĂ©sespĂ©rĂ© comme si le nombre de verre Ă  boire augurait de l’annonce de la grave maladie Ă  venir. 30 avril 2020 Assise Ă  une table de salon de thĂ©, elle a l’air perdue et vaguement ennuyĂ©e. Elle Ă©coute les conseils presque hurlĂ©s de son voisin de table ĂągĂ© et sourd et ceux d’une femme de son Ăąge qui lui ressemble. Il faut qu’elle vive, qu’elle arrĂȘte de broyer du noir, de refuser toute aide, la vie est une belle chose Ă  prendre au jour le jour. Elle sirote son cafĂ© cuillĂšre aprĂšs cuillĂšre et elle attend que ça passe sans impatience comme habituĂ©e Ă  ces mots et ces injonctions. Elle regarde de temps en temps devant elle en acquiesçant vaguement et se tourne vers vous gĂȘnĂ©e avec un vague sourire car elle sait bien que vous entendez leur vaine litanie. 29 avril 2020 Un vieux monsieur taille la haie de son jardin en intimant rĂ©guliĂšrement Ă  son chien l’ordre de se taire. Celui-ci lance un aboiement court et rĂ©gulier pour signaler sa prĂ©sence et son maĂźtre lui rĂ©pond quasi machinalement. Cela finit par faire comme un dialogue rythmĂ© de “waouf” et de “tais-toi” qui rassure autant qu’il ne dĂ©range Ă  l’heure de la sieste. De temps en temps, le ton de l’un et de l’autre monte et nous surprend comme une dispute impromptue mais sans importance. 28 avril 2020 La voiture cabossĂ©e et bleue roule trĂšs lentement sur une petite route oĂč vous vous promenez. A l’intĂ©rieur, un jeune couple. Lui a la main qui pend nonchalamment sortie par la fenĂȘtre et semble enfoncĂ© dans son siĂšge comme s’il ne conduisait pas, elle est plus redressĂ©e et attentive. Ils semblent flĂąner. Pourtant de la voiture sort une musique trĂšs forte avec des basses sourdes et violentes et lorsque la voiture passe Ă  votre hauteur, le garçon sourit ironiquement comme si le bruit, dont il sait parfaitement qu’il vous gĂȘne, venait compenser la banalitĂ© de sa voiture et prendre l’espace qu’il voudrait pour eux seuls. 27 avril 2020 Une voix de femme haut perchĂ©e mais pas jeune. Elle adresse une question Ă  un homme plus ĂągĂ© qui lui rĂ©pond avec une impatience rĂ©signĂ©e. Elle reprend la parole avec un rythme particulier de la voix et on comprend que sa question connaĂźt la rĂ©ponse et qu’elle voulait juste s’assurer qu’il ferait bien comme elle l’avait dĂ©cidĂ©. Dans les rĂ©ponses calmes qu’il lui fait, on entend qu’il le sait et qu’il s’en fout depuis le temps. 26 avril 2020 Chaque jour, dans la ruelle, un couple croise un homme qui court. Chaque jour, quasiment Ă  la mĂȘme heure devant chez vous. Chaque fois, la femme dit bonjour au “jogger” qui rĂ©pond en un murmure essoufflĂ© et chaque jour, aprĂšs, elle dit Ă  son compagnon combien il est impoli de ne pas dire bonjour Ă  cet homme croisĂ© tous les jours. Et chaque jour, il lui rĂ©pond qu’il ne comprend pas pourquoi il dirait bonjour Ă  un homme qu’il ne connait pas. Elle soupire et accĂ©lĂšre le pas. 25 avril 2020 Une femme et un homme dans un chemin qui cueillent quelques fleurs. DĂšs qu’ils vous entendent, ils arrĂȘtent leur cueillette et continuent leur route. Vous tentez de les rassurer d’un “bonjour” mais ils continuent leur route comme pris en faute en lançant un “bonjour “ Ă  la va vite. Cela leur rappelle leur enfance quand ils allaient voler des cerises ou des fleurs chez un voisin, sur le bord d’une route, dans un champ. Cette bouffĂ©e d’enfance que vous entendez dans leurs rires Ă©touffĂ©s, vous fait du bien. Tachede gel hydroalcoolique sur simili cuir - Guide ; Linge tachĂ© aprĂšs lavage machine - Guide ; 1 rĂ©ponse. RĂ©ponse 1 / 1. Ines31 25 avril 2013 Ă  18:06. Salut Romy, As-tu Ă©tĂ© voir dans un pressing pour avoir quelques conseils ?
SĂ©cher des fleurs fraiches - GlaĂŻeuls Comment les planter convenablement » Par maxime le mardi, 10 mai 2011, 0610 - IdĂ©es - Lien permanent Au retour du bureau, vous avez constatĂ© que votre canapĂ© est tachetĂ© d'encre qui semble ĂȘtre indĂ©lĂ©bile ! Il s'agit sĂ»rement du stylo que vous avez oubliĂ© la veille et qui a coulĂ© sur tout le meuble en cuir. Ne vous inquiĂ©tez pas, voici quelques conseils qui vous aideront Ă  Ă©liminer ces tĂąches indĂ©sirables. PrĂ©parations Ă  base de lait chaud ou d'alcool Inutile de paniquer pour une Ă©ventuelle tĂąche d'encre sur le canapĂ©. Sachez qu’il existe des prĂ©parations Ă  faire soi-mĂȘme. Vous pouvez essayer la solution qui consiste Ă  tamponner les tĂąches Ă  l'aide d'un chiffon imbibĂ© au prĂ©alable de lait chaud. Laissez agir quelques minutes puis essuyez Ă  l'aide d'un chiffon sec. Si la tĂąche persiste, ne vous dĂ©couragez pas. Vous pouvez insister en utilisant de l'alcool Ă  90° Ă  la place du lait. Dans ce cas, vous devrez frotter lĂ©gĂšrement le morceau de tissu imbibĂ© d'alcool sur le cuir sans toutefois le laisser agir trop longtemps. Cela risquerait d'endommager votre canapĂ© en cuir. La discussion continue ailleurs URL de rĂ©trolien
lavervos semelles au gel hydroalcoolique, les badigeonner de vinaigre, y mettre des sachets de thĂ© utilisĂ©s, les remplir de litiĂšre pour chat, Comment nettoyer une semelle intĂ©rieure de chaussure en cuir ? Sortez les semelles des chaussures, et nettoyez-les dans l’eau savonneuse, en les frottant bien avec une brosse Ă  ongle. Si ce nettoyage n’était pas suffisant Les doigtiers mĂ©dicaux sont des produits d'hygiĂšne qui permettent de se servir d'un doigt blessĂ© dans un cadre sanitaire en accord avec les recommandations hygiĂ©niques liĂ©es Ă  la pratique de votre activitĂ© de travail ou d'effectuer un diagnostic prĂ©cis via examen. Ils peuvent Ă©galement servir en tant qu'accessoires mĂ©dicaux. Medisafe propose divers doigtiers de protection qui sont conçus dans des matiĂšres diffĂ©rentes cuir, latex, coton synthĂ©tique et polyĂ©thylĂšne et qui assurent la protection hygiĂ©nique d'un ou deux doigts Ă  la fois. Un doigtier mĂ©dical ou de protection est conçu pour Ă©pouser au plus proche la forme du doigt afin de lui laisser une dextĂ©ritĂ© et un toucher extrĂȘmement sensibles tout en protĂ©geant le doigt d'une contamination croisĂ©e. Il est toujours utile d'avoir des doigtiers de protection dans une trousse de secours en cas d'urgence et d'administration des premiers soins. Lire la suite Paire de gants & doigtiers Filtrer la recherche Trier Paire de gants jetables Se nettoyer les mains avec du savon, ou les dĂ©sinfecter Ă  l'aide d'un gel hydroalcoolique. Ouvrir le sachet pour sortir la paire de gants jetables. Regarder l'Ă©tat de la paire de gants avant de l'enfiler. Si un gant est endommagĂ©, ne pas l'utiliser et changer-le immĂ©diatement. Jeter la paire aprĂšs utilisation. Ces gants en vinyle sont fabriquĂ©s sans latex... Doigtier latex Se nettoyer ou dĂ©sinfecter les mains. Ouvrir le sachet et rĂ©cupĂ©rer un doigtier latex. Faire dĂ©rouler le doigtier sur le doigt concernĂ© pour l'enfiler. Pour l'enlever, faire la dĂ©marche dans le sens inverse le dĂ©rouler vers l'extĂ©rieur. Le jeter aprĂšs utilisation. Le doigtier en latex est idĂ©al pour maintenir ou cacher un pansement. Il offre une... Doigtier de protection cuir Un doigtier de protection peut servir Ă  protĂ©ger une plaie au niveau du doigt ou une protection de plaie tel qu'un pansement. Le protĂšge doigt en simili cuir est conçu pour protĂ©ger des frottements, poussiĂšres et autres dĂ©bris tout en garantissant un maintien et une impermĂ©abilitĂ© au doigt soutenu. Ce dispositif de protection d'un doigt se lave... Doigtier bleu boite de 50 Se laver les mains avec du savon ou se dĂ©sinfecter avec du gel hydroalcoolique. Prendre un doigtier bleu dans la boĂźte. Mettre le doigtier c'est Ă©galement possible de l'appliquer par-dessus un pansement. Jeter aprĂšs utilisation. Usage unique. M 7/8 L 8/9 XL 9/10 Doigtiers roulĂ©s en latex par 100 Se nettoyer les mains avec de l'eau et du savon ou les dĂ©sinfecter avec du gel hydroalcoolique. Mettre un doigtier roulĂ© en latex sur le doigt grĂące Ă  ses rebords roulĂ©s. Les doigtiers roulĂ©s latex s'utilisent au quotidien, pour tout le monde, pour prĂ©server un pansement de l'humiditĂ©, de l'eau, de la poussiĂšre, des saletĂ©s, etc... Doigtier bandage Singlefix Se laver les mains. Nettoyer la plaie avec du savon ou un produit dĂ©sinfectant avant d'appliquer le pansement pour doigt. Mettre le doigtier bandage sur le doigt concernĂ© puis attacher-le autour du poignet grĂące au lacet. Attention Ă  ne pas trop serrer le lacet autour du poignet. Usage unique. Ce produit a une durĂ©e de validitĂ© de 5 ans. Doigtier polyĂ©thylĂšne 1 doigt non stĂ©rile sachet de 100 Se dĂ©sinfecter les mains avant d'utiliser un doigtier en polyĂ©thylĂšne avec du savon ou du gel hydroalcoolique. Enfiler le doigtier sur le doigt concernĂ©. Ce produit jetable doit ĂȘtre utilisĂ© une seule fois puis ensuite jetĂ©. Usage unique. Doigtier polyĂ©thylĂšne 2 doigts non stĂ©rile sachet de 100 Se nettoyer ou se dĂ©sinfecter les mains. RĂ©cupĂ©rer un gant en polyĂ©thylĂšne pour ensuite l'enfiler. Économique et Ă  usage unique, protĂšge principalement l’index ou le majeur lors des examens gynĂ©cologiques. Il peut remplacer l’usage de gants. Le jeter aprĂšs utilisation. Usage unique. Gants latex stĂ©riles poudrĂ© par paire Se dĂ©sinfecter les mains avec du gel hydroalcoolique ou se nettoyer les mains avec du savon. Ouvrir le sachet et prendre la paire de gants en latex. VĂ©rifier bien l'Ă©tat des gants avant de les enfiler. Gants latex stĂ©riles poudrĂ© par paire sont idĂ©als pour un usage chirurgical et mĂ©dical. La prĂ©sence d'amidon de maĂŻs rĂ©duit les risques d'allergies. Usage... Gants latex stĂ©riles non-poudrĂ© par paire Avant d'ouvrir le sachet de gants stĂ©riles, il est important de se laver les mains avec du savon ou de les dĂ©sinfecter avec une solution hydroalcoolique. VĂ©rifier l'Ă©tat gĂ©nĂ©ral des gants avant de les enfiler. Les jeter aprĂšs utilisation. Convient pour tous types de soins et d'examen mĂ©dicaux et petite chirurgie, soins infirmiers, soins dentaire. Usage... Doigtier polyĂ©thylĂšne 1 doigt stĂ©rile sachet de 100 AprĂšs s'ĂȘtre lavĂ© les mains avec du savon, prendre un gant en polyĂ©thylĂšne dans le sachet. Mettre le doigtier au doigt concernĂ© et le jeter aprĂšs l'avoir utilisĂ©. Économique et Ă  usage unique, protĂšge principalement l’index ou le majeur lors des examens gynĂ©cologiques. Il peut remplacer l’usage de gants. Usage unique. Doigtier polyĂ©thylĂšne 2 doigts stĂ©rile sachet de 100 Il est important de se nettoyer les mains ou de les dĂ©sinfecter avant de porter un gant ou un doigtier. Jeter le doigtier aprĂšs l'avoir utilisĂ©. Les doigtiers en polyĂ©thylĂšne 2 doigts sont conçus pour rĂ©aliser des examens mĂ©dicaux prĂ©cis. Ils sont ainsi utilisĂ©s dans des services de gynĂ©cologie, d'obstĂ©tricologie et de proctologie, qui nĂ©cessitent des... Gants latex stĂ©riles non-poudrĂ© par un Se nettoyer les mains avec du savon, ou avec une solution hydroalcoolique qui aura pour effet de dĂ©sinfecter. Avant de le mettre, vĂ©rifier l'Ă©tat gĂ©nĂ©ral du gant. Le gant latex stĂ©rile non-poudrĂ© par un est Ă  usage unique, c'est Ă  dire qu'il doit ĂȘtre changĂ© dĂšs qu'il rentre en contact avec un Ă©lĂ©ment non stĂ©rile, lorsque vous changer de patient ou encore... Ajouter au panier Paire de gants de mĂ©nage Se laver ou se dĂ©sinfecter les mains avant d'utiliser la paire de gants. Penser Ă  regarder l'Ă©tat des gants avant de les mettre. Les gants de mĂ©nage en latex sont rĂ©utilisables, d'oĂč l'importance d'avoir des mains propres avant de les enfiler. Les gants de mĂ©nage rĂ©sistants proposĂ©s par Medisafe sont conçus pour de l'entretien rĂ©gulier. Ils ne peuvent pas... À quoi sert un doigtier ? Un doigtier mĂ©dical de protection permet de rĂ©aliser un examen sans que le doigt n'entre en contact avec une muqueuse. Les proctologues l'utilisent pour un examen rectal, les gynĂ©cologues pour un examen vaginal et les dentistes peuvent Ă©galement l'utiliser pour des examens buccaux. GrĂące Ă  leur conception qui entoure le doigt au plus proche et ne nuit pas aux capacitĂ©s de prĂ©hension et de manipulation tactile. Les doigtiers sont des solutions temporaires plus pratiques et plus Ă©conomes que des gants Ă  usage unique dans un cadre mĂ©dical. Le gant de doigt protecteur n'est gĂ©nĂ©ralement pas stĂ©rile, il ne peut pas ĂȘtre utilisĂ© pour des opĂ©rations mĂ©dicales invasives. Les doigtiers de protection Ă  usage unique sont Ă©galement trĂšs rĂ©pandus dans de nombreux secteurs d'activitĂ©, dont l'ensemble des mĂ©tiers de bouche boucher, pĂątissier, boulanger..., de restauration et de cuisine puisqu'ils peuvent protĂ©ger un doigt ou un ongle blessĂ© cors ou ongle incarnĂ© par exemple avec saignement afin d'Ă©viter le risque de contamination des aliments et de la nourriture par le sang. Un pansement peut ĂȘtre placĂ© sous le doigtier en cas d'hĂ©morragie externe liĂ©e Ă  une coupure. Il est Ă©galement possible d'utiliser un doigtier jersey pour consolider un pansement dĂ©jĂ  en place. Les doigtiers sont Ă©galement utilisĂ©s en papeterie pour manipuler les pages des livres sans les endommager, dans ce cas lĂ  on favorise des doigtiers Ă  picots. Comment choisir son doigtier ? Une boite de gants pour doigt avec ou sans picots doit ĂȘtre choisie avec prĂ©caution avant achat afin de rĂ©pondre pleinement Ă  l'utilisation qui est prĂ©vue. Il existe diffĂ©rentes donnĂ©es Ă  prendre en compte La matiĂšre il existe plusieurs matiĂšres utilisĂ©es pour la confection de protĂšge doigts. Chaque matiĂšre prĂ©sente ses avantages et ses dĂ©fauts. Le latex est extrĂȘmement souple et facile Ă  positionner mais peut prĂ©senter un risque allergique. Le cuir n'est Ă  utiliser que pour protĂ©ger un doigt blessĂ© mais pas pour rĂ©aliser un examen. Le polyĂ©thylĂšne est rĂ©sistant mais adhĂšre moins bien au doigt que du nitrile ou du vinyle. Le bandage en jersey de coton ne sert quant Ă  lui qu'Ă  maintenir en place sur la phalange un soin compresse, pansement, bande... sans offrir d'impermĂ©abilitĂ©. Il existe Ă©galement des doigtiers en caoutchouc. La taille il existe plusieurs tailles de protĂšge-doigts. Il est important de s'orienter vers une taille prĂ©cise correspondant Ă  la taille des doigts majeur et index gĂ©nĂ©ralement du ou des potentiels porteurs. La taille correspond gĂ©nĂ©ralement au diamĂštre d'insertion. L'utilisation qui en est prĂ©vue il est essentiel de choisir le modĂšle de son doigtier de protection en fonction de l'utilisation prĂ©vue. Il ne faudra pas choisir les mĂȘmes types de gants pour doigt en fonction que l'on travaille en bureau ou dans le domaine mĂ©dical. La quantitĂ© tous les lots et sachets de protection pour doigts ne possĂšdent pas la mĂȘme quantitĂ© de piĂšces de matĂ©riel pour doigt. Il faut s'assurer d'avoir suffisamment d'unitĂ©s pour garantir la santĂ© et la sĂ©curitĂ© de l'ensemble des travailleurs d'une entreprise. Les accessoires pour doigts sont gĂ©nĂ©ralement roulĂ©s au niveau de leur diamĂštre d'insertion afin de se serrer autour du doigt et assurer une impermĂ©abilitĂ© optimale. Comment mettre un doigtier ? Un doigtier mĂ©dical de protection doit ĂȘtre enfilĂ© minutieusement afin de ne pas l'Ă©tirer ou l'abimer. Les mains doivent ĂȘtre propres et sĂšches au moment d'enfiler son gant pour doigt, nous recommandons pour se faire l'utilisation de gel antibactĂ©rien. Il faut ensuite placer le diamĂštre du doigtier au bout du doigt Ă  protĂ©ger, puis le dĂ©rouler vers l'intĂ©rieur de la main. Vous trouverez Ă©galement dans cette catĂ©gorie des paires de gants de mĂ©nage et des gants stĂ©riles. Medisafe propose des doigtiers protecteurs roulĂ©s en boite, en sachet ou Ă  l'unitĂ©. Pour l'achat d'une grande quantitĂ© de protections pour doigts, de gants nitrile ou d'autres produits d'hygiĂšne mĂ©dicale ou pour des infos concernant nos produits, il est recommandĂ© de contacter notre service client pour un devis afin d'obtenir de meilleurs prix. Livraison gratuite Ă  partir de 99,95€ HT d'achat sur notre site web.
Enlevertache gel hydroalcoolique sur simili cuir - Guide ; 3 rĂ©ponses. RĂ©ponse 1 / 3. Meilleure rĂ©ponse. dilou 21 fĂ©vr. 2015 Ă  18:21. il existe des petits "rasoirs" pour enlever les bouloches, c'est un peu fastidieux, il faut passer plusieurs fois au mĂȘme endroit pour obtenir un beau rĂ©sultat mais c'est trĂšs efficace et il n'y a aucun risque d'abĂźmer le jersey, c'est Ă©tudiĂ© pour
Dimanche 15 novembre 2020 Ă  908 - Mis Ă  jour le dimanche 15 novembre 2020 Ă  1422 Il y a toujours une goutte qui coule et qui atterrit sur les vĂȘtements. ça nettoie... mais ça fait des taches ! © Getty Avec Romain Buquet, droguiste en Fournirue Ă  Metz. Voir le site internet. Pour faire disparaĂźtre les traces de gel hydroalcoolique sur les tissus, vous avez 3 solutions - LA PLUS NATURELLE le jus de citron quelques gouttes sur une Ă©ponge et frottez un peu. - MOINS NATURELLE le shampoing frottez la tache avec une goutte de shampoing et de l'eau trĂšs chaude. - EN DERNIER RECOURS l’ammoniaque avec de l'eau savonneuse, frottez et rincez avec de l'eau claire sans attendre.
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